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y est formel, dans l'apologie qu'il présenta à cet empereur. << Tout notre crime, dit-il en adressant la parole aux juges, est de confesser que nous sommes chrétiens : voilà uniquement ce que vous punissez en nous... Vous commencez par condamner ceux qui sont déférés à votre tribunal, et vous les envoyez au supplice avant que de connaître s'ils l'ont mérité.... » Et plusieurs lignes après : « Nous » confessons nettement que nous sommes chrétiens, à la première demande que vous nous en faites, quoique nous n'ignorions pas que la mort doit être aussitôt le prix de cette confession sincère. Si nous n'avions en vue que d'acquérir un royaume sur la terre, nous nous donnerions bien de garde d'avouer une chose qui doit sur>>le-champ nous coûter la vie.... Si nous confessons Jésus>> Christ, ce n'est pas que nous y soyons forcés, et si nous » allons à la mort, c'est volontairement que nous y al»lons.... » Que ce soit, au reste, par des ordres exprès de l'empereur qu'on en ait usé ainsi envers les chrétiens, les dernières paroles de cette apologie le font assez connaître car voici comme son bienheureux auteur parle à Antonin même. « Ceux que vous condamnez à mort, n'ont jamais commis aucun crime : ils sont innocens; ne les >> traitez pas comme des coupables, ou comme des enne» mis de votre empire; mais sachez que si vous persistez dans votre injustice, vous n'éviterez pas le terrible jugement du Dieu vivant; c'est de sa part que nous vous l'annonçons. D'ailleurs, il est clair que cette apologie ne fut pas présentée à Antonin au commencement de son règne, puisqu'outre que l'auteur y parle des Marcionites, dont l'hérésie n'avait pas encore alors éclaté, il marque expressément qu'il écrit la cent cinquantième année de Jésus-Christ, qui revient à la treizième d'Antonin. Le même auteur, dans son dialogue avec Tryphon, après avoir dit que les chrétiens viennent de perdre la vie pour n'avoir pas

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voulu renoncer Jésus-Christ, ajoute, vers le milieu : « Il » paraît assez que rien n'est capable de nous faire changer » de religion, puisque nous aimons mieux être égorgés, » attachés à des croix, exposés aux bêtes, chargés de chaî»nes, brûlés à petit feu, en un mot, endurer toutes sortes de supplices, que de donner la moindre marque d'une » foi chancelante et douteuse.... et ensuite, on ne souffre plus aucun chrétien sur la terre. » Tous ces passages de saint Justin s'accordent fort bien avec une ancienne inscription, trouvée au cimetière de Caliste (1). C'est l'épitaphe d'un Martyr nommé Alexandre, où on lit, que les temps furent si malheureux sous l'empire d'Antonin, que les cavernes les plus reculées et les antres les plus obscurs ne pouvaient servir d'asiles aux chrétiens contre la fureur des persécuteurs, et que l'on faisait un crime aux parens et aux amis, des devoirs que la nature ou l'amitié leur faisait rendre à ceux que la persécution immolait. Certainement si nous en croyons un auteur qui a écrit la vie d'Antonin, ce prince avait une si grande attache à ses dieux, qu'il leur offrait sans cesse des sacrifices; ce qu'il faisait toujours lui-même, à moins qu'il ne fût malade. Et si quelquefois il s'abstenait de répandre le sang des chrétiens, ce n'était que parce que les voyant courir à la mort avec la même joie que les autres courent à la victoire, il reconnaissait qu'il ne pouvait leur faire un plus grand plaisir que de les faire mourir. Enfin, ces persécutions locales se prouvent par un rescrit de cet empereur même, à plusieurs villes de son empire, auxquelles il défend d'inquiéter à l'avenir les chrétiens, voulant qu'on fasse cesser tout trouble et tout tumulte excité contr'eux, car ces émotions populaires n'allaient pas moins qu'à répandre le sang des fidèles, ce que le rescrit

(1) Romæ subterr. 1. 3, c. 22.

exprime en ces termes. « Vous chassez avec violence les >> chrétiens de vos villes, et vous les poursuivez avec tant d'animosité, qu'il en coûte la vie à plusieurs (1). »

6. Persécution sous Marc-Aurèle,

Nous avons déjà remarqué que Dodwel attribue à l'empereur Antonin, la mort de saint Polycarpe, de Justin et de quelques autres Martyrs, contre le sentiment général des savans, qui la font arriver sous le règne de Marc-Aurèle. Nous ne nous arrêterons pas davantage à éclaircir ce différend, ayant assez d'autres preuves de la persécution excitée par cet empereur. Nous ne saurions toutefois nous empêcher d'observer en passant, que Dodwel se trompe encore, lorsqu'il prétend qu'on ne peut inférer de la première apologie de saint Justin, que la persécution dont il parle, se soit étendue à plus de trois Martyrs, parce que l'apologie n'en nomme que trois, puisque dès le commencement même de l'ouvrage, l'auteur insinue l'idée d'une persécution presque générale. Voici ses paroles: «< ce que nous venons de voir arriver dans votre ville, ô Romains! » par

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l'ordre d'Urbicius, et ce que les gouverneurs, contre toutes les règles de la justice et de la raison.... ce sont sans doute les démons qui font leurs efforts pour nous » procurer la mort.... » Il fait ensuite le récit de celle de Ptolomée et de ses compagnons, que le préfet, sans avoir égard à leur innocence, venait d'envoyer au supplice pour avoir confessé le nom de Jésus-Christ. Mais voyons maintenant ce que Dodwel pense de la persécution de MarcAurèle.

« Il soutient que l'empereur n'eut aucune part à cette

(1) Euseb. hist. 1. 4, c. 13 et c. 26.

T. XXIII.

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persécution, et que le nombre des Martyrs qu'elle enleva, » fut bien moins considérable qu'on ne le croit communément. Il le réduit aux seuls Martyrs de Lyon ; il ne veut » pas même qu'ils aient souffert pour la cause de la reli»gion, mais parce qu'ils furent convaincus, sur la dépo>>sition de leurs escalves, de meurtre et d'inceste. Il n'est >> donc pas étonnant, dit-il, que le plus doux et le plus » clément des empereurs ait donné un édit contre les chré» tiens, mais on doit plutôt admirer sa modération et son équité, en ce qu'il n'a pas voulu que les peines portées par cet édit, tombassent indifféremment sur tous les chré» tiens, son intention étant qu'il n'eût d'effet qu'à l'égard de ceux de Vienne et de Lyon. Il ajoute, que cela se passa la septième année de l'empire de Marc-Aurèle, » parce que ce fut durant la solennité des jeux, qui selon » lui n'arrivait que tous les cinq ans, et non la dix-sep» tième, suivant le calcul d'Eusèbe. Que pour les autres persécutions qui parurent dans les autres provinces, sous » le même empereur, elles n'étaient que des suites de celle » de Lyon, et voici comme il explique la chose. Aussitôt, » dit-il, que la mort des chrétiens de Lyon fut sue dans » la Grèce (1), et que les motifs, quoique supposés, en » eurent été publiés parmi le peuple, il se fit dans cette province un soulèvement général contre tous ceux qui » faisaient profession du christianisme, qui toutefois n'eut aucune suite sanglante, à cause que les magistrats des villes, qui d'ordinaire dans ces rencontres étaient les seuls qui remuassent, n'avaient pas le pouvoir de condamner » à mort. Ce fut cette émotion populaire qui donna lieu à l'apologie d'Athénagoras. Les mêmes nouvelles, et avec » les mêmes fausses circonstances étant aussi passées en

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(1) La Grèce est appeleé ici Hellas: il y a une ville de Thessalie, qui se nomme de même.

» Asie, Ꭹ excitèrent les mêmes mouvemens de fureur contre » les chrétiens, ce qui obligea pareillement Apollinaire et » Méliton d'écrire pour la défense de leurs frères, que la >> calomnie opprimait en tant de lieux. » Il faut maintenant répondre en détail à tous ces chefs.

En premier lieu, nous faisons voir dans l'avertissement que nous avons mis à la tête des Actes des Martyrs de Lyon, que leur mort doit être rapportée à la dix-septième année de Marc-Aurèle, et nous le prouvons par l'histoire d'Eusèbe, qui se trouve en cela conforme à sa chronique. Pour ce qui regarde les jeux de Lyon, qui, au sentiment de Dodwel, ne se célébraient que tous les cinq ans, nous ne voyons pas qu'il l'appuie d'aucune raison démonstrative; il n'en a que de probables: mais nous lui opposons le témoignage de M. de Marca et celui du P. Pagi, qui trouvent que ces sortes de jeux se solennisaient souvent chaque année; mais quand bien même la solennité ne s'en serait faite que tous les cinq ans, on n'en pourait rien tirer de certain, puisque tantôt on les reculait, tantôt on les avançait, et l'ordre étant une fois rompu, on ne songeait plus à le rétablir. On n'estime pas, au reste, qu'en ce qui regarde l'époque qui doit fixer le commencement du pontificat d'Eleuthère, on doive abandonner Eusèbe et les anciens écrivains ecclésiastiques, pour suivre Eutiche, auteur grec du dixième siècle. Il faut maintenant voir si ces saints Martyrs ont été condamnés, ou comme coupables de deux des plus grands crimes, ainsi que le prétend Dodwel, ou seulement comme chrétiens. Il n'y a pour cela qu'à ouvrir la lettre que les Eglises de Vienne et de Lyon écrivent aux Eglises d'Asie : « on y rencontre d'abord, que le gouverneur de Lyon » ayant demandé à Attale s'il était chrétien, Attale répondit qu'il était chrétien; et la lettre ajoute, qu'il fut aussitôt » mis au rang des Martyrs. Le même Attale, pendant qu'on » lui faisait faire le tour de l'amphithéâtre, avait un écri

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