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» par un édit exprès dans le cirque, d'offrir pour la santé publique, et l'on cria par deux fois qu'il fallait me >> donner au lion..... » Ce fut encore en cette rencontre qu'il composa le livre qui a pour titre, Exhortation au Martyre, où il avoue qu'on ne peut savoir le nom»bre des Martyrs du nouveau Testament, et que ce sont ceux que saint Jean, dans son Apocalypse, désigne

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par ces paroles : J'ai vu une multitude innombrable » de personnes de toute nation.... » Il assure la même chose, dans son livre des témoignages (1).

13. Persécution sous Valérien.

La troisième persécution que saint Cyprien ait vu allumée dans l'Eglise, et dont il a été lui-même enfin consumé, est celle de Valérien. Ce prince, au commencement de son règne, était assez bien intentionné envers les chrétiens, mais il changea ensuite de sentimens, et se laissant aller aux mauvais conseils de Macrien, fameux magicien, et le chef des magiciens de l'Egypte, il persécuta les fidèles avec tant de fureur, qu'il mérite de tenir un des premiers rangs parmi les plus cruels persécuteurs de l'Eglise. Lactance dit qu'en très-peu de temps il répandit beaucoup de sang (2). D'où Dodwel conclut que puisque la persécution fut courte, le nombre des Martyrs ne fut pas grand; nous, au contraire, nous disons que le nombre des Martyrs fut très-grand; quoique le temps de la persécution fût court.

Il est certain qu'elle fut violente dès son commencement, cela se voit par une lettre de saint Cyprien, écrite aux confesseurs condamnés aux métaux (3) : il les félicite

(1) L. 3, c. 16. (2) Lib. de mort. pers. c. 5. (3) Epist. 76.

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de ce que, par les mauvais traitemens qu'ils endurent, ils se frayent un chemin au martyre. « Une partie, ajoutet-il, y est déjà parvenue avec beaucoup de gloire, et l'autre partie enfermée dans des cachots et reléguée dans » les mines, marche, quoique plus lentement, dans cette glorieuse carrière. » Que Dodwel nous dise tant qu'il lui plaira, qu'il n'y eut que les évêques et les ecclésiastiques qui souffrirent alors; saint Cyprien nous assure du contraire. « La plus grande et la plus saine partie du trou» peau, continue ce Saint, a suivi l'exemple de ses pas»teurs; le peuple a confessé Jésus-Christ, aussi bien que » les évêques, et la même main a couronné les uns et >> les autres. Les jeunes enfans et les vierges n'ont pas cru que leur âge ni leur sexe pussent les exempter de >> mourir avec leurs frères... » Au reste, saint Cyprien écrivait ceci la première année de la persécution (1); mais un nouvel édit de Valérien la porta l'année suivante jusqu'à l'excès. Ce fut pour lors que le pape saint Sixte fut martyrisé à Rome, et qu'enfin saint Cyprien lui-même perdit la tête à Carthage. L'orage alla fondre ensuite sur la Numidie et sur les autres provinces d'Afrique, où il enleva saint Jacques, saint Marien et saint Montan, tous disciples de saint Cyprien. On dit que saint Montan humilia quelques hérétiques qui disputaient à l'Eglise son heureuse fécondité en Martyrs, qu'il les confondit, et qu'il les convainquit d'erreur. Saint Denys d'Alexandrie fut aussi arrêté avec quelques autres (2). Nous rapportons ailleurs ce qui se passa dans les autres provinces: Grégoire de Tours (3) nous a donné l'histoire de quelques Martyrs qui périrent dans une irruption que des Barbares firent dans les Gaules (4),

(1) L'an 257. (2) Apud Euseb. 1. 7, c. 1. (3) Lib. 1, hist. c. 33. (4) En Auvergne.

entre lesquels il nomme Cassius et Victorin, Antolien et Limien, et saint Privat, évêque.

L'empereur Valérien ayant été fait prisonnier par les Perses, qui le traitèrent avec beaucoup d'indignité, comme s'ils eussent eu dessein de venger les chrétiens, son fils Gallien rendit la paix à l'Eglise, qu'aucun des empereurs qui régnèrent jusqu'à Dioclétien, ne troubla par ses édits, si toutefois on en excepte Aurélien (1). Ce n'est pas qu'il n'y eût des Martyrs; mais les magistrats qui les faisaient mourir, lorsque leur humeur ou leur intérêt les portaient à la cruauté, se couvraient, pour l'exercer plus sûrement, de l'autorité des lois anciennes.

14. Martyrs, sous les règnes de Carus et d'Aurélien.

La chronique d'Alexandrie met sous le règne de Carus, la mort de plusieurs Martyrs, parmi lesquels elle nomme saint George et saint Babilas, évêque d'Antioche. Mais l'auteur de cette chronique pourrait bien n'avoir pas observé dans toute l'exactitude, l'ordre et la suite des temps. C'est pourquoi nous n'en dirons rien davantage, et nous passerons à la persécution d'Aurélien.

Dodwel ne met aucun martyr sous Aurélien, parce que la persécution fut, dit-il, à la vérité, résolue, mais on n'en vint pas jusqu'à l'exécution. Et il fait ce qu'il peut pour s'autoriser du témoignage d'Eusèbe et de celui de Lactance, que nous convenons avec lui devoir servir de règle, et être une décision en cette matière. 'Or, Eusèbe (2) dit qu'Aurélien, après avoir été à l'égard des chrétiens dans des dispositions assez favorables, vint à changer de sentimens dans la suite, et suivant l'avis de quelques personnes

(1) Lact. de mort. pers. c. 5. (2) L. 6, c. 30.

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de son conseil, il prit la résolution de persécuter les fidèles. « Déjà, dit cet historien, le bruit s'en répandait de » tous côtés; mais comme l'empereur était sur le point de signer les édits qui avaient été concertés contre nous, la justice divine arrêta sa main.... » Pour Lactance, il dit qu'Aurélien ne put exécuter ce qu'il avait projeté, et qu'à peine sa fureur avait-elle commencé à s'allumer, qu'elle fut éteinte avec sa vie. Si Aurélien, conclut Dodwel, n'a pu poursuivre ce qui avait été résolu dans son conseil, c'est une preuve évidente qu'il n'y a eu aucun Martyr qui ait souffert en vertu de ces édits. Quoiqu'on puisse conclure de ces passages que la persécution d'Aurélien a peu duré, il ne s'ensuit pas pour cela qu'elle n'ait fait aucun Martyr. Premièrement, ce bruit qui se répandit du changement de l'empereur à l'égard des chrétiens, qui le porta à publier contr'eux de sanglans édits, marque déjà qu'il avait conçu pour eux une aversion prodigieuse. Son conseil s'étant ensuite déclaréouvertement contre eux, et ayant allumé par leurs pernicieux avis les premiers feux de la persécution, il est presqu'impossible que quelque chrétien n'en ait été consumé. Eusèbe n'en disconvient pas, dans sa chronique, lorsqu'il dit «< qu'Aurélien fut massacré après avoir excité » contre les fidèles une persécution. » A l'égard de Lactance, il dit véritablement que, lorsque ce prince fut tué, son édit n'avait pas encore été publié dans les provinces de l'empire les plus éloignées. Mais qui empêche qu'il ne l'ait été après qu'il n'a plus été au monde ? Et il ne fallut pas plus de temps pour y porter cet édit, que la nouvelle de sa mort. On ne peut du moins disconvenir qu'il n'ait été reçu dans les provinces les plus voisines de Rome, et Aurélien fut tué, à la vérité, dans le premier accès de sa fureur, mais il avait déjà par des effets attaqué la souveraine majesté de Dieu. Il n'exécuta pas son projet, il est vrai, car il avait projeté de détruire la religion chrétienne; mais

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Néron avait formé le même dessein, et il ne l'exécuta pas; mais Dioclétien et tous les tyrans qui ont répandu le sang des chrétiens, ont pris la même résolution, et sont morts sans l'avoir pu effectuer cela a-t-il empêché qu'on ne les ait mis, du consentement de tout le monde, au nombre des plus cruels persécuteurs? Pour Aurélien, il est certain que, quoiqu'il ne fit, pour ainsi dire, qu'ouvrir la scène, elle ne laissa pas d'être ensanglantée par la mort de quelques Martyrs. Ainsi c'est avec justice que Lactance, le grand Constantin, Paul Orose et les autres auteurs ecclésiastiques, lui donnent rang parmi les ennemis de l'Eglise.

15. Persécution sous Diocletien, Maximien-Galère et Maximien-Hercule.

Nous voici enfin arrivés à ce temps infortunés; disons mieux, à ces heureux temps qui donnèrent au ciel tant de Martyrs; à ce règne de Dioclétien, qui fut comme inondé du sang des chrétiens. Et certes, quand même les règnes précédens auraient été pour l'Eglise aussi paisibles qu'ils furent en effet pleins de troubles et de sanglantes exécutions, celui-ci pourrait seul lui fournir assez de Martyrs pour lui procurer la gloire d'être la mère d'une multitude presqu'infinie de Saints couronnés. Il est vrai, et l'on n'en peut disconvenir, que l'Eglise fut assez tranquille durant les premières années de ce prince, surtout dans les provinces de son obéissance; de sorte que s'il y eut alors quelques Martyrs, ce ne fut point par les ordres de l'empereur qu'ils souffrirent, mais ou parce que les lois anciennes leur étaient contraires, ou que les gouverneurs et les juges aimaient le sang, ou qu'il s'y mêla quelqu'autre motif. L'année 293 donna commencement à la persécution. Dioclétien, pour rendre plus solennelle la dixième année depuis son avénement à l'empire, se fit Dieu de son autorité privée, et T. XXIII.

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