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monde crut qu'il s'agissait du bien général de l'Etat. Dioclétien résista long-temps aux conseils que lui donnait Galère contre les chrétiens. Il lui représentait qu'il serait dangereux de troubler la paix de l'Empire, et de verser tant de sang; que les chrétiens avaient coutume de marcher courageusement à la mort; et qu'il suffirait d'interdire la nouvelle religion aux officiers de sa maison et aux soldats. Mais ces représentations ne purent vaincre l'opiniâtreté de Galère. Ils convinrent de consulter leurs amis sur le parti qu'il convenait de prendre: car c'était la politique de Dioclétien de faire le bien tout seul, pour en avoir le mérite; et le mal avec conseil, afin de se décharger sur les autres de l'odieux qui en résulterait. Les deux princes consultèrent donc quelques magistrats et quelques militaires. Ceux de la plus haute dignité parlèrent les premiers. Les uns, animés d'une haine particulière contre les chrétiens, furent d'avis d'exterminer ces ennemis des dieux et de la religion dominante. Les autres, quoique d'un avis différent, ayant découvert le sentiment du prince, ne manquèrent pas de l'adopter, soit par crainte, soit par flatterie. Ceci ne fut point encore capable de faire consentir l'empereur à ce qu'on lui proposait. Il voulut consulter les dieux et envoyer un Aruspice à l'oracle d'Apollon Milésien. La réponse de l'oracle fut contraire aux chrétiens. Ainsi l'empereur se crut obligé de céder. Jugeant qu'il ne lui était pas possible de résister à ses amis, au César et à Apollon, il ordonna qu'au moins les choses se passassent sans effusion de sang : car Galère demandait qu'on brulât vifs ceux qui refuseraient de sacrifier aux idoles.

XII.

On choisit, pour commencer la persécution, un jour propre et de bon augure (an 303). Ce fut la fête des Ter

mum calendas martias, ut quasi terminus imponeretur huic religioni. Ille dies primus leti primusque malorum causa fuit, quæ et ipsis et orbi terrarum acciderunt. Qui dies cum illuxisset, agentibus consulatum senibus ambobus octavum et septimum, repente adhuc dubiâ luce ad ecclesiam Præfectus cum ducibus et tribunis et rationalibus venit; et revulsis foribus, simulacrum Dei quæritur. Scripturæ repertæ incenduntur, datur omnibus præda. Rapitur, trepidatur, discurritur. Ipsi vero in speculis (in alto enim constituta ecclesia ex palatio videbatur) diu inter se concertabant, utrum ignem potius supponi oporteret. Vicit sententia Diocletianus 9 cavens ne magno incendio facto pars aliqua civitatis arderet. Nam multæ ac magnæ domus ab omni parte cingebant. Veniebant igitur prætoriani acie structâ cum securibus et aliis ferramentis ; et immissi undique, tandem illud editissimum paucis horis solo adæquarunt.

XIII.

Postridie propositum est edictum, quo cavebatur, ut religionis illius homines carerent omni honore ac dignitate, tormentis subjecti essent ex quocumque ordine aut gradu venirent, adversus eos omnis actio caleret, ipsi non de injuria, non de adulterio, non de rebus ablatis agere possent, libertatem denique ac vocem non haberent. Quod edictum quidam, etsi non recte, magno tamen animo diripuit et conscidit, cum irridens diceret victorias Gothorum et Sarmatarum præ

minales, comme si ce jour eût dû servir de terme à la religion chrétienne. C'est l'époque fatale des malheurs qui arrivèrent aux empereurs et à l'univers. Enfin, sous le huitième consulat de Dioclétien, et le septième de Maximien Hercule, au point du jour de la fête des Terminales, les soldats avec leurs commandans, les tribuns et les officiers du fisc vinrent à l'église; puis, après en avoir enfoncé les portes, ils cherchèrent l'idole du dieu. On trouve les saintes Ecritures que l'on brûle. Tout est au pillage, les uns volent, les autres s'agitent; ceux-ci courent çà et là. Dioclétien et Galère considéraient tout ce désordre, car l'église étant sur une éminence, on la voyait du palais. Ils délibérérent longtemps entre eux, s'ils feraient mettre le feu à cet édifice sacré. L'avis de Dioclétien, qui était pour la négative, prévalut; il craignait que l'embrasement ne se communiquât aux maisons voisines de l'église, et qu'ainsi une grande partie de la ville ne fût brûlée. Les prétoriens accouraient avec des haches et d'autres ferremens, et en peu d'heures, le temple, quoique fort haut, fut détruit et rasé jusqu'aux fondemens.

XIII.

Le lendemain parut un édit qui déclarait infâmes tous ceux qui professaient la religion chrétienne; qui les soumettait aux tortures, de quelque condition qu'ils fussent; qui autorisait toutes sortes de personnes à les accuser; qui défendait aux juges de recevoir d'eux leurs plaintes pour cause d'injure, d'adultère et de vol; qui leur ôtait enfin la liberté et la faculté de parler. Un particulier, plus courageux que prudent, arracha l'édit et le mit en pièces, en se moquant des surnoms de Gothique et de Sarmatique que s'arrogeaient les empereurs. Il fut arrêté, appliqué à

positas. Statimque productus, non modo extortus, sed etiam legitime coctus, cum admirabili patientia post

remo exustus est.

XIV.

Sed Cæsar non contentus est edicti legibus. Aliter Diocletianum aggredi parat. Nam ut illum ad propositum crudelissimæ persecutionis impelleret, occultis ministris palatio subjecit incendium. Et cum pars quædam conflagrasset, Christiani arguebantur velut hostes publici, et cum ingenti invidia simul cum palatio Christianorum nomen ardebat : illos consilio cum eunuchis habito de extinguendis principibus cogitasse, duos imperatores domi suæ pene vivos esse combustos. Diocletianus vero, qui semper se volebat videri astutum et intelligentem, nihil potuit suspicari; sed irâ inflammatus, excarnificari omnes suos protinus præcepit. Sedebat ipse, atque innocentes igne torrebat. Item judices universi, omnes denique qui erant in palatio magistri, data potestate torquebant. Erant certantes quis prior aliquid inveniret. Nihil usquam reperiebatur; quippe cum familiam Cæsaris nemo torqueret. Aderat ipse et instabat, nec patiebatur iram inconsiderati senis deflagrare. Sed quindecim diebus interjectis, aliud rursum incendium molitus est. Id celerius animadversum, nec tamen auctor apparuit. Tunc Cæsar medio hyemis profectione paratâ prorupit, eodem die contestans fugere se, ne vivus arderet.

la question, puis brûlé à petit feu : supplice qu'il souffrit avec une patience admirable.

XIV.

Galère ne se contenta pas de la rigueur de cet édit ; il employa un autre moyen pour gagner Diocletien. Il fit mettre secrètement le feu au palais, afin de le déterminer à exécuter le plan de persécution qu'il avait formé. Une partie de cet édifice fut brûlée. On fit les chrétiens auteurs de l'incendie, en sorte qu'on ne les regardait plus que comme des pestes publiques, dignes de l'exécration générale. On disait qu'ils avaient fait un complot avec les eunuques pour faire périr les princes; que peu s'en était fallu que les deux empereurs n'eussent été brûlés tout vifs dans leur propre palais. Dioclétien, qui voulait passer pour pénétrant, ne se douta pas pourtant de cet artifice : mais, transporté de colère, condamna tous ses domestiques à mort. Il voyait, de sa chaise, brûler ces malheureux qui étaient innocens. Tous les juges, tous ceux qui avaient puissance de vie et de mort, imitaient cette cruauté. C'était à qui ferait quelque découverte; mais on ne découvrait rien, parce qu'on épargnait la maison du César. Galère était présent à tout, et animait la fureur de ce vieillard aveugle. Quinze jours après, il machina un autre incendie. On le prévint plutôt, sans en découvrir toutefois l'auteur. On était au milieu de l'hiver. Galère précipita son départ de la ville, en affectant de dire qu'il fuyait, de crainte d'être brûlé vif.

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