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maligne, cette amertume mêlée d'insouciance, ces exagérations si vives, cette verve de dédain, cette franchise d'égoïsme qui veut être gaie, cette raillerie apparente sur soi-même pour se moquer des autres, ce sacrifice de toutes choses à l'esprit, cette légèreté, enfin, qui n'est souvent que le défaut d'attention et de raison, n'ont été si bien rendus; et l'effet poétique est né de cette peinture si fidèle d'une société sans âme et sans poésie. »

Ce charmant poëte mourut en 1777, regretté de tous, car il avait su non-seulement se faire admirer, mais se faire aimer, ce qui est plus difficile!

L'un des plus beaux éloges que l'on puisse faire de Gresset, c'est que Voltaire et Piron furent les seuls qui dirigèrent contre lui des traits satiriques.

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Gombault. 1635.

Gresset. 1748.

montey. 1819.

RECAPITULATION.

Tallemont. 1666. Danchet. 1712.

Millot. 1777. - Morellet. 1785. — LeFourier. 1826.-M. Cousin. 1830.

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Le nom de Chapelain, qui se présente à la tête de cette étude, ne mérite pas l'oubli absolu et encore moins le ridicule écrasant auquel certain parti l'a voué. Un poëte peut avoir du talent et tomber dans des fautes de versification plus ou moins réelles, et qui deviennent plus ou moins visibles sous le scalpel déchirant d'une critique acerbe.

Jean Chapelain en est un exemple.

Voué par sa mère au culte de la poésie, il se sentit, pour ainsi dire, porté du berceau à l'autel. Les Muses lui sourirent dès la jeunesse; après les Muses vinrent les grands du siècle et les savants : ce furent le cardinal de Richelieu, le cardinal Mazarin, Balzac et les beaux esprits, la cour et la ville, la France et l'étranger. Alors tous se disputèrent la faveur de son jugement, et

lorsque Colbert voulut connaître, parmi les littérateurs, sur qui devaient tomber les bienfaits du grand roi, ce fut encore à la décision de Chapelain qu'il s'en remit pour être juste autant que généreux. Ce sont là de ces choses qu'un historien impartial ne doit pas oublier.

Il est vrai que cet homme si éminemment distingué, et d'un goût si éclairé pour les œuvres des autres, se trompa pour son œuvre de prédilection et ne donna pas son talent à son poëme épique. La Jeanne d'Arc, de Chapelain est loin d'être un chef-d'œuvre; le plan en est obscur, traînant; le style lourd, rude et monotone. Cependant il y a quelques vers taillés à la manière de Corneille; ainsi, en parlant de Dieu dans sa gloire, il dit:

« Loin des murs flamboyants qui renferment le monde,
Dans le centre caché d'une clarté profonde,

Dieu repose en lui-même, et, vêtu de splendeur,
Sans borne, il se remplit de sa propre grandeur.
Une triple personne en une seule essence,
Le suprême pouvoir, la suprême science,
Et le suprême amour, unis en trinité,
Dans son règne éternel forment sa majesté.
Un bataillon nombreux de ministres fidèles,
Devant l'Être infini soutenu sur ses ailes,
Dans un juste concert de trois fois trois degrés,
Lui chante incessamment des cantiques sacrés.....
De son Être incréé tout est la créature;

Il voit rouler sous lui l'ordre de la nature,
Des éléments divers est l'unique lien,

La Pucelle ou la France délivrée, poëme héroïque.

Le père de la vie et la source du bien.
Tranquille possesseur de sa béatitude,
Il n'a le sein troublé d'aucune inquiétude,
Et, voyant tout sujet aux lois du changement,
Seul, ne pouvant changer, dure éternellement. »
Et plus loin, en parlant de son héroïne :
<<< Tel est un fier lion, roi des monts de Cirène,
Lorsque, de tout un peuple entouré sur l'arène,
Contre sa noble vie il voit de toutes parts
Unis et conjurés les épieux et les dards.
Reconnaissant pour lui la mort inévitable,
Il résout à la mort son courage indomptable;
Il y va sans faiblesse, il y va sans effroi,

Et, la devant souffrir, la veut souffrir en roi. »

Enfin le poids de cette œuvre précipita le poëte de son piédestal poétique. L'idole de ses veilles tomba, et il fut comme écrasé sous ses débris. Il serait juste, après deux siècles, de débarrasser Chapelain de son poëme et de lui laisser son savoir profond, sa vertu rare, ses Mémoires, ses discours, ses sonnets, et surtout son Ode au cardinal de Richelieu, louée par Boileau lui-même.

L'Académie perdit Chapelain en 1674; il avait été l'un de ses premiers et de ses plus illustres membres.

Le temps marche toujours, emportant dans sa course rapide les hommes et les choses; heureux lorsque de ces hommes il reste le nom, et de ces choses un reflet utile à l'amélioration du monde!

Sur le fauteuil de Chapelain viennent s'asseoir suc

cessivement Benserade, Pavillon, Sillery. Ils laissent peu de traces dans le vaste champ de la littérature, et l'Académie leur donne plus de gloire qu'ils n'en donnent à l'Académie.

Le sonnet de Benserade sur Job, quoique médiocre, eut un retentissement prodigieux; on n'accorderait pas aujourd'hui le même honneur à un poëme épique de haut mérite; n'importe! On vit la cour et la ville se partager en deux camps, l'un pour Benserade, l'autre pour Voiture: les Jobelins et les Uranins.

Quand Benserade sortait de ces ingénieuses bagatelles, dit l'abbé d'Olivet, il sortait de son caractère. Les grands sujets lui convenaient peu, encore moins les sujets de piété...:

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Mais, en revanche, durant plus de vingt ans il fit, à lui seul, les frais des amusements de la cour en composant des ballets.

<< Il sut confondre, mais finement, le caractère des personnes qui dansaient avec le caractère des personnages qu'ils représentaient. Le roi représentait-il Neptune ses vers convenaient également à Neptune et au roi. Si quelque dame jouait le rôle d'une déesse, elle se trouvait peinte et caractérisée elle-même dans ce qu'on disait de la déesse. Autant de récits, autant d'allégories, la plupart obligeantes, sans fadeur, toutes justes, variées, intéressantes. Pour y réussir il fallait autre chose que la science de rimer; il fallait non-seulement un grand usage de la cour, mais une liberté

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