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CHAPITRE XXVII.

Sottise infâme de l'écrivain qui a pris le nom de Chiniac de La Bastide Duclaux, avocat au parlement de Paris.

Après cet exposé fidèle, je dois témoigner ma surprise de ce que je viens de lire dans un commentaire nouveau du discours du célèbre Fleury sur les libertés de l'église gallicane. Je vais rapporter les propres paroles du commentateur, qui se déguise sous le nom de maitre Pierre de Chiniac de la Bastide Duclaux, avocat au parlement. Il n'y a point assurément d'avocat qui écrive de ce style.

vants. Ils en avaient en Sicile, en Toscane, en Ombrie; ils avaient les justices de Saint-Pierre, et des domaines dans la Pentapole. Il est très probable que Pepin augmenta ces domaines. De quoi se plaint donc le commentateur? que prétend-il ? pourquoi dit-il que l'auteur de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations « est trop peu versé « dans ces connaissances, ou trop fourbe pour « mériter quelque attention? » Quelle fourberie, je vous prie, y a-t-il de dire son avis sur Ravenne et sur la Pentapole? Nous avouons que c'est là parler en digne commentateur; mais ce n'est pas, à ce qu'il nous semble, parler en homme versé dans ces connaissances, ni versé dans la politesse, ni même versé dans le sens commun.

L'auteur de l'Essai sur les mœurs, etc., qui affirme peu, se fonde pourtant sur le testament niême de Charlemagne, pour affirmer qu'il était souverain de Rome et de Ravenne, et que par con

Charlemagne fait des legs à ces villes, qu'il appelait nos principales villes. Ravenne était la ville de l'empereur, et non pas celle du pape.

« Si on ne consultait que les Voltaire et ceux de « son bord, on ne trouverait en effet que problè« mes et qu'impostures dans nos historiens. » Ensuite cet aimable et poli commentateur, après avoir attaqué les gens de notre bord avec des com-séquent il n'avait point donné Ravenne au pape. pliments dignes en effet d'un matelot à bord, croit nous apprendre qu'il y a dans Ravenne une pierre cassée sur laquelle sont gravés ces mots, Pipinus pius primus amplificandæ Ecclesiæ viam aperuit, et exarchatum Ravennæ cum amplissimis... « Le pieux Pepin ouvrit le premier le chemin « d'agrandir l'Église, et l'exarchat de Ravenne « avec de très grands... » Le reste manque. Notre commentateur gracieux prend cette inscription pour un témoignage authentique. Nous connaissons depuis long-temps cette pierre; je ne voudrais point d'autre preuve de la fausseté de la donation. Cette pierre n'avait été connue qu'au dixième siècle : on ne produisit point d'autre monument pour assurer aux papes l'exarchat; donc il n'y en avait point. Si on fesait paraître aujourd'hui une pierre cassée avec une inscription qui certifiât que le pieux François 1er fit une donation du Louvre aux cordeliers, de bonne foi le parlement regarderait-il cette pierre comme un titre juridique? et l'académie des inscriptions l'insérerait-elle dans ses recueils?

Le latin ridicule de ce beau monument n'est pas à la vérité un sceau de réprobation; mais c'en est un que le mensonge avéré concernant Pepin. L'inscription affirme que Pepin est le premier qui ait ouvert la voie. Cela est faux avant lui Constantin avait donné des terres à l'évêque et à l'église de Saint-Jean-de-Latran de Rome jusque dans la Calabre. Les évêques de Rome avaient obtenu de nouvelles terres des empereurs sui

L'avocat Chiniac est un personnage très réel; mais quoique ce zélé défenseur de l'église janséniste ait essuyé une accusation juridique d'adultère, et que ces procès fassent toujours rire, il n'en est pas plus connu, et n'a jamais pu réussir à occuper le public ni de ses ouvrages ni de ses aventures. K.

Ce qu'il y a de plus étrange, c'est que le commentateur est lui-même entièrement de l'avis de mon auteur; il n'écrit que d'après lui; il veut prouver, comme lui, que Charlemagne avait le pouvoir suprême dans Rome; et, oubliant tout d'un coup l'état de la question, il se répand en invectives ridicules contre son propre guide. Il est en colère de ne savoir pas quelle était l'étendue et la borne du nouveau pouvoir de Charlemagne dans Rome. Je ne le sais pas plus que lui, et cependant je m'en console. Il est vraisemblable que ce pouvoir était fort mitigé pour ne pas trop choquer les Romains. On peut être empereur sans être despotique. Le pouvoir des empereurs d'Allemagne est aujourd'hui très borné par celui des électeurs et des princes de l'empire. Le commentateur peut rester sans scrupule dans son ignorance pardonnable, mais il ne faut pas dire de grosses injures parce qu'on est un ignorant; car lorsqu'on dit des injures sans esprit, on ne peut ni plaire ni instruire; le public veut qu'elles soient fines, ingénieuses, et à propos. Il n'appartient même que très rarement à l'innocence outragée de repousser la calomnie dans le style des Philippiques; et peut-être n'est-il permis d'en user ainsi que quand la calomnie met en danger un honnête homme : car alors c'est se battre contre un serpent, et on n'est pas dans le cas de Tartufe, qui s'accusait d'avoir tué une puce avec trop de colère.

CHAPITRE XXVIII.

D'une calomnie abominable et d'une impiété horrible du prétendu Chiniac.

Passe encore qu'on se trompe sur une pancarte de Pepin- le-Bref, le pape n'en a pas sur Ravenne un droit moins confirmé par le temps et par le consentement de tous les princes; la plupart des origines sont suspectes, et un droit reconnu de tout le monde est incontestable.

Mais de quel front le prétendu Chiniac de La Bastide Duclaux, commentateur des libertés de l'église gallicane, peut-il citer cet abominable passage qu'il dit avoir lu dans un dictionnaire? « Jésus-Christ a été le plus habile charlatan et le plus grand imposteur qui ait paru depuis ◄ l'existence du monde. » On est naturellement porté à croire qu'un homme qui cite un trait si horrible avec confiance ne l'a pas inventé. Plus l'atrocité est extrême, moins on s'imagine que ce soit une fiction. On croit la citation vraie, précisément parce qu'elle est abominable; cependant il n'y en a pas un mot, pas l'ombre d'une telle idée dans le livre dont parle ce Chiniac. Est-ce là une liberté gallicane? J'ai lu très attentivement ce livre qu'il cite ; je sais que c'est un recueil d'articles traduits du lord Shaftesbury, du lord Bolingbroke, de Trenchard, de Gordon, du docteur Middleton, du célèbre Abauzit ; et d'autres morceaux connus qui sont mot à mot dans le grand Dictionnaire encyclopédique, tel que l'article MESSIE, lequel est tout entier d'un pasteur d'une église réformée, et dont nous possédons l'original.

Non seulement l'infâme citation du prétendu Chiniac n'est dans aucun endroit de ce livre, mais je puis assurer qu'elle ne se trouve dans aucun des livres écrits contre la religion chrétienne, depuis Celse et l'empereur Julien le devoir de mon état est de les lire pour y mieux répondre, ayant l'honneur d'être bachelier en théologie. J'ai lu tout ce qu'il y a de plus fort et de plus frivole. Woolston lui-même, Jean-Jacques Rousseau, qui ont osé nier si audacieusement les miracles de notre Seigneur Jésus-Christ, n'ont pas écrit une seule ligne qui ait la moindre teinture de cette horrible idée; au contraire ils rendent à Jésus-Christ le plus profond respect; et Woolston surtout se borne à regarder les miracles de notre Seigneur comme des types et des paraboles.

J'avance hardiment que, si cet insolent blasphème se trouvait dans quelque mauvais livre, mille voix se seraient élevées contre le monstre qui l'aurait vomi. Enfin je défie le Chiniac de me le montrer ailleurs que dans son libelle; apparem

ment il a pris ce détour pour blasphemer, sous le masque, contre notre Sauveur, comme il blasphème à tort et à travers contre notre saint père le pape, et souvent contre les évêques il a cru pouvoir être criminel impunément, en prenant ses flèches infernales dans un carquois sacré, et en couvrant d'opprobre la religion, qu'il feint de défendre. Je ne crois pas qu'il y ait d'exemple ni d'une calomnie si impudente, ni d'une fraude si basse, ni d'une impiété si effrayante; et je pense que Dieu me pardonnera si je dis quelques injures à ce Chiniac.

Il faut sans doute avoir abjuré toute pudeur, ainsi qu'avoir perdu toute raison, pour traiter Jésus-Christ de charlatan et d'imposteur; lui qui vécut toujours dans l'humble obscurité; lui qui n'écrivit jamais une seule ligne, tandis que de modernes docteurs si peu doctes nous assomment de gros volumes sur des questions dont il ne parla jamais ; lui qui se soumit depuis sa naissance jusqu'à sa mort à la religion dans laquelle il était né; lui qui en recommanda toutes les observances, qui ne prêcha jamais que l'amour de Dieu et du prochain; qui ne parla jamais de Dieu que comme d'un père, selon l'usage des juifs; qui, loin de se donner jamais le titre de Dieu, dit, en mourant a, Je vais à mon père, qui est votre père; à mon Dieu, qui est votre Dieu; lui enfin dont le saint zèle condamne si hautement l'hypocrisie et les fureurs des nouveaux charlatans, qui dans l'espérance d'obtenir un petit bénéfice, ou de servir un parti qui les protége, seraient capables d'employer le fer ou le poison, comme ils ont employé les convulsions et les calomnies.

Ayant cherché en vain pendant plus de trois mois la citation du prétendu Chiniac, et ayant prié mes amis de chercher de leur côté, nous avons tous été forcés avec horreur de lire plus de quatre cents volumes contre le christianisme, tant en latin qu'en anglais, en italien, en français, et en allemand. Nous protestons devant Dieu que le blasphème en question n'est dans aucun de ces livres. Nous avons cru enfin qu'il pourrait se rencontrer dans le discours qui sert de préface à l'Abrégé de l'Histoire ecclésiastique. On prétend que cet avant-propos est d'un héros philosophe né dans une autre communion que la nôtre; génie sublime, dit-on, qui a sacrifié également à Mars, à Minerve, et aux Gràces; mais qui, ayant le malheur de n'être pas né catholique romain, et se trouvant sous le joug de la réprobation éternelle, s'est trop livré aux enseignements trompeurs de la raison, qui égare incontestablement quiconque n'écoute qu'elle. Je ne forme point de

a Jean, ch. xx, v. 17.

che.

jugement téméraire ; je suis loin de penser qu'un | querons pas de le condamner de cœur et de bousi grand homme ne soit pas chrétien. Voici les paroles de cette préface:

« L'établissement de la religion chrétienne a << eu, comme tous les empires, de faibles commen« cements. Un juif de la lie du peuple, dont la << naissance est douteuse, qui mêle aux absurdités « d'anciennes prophéties hébraïques, des pré« ceptes d'une bonne morale, auquel on attribue « des miracles, et qui finit par être condamné à « un supplice ignominieux, est le héros de cette « secte. Douze fanatiques se répandent de l'orient « jusqu'en Italie; ils gagnent les esprits par cette « morale si sainte et si pure qu'ils prêchaient; et, « si l'on excepte quelques miracles propres à « ébranler les imaginations ardentes, ils n'en«seignaient que le déisme. Cette religion com«mençait à se répandre dans le temps que l'ema pire romain gémissait sous la tyrannie de « quelques monstres qui le gouvernèrent consé«cutivement. Durant ces règnes de sang, le ci« toyen préparé à tous les malheurs qui peuvent « accabler l'humanité ne trouvait de consolation « et de soutien contre d'aussi grands maux que « dans le stoïcisme. La morale des chrétiens resa semblait à cette doctrine, et c'est l'unique cause a de la rapidité des progrès que fit cette religion. « Dès le règne de Claude, les chrétiens formaient « des assemblées nombreuses, où ils prenaient « des agapes, qui étaient des soupers en commu« nauté. >>

Ces paroles sont audacieuses, elles sont d'un soldat qui sait mal farder ce qu'il croit la vérité; mais, après tout, elles disent positivement le contraire du blasphème annoncé par Chiniac.

La religion chrétienne a eu de faibles commencements, et tout le monde en convient. Un juif de la lie du peuple, rien n'était plus vrai aux yeux des juifs. Ils ne pouvaient deviner qu'il était né d'une Vierge et du Saint-Esprit, et que Joseph, mari de sa mère, descendait du roi David. De plus, il n'y a point de lie aux yeux de Dieu; devant lui tous les hommes sont égaux.

Douze fanatiques se répandent de l'orient jusqu'en Italie. Le terme de fanatique, parmi nous, est très odieux, et ce serait une terrible impiété d'appeler de ce nom les apôtres : mais si, dans la langue maternelle de l'auteur, ce terme ne veut dire que persuadé, zélé, nous n'avons aucun reproche à lui faire; il nous paraît même très vraisemblable qu'il n'a nulle intention d'outrager ces apôtres, puisqu'il compare les premiers chrétiens aux respectables stoïciens. En un mot, nous ne fesons point l'apologic de cet ouvrage; et dès que notre saint père le pape, juge impartial de tous les livres, aura condamné celui-ci, nous ne man

CHAPITRE XXIX.

Bévue énorme de Chiniac.

Le prétendu Chiniac de La Bastide Duclaux a répondu que les paroles par lui citées se trouvent dans le Militaire philosophe, non pas précisément et mot à mot, mais dans le même sens. Ce Militaire philosophe est, dit-on, du sieur Saint-Hyacinthe, qui fut cornette de dragons en 1685, et employé dans la fameuse dragonnade, à la révocation de l'édit de Nantes. Mais examinons les paroles dans ce Militaire":

« Voici, après de mûres réflexions, le juge«ment que je porte de la religion chrétienne. Je « la trouve absurde, extravagante, injurieuse à « Dieu, pernicieuse aux hommes, facilitant et « même autorisant les rapines, les séductions, « l'ambition, l'intérêt de ses ministres, et la « révélation des secrets des familles; je la vois « comme une source intarissable de meurtres, de « crimes, et d'atrocités commises sous son nom; « elle me semble un flambeau de discorde, de « haine, de vengeance, et un masque dont se «couvre l'hypocrisie pour tromper plus adroite«ment ceux dont la crédulité lui est utile; enfin « j'y vois le bouclier de la tyrannie contre les « peuples qu'elle opprime, et la verge des bons « princes quand ils ne sont pas superstitieux. Avec << cette idée de votre religion, outre le droit de « l'abandonner, je suis dans l'obligation la plus « étroite d'y renoncer et de l'avoir en horreur, de « plaindre ou de mépriser ceux qui la prêchent, « et de vouer à l'exécration publique ceux qui la « soutiennent par leurs violences et leurs persé«cutions. »>

Ce morceau est une invective sanglante contre les abus de la religion chrétienne, telle qu'elle a été pratiquée depuis tant de siècles, mais non pas contre la personne de Jésus-Christ, qui a recommandé tout le contraire. Jésus n'a point ordonné la révélation des secrets des familles. Loin de favoriser l'ambition, il l'a anathématisée; il a dit en termes formels b: « Il n'y aura ni premier ni der«nier parmi vous; Le fils de l'homme n'est pas « venu pour être servi, mais pour servir. » C'est un mensonge sacrilége de dire que notre Sauveur a autorisé la rapine. Ce n'est pas assurément la prédication de Jésus, « qui est une source inta

a Chap. 1x, page 85 de la dernière édition. -b Matth., ch. xx, v. 27 et 28.

rissable de meurtres, de crimes, et d'atrocités ◄ commises sous son nom. » Il est visible qu'on a abusé de ces paroles, « Je ne suis point venu • apporter la paix, mais le glaive; » de ces autres passages : « Que celui qui n'écoute pas l'Église soit comme un païen ou comme un douanier : « — Contrains-les d'entrer. Si quelqu'un vient à moi, et ne hait pas son père et sa mère et sa femme et ses enfants et ses frères et ses sœurs et ⚫ encore son ami, il ne peut être mon disciple; » ́

un transport de passion. Mais revenons au pyrrhonisme de l'histoire.

CHAPITRE XXX.

Anecdote historique très hasardée.

Duhaillan prétend, dans un de ses opuscules, que Charles VIII n'était pas fils de Louis XI; c'est

et enfin des paraboles dans lesquelles il est dit peut-être la raison secrète pour laquelle Louis XI que le maître fit jeter dans les ténèbres exté-négligea son éducation, et le tint toujours éloigné rieures, pieds et mains liés, celui qui n'avait de lui. Charles VIII ne ressemblait à Louis x1 ni • pas la robe nuptiale à un repas. » Ces discours, ces énigmes, sont assez expliqués par toutes les par l'esprit ni par le corps. Enfin la tradition pouvait servir d'excuse à Duhaillan; mais cette tradimaximes évangéliques qui n'enseignent que la paix tion était fort incertaine, comme presque toutes et la charité. Ce ne fut même jamais aucun de ces le sont. La dissemblance des pères et des enfants passages qui excita le moindre trouble. Les disest encore moins une preuve d'illégitimité que la cordes, les guerres civiles, n'ont commencé que ressemblance n'est une preuve du contraire. par des disputes sur le dogme. L'amour-propre fait naître l'esprit de parti, et l'esprit de parti fait couler le sang. Si on s'en était tenu à l'esprit de Jésus, le christianisme aurait été toujours en paix. M. de Saint-Hyacinthe a donc tort de reprocher au christianisme ce qu'on ne doit reprocher qu'à plusieurs chrétiens.

La proposition du Militaire philosophe est donc aussi dure que le blasphème du prétendu Chiniac

est affreux.

Concluons que le pyrrhonisme historique est très utile; car si, dans cent ans, le Commentaire des libertés gallicanes et le Militaire philosophe tombent dans les mains d'un de ceux qui aiment les recherches, les anecdotes, et si ces deux livres ne sont pas réfutés dans leur temps, ne sera-t-on pas en droit de croire que dans le siècle de ces auteurs on blasphémait ouvertement Jésus-Christ? Il est donc très important de les confondre de bonne heure, et d'empêcher Chiniac de calomnier son siècle.

Il n'est pas surprenant que ce même Chiniac, ayant ainsi outragé Jésus-Christ notre Sauveur, outrage aussi son vicaire. « Je ne vois pas, dit-il, comment le pape tient le premier rang entre ⚫ les princes chrétiens. » Cet homme n'a pas assisté au sacre de l'empereur, il aurait vu l'archevêque de Mayence tenir le premier rang entre les électeurs; il n'a jamais diné avec un évêque, il aurait vu qu'on lui donne toujours la place d'honneur : il devait savoir que par toute l'Europe on traite les gens d'église comme les femmes, avec beaucoup de déférence; ce n'est pas à dire qu'il faille leur baiser les pieds, excepté peut-être dans

a Matth., ch. x, v. 34. — b Ibid.,ch. XVIII, v. 17. 10 Luc, cb. XIV, v. 23 et 26. -d Matth., ch. XXII, v. 12 et 13.

clut rien. Un si mauvais fils pouvait aisément être Que Louis XI ait hai Charles VIII, cela ne conun mauvais père. Quand même douze Duhaillan m'auraient assuré que Charles vini était né d'un autre que de Louis x1, je ne devrais pas les en croire aveuglément. Un lecteur sage doit, ce me semble, prononcer comme les juges, Pater est quem nuptiæ demonstrant.

CHAPITRE XXXI.

Autre anecdote plus hasardée.

On a dit que la duchesse de Montpensier avait accordé ses faveurs au moine Jacques Clément, pour l'encourager à assassiner son roi. Il eût été plus habile de les promettre que de les donner : mais ce n'est pas ainsi qu'on excite un prêtre fanatique au parricide; on lui montre le ciel et non une femme. Son prieur Bourgoin était bien plus capable de le déterminer que la plus grande beauté de la terre. Il n'avait point de lettres d'amour dans sa poche quand il tua le roi, mais bien les histoires de Judith et d'Aod, toutes déchirées, toutes grasses à force d'avoir été lues.

CHAPITRE XXXII.

De Henri IV.

Je pense entièrement comme l'auteur de l'Essai sur les mœurs, etc., sur la mort de Henri rv, je pense que ni Jean Châtel ni Ravaillac n'eurent aucun complice; leur crime était celui du temps;

le cri de la religion fut leur seul complice. Je ne crois point que Ravaillac ait fait le voyage de Naples, ni que le jésuite Alagona ait prédit dans Naples la mort de ce prince, comme le répète encore notre Chiniac. Les jésuites n'ont jamais été prophètes; s'ils l'avaient été, ils auraient prédit leur destruction: mais au contraire ces pauvres gens ont toujours assuré qu'ils dureraient jusqu'à la fin des siècles. Il ne faut jamais jurer de rien.

CHAPITRE XXXIII.

De l'abjuration de Henri IV.

Le jésuite Daniel a beau me dire, dans sa très sèche et très fautive Histoire de France, que Henri IV, avant d'abjurer, était depuis long-temps catholique, j'en croirai plus Henri IV lui-même que le jésuite Daniel; sa lettre à la belle Gabrielle, C'est demain que je fais le saut périlleux, prouve au moins qu'il avait encore dans le cœur autre chose que du catholicisme. Si son grand cœur avait été depuis long-temps si pénétré de la grâce efficace, il aurait peut-être dit à sa maîtresse, Ces évêques m'édifient; mais il lui dit: Ces gens-là m'ennuient. Ces paroles sont-elles d'un bon catéchumène?

Ce n'est pas un sujet de pyrrhonisme que les lettres de ce grand homme à Corisande d'Andouin, comtesse de Grammont; elles existent encore en original. L'auteur de l'Essai sur les mœurs et l'esprit des nations rapporte plusieurs de ces lettres intéressantes; en voici des morceaux curieux: a Tous ces empoisonneurs sont tous papistes. J'ai « découvert un tueur pour moi. Les prêcheurs « romains prêchent tout haut qu'il n'y a plus « qu'une mort à voir; ils admonestent tout bon catholique de prendre exemple sur l'empoisonnement du prince de Condé. Et vous êtes de « cette religion! Si je n'étais huguenot, je me

« ferais turc. »

-

Il est difficile, après tous ces témoignages de la main de Henri Iv, d'être fermement persuadé qu'il fût.catholique dans le cœur.

CHAPITRE XXXIV.

Bévue sur Henri IV.

Un autre historien moderne de Henri IV accuse du meurtre de ce héros le duc de Lerme : C'est, dit-il, l'opinion la mieux établie. Il est évident que c'est l'opinion la plus mal établie. Jamais on n'en a parlé en Espagne; et il n'y eut en France

que le continuateur du président De Thou qui donna quelque crédit à ces soupçons vagues et ridicules. Si le duc de Lerme, premier ministre, employa Ravaillac, il le paya bien mal. Ce malheureux était presque sans argent quand il fut saisi. Si le duc de Lerme l'avait séduit ou fait séduire sous la promesse d'une récompense proportionnée à son attentat, assurément Ravaillac l'aurait nommé lui et ses émissaires, quand ce n'eût été que pour se venger. Il nomma bien le jésuite d'Aubigni, auquel il n'avait fait que montrer un couteau. Pourquoi aurait-il épargné le duc de Lerme? C'est une obstination bien étrange que celle de ne pas croire Ravaillac dans son interrogatoire et dans les tortures. Faut-il insulter une grande maison espagnole sans la moindre apparence de preuves?

Et voilà justement comme on écrit l'histoire.

La nation espagnole n'a guère recours à ces crimes honteux; et les grands d'Espagne out eu dans tous les temps une fierté généreuse qui ne leur a pas permis de s'avilir jusque-là.

Si Philippe II mit à prix la tête du prince d'Orange, il eut du moins le prétexte de punir un sujet rebelle, comme le parlement de Paris mit à cinquante mille écus la tête de l'amiral Coligni, et depuis, celle du cardinal Mazarin. Ces proscriptions publiques tenaient de l'horreur des guerres civiles; mais comment le duc de Lerme se seraitil adressé secrètement à un misérable tel que Ravaillac?

CHAPITRE XXXV.

Bévue sur le maréchal d'Ancre.

Le même auteur dit que « le maréchal d'Ancre « et sa femme furent écrasés pour ainsi dire par la « foudre. » L'un ne fut à la vérité écrasé qu'à coups de pistolet, et l'autre fut brûlée en qualité de sorcière. Un assassinat et un arrêt de mort rendu contre une maréchale de France, dame d'atour de la reine, réputée magicienne, ne font honneur ni à la chevalerie ni à la jurisprudence de ce temps-là. Mais je ne sais pourquoi l'historien s'exprime en ces mots : « Si ces deux misérables « n'étaient pas complices de la mort du roi, ils « méritaient du moins les plus rigoureux châti«ments. Il est certain que, du vivant même du « roi, Concini et sa femme avaient avec l'Espagne « des liaisons contraires aux desseins du roi.»

C'est ce qui n'est point du tout certain, cela n'est pas même vraisemblable. Ils étaient Florentins; le grand-duc de Florence avait reconnu le

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