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dernières sessions, et qui, âgé seulement de trentesix ans, avait déjà été condamné à la déportation et à la servitude pénale pour quarante années (1). Un magistrat anglais, le baron Bramwell, a déclaré qu'il avait eu à juger des criminels qui avaient été condamnés, libérés avec licence, condamnés de nouveau, rendus une seconde fois à la liberté avec licence et frappés d'une troisième condamnation, avant que le terme de leur première peine fût expiré (2)!...

Nous avons donc la preuve que, par je ne sais quelle aberration sentimentale, l'administration anglaise a directement méconnu toutes les garanties stipulées par le Parlement et qui avaient été admises comme bases absolues du système des tickets of leave.

Comme lord Grey, sir Joshua Jebb a fini par l'avouer lui-même dans un rapport de 1861. « J'avoue, « a-t-il dit, qu'il est nécessaire de veiller plus at« tentivement à l'exécution des conditions des li«cences (A more strict enforcement of the conditions of the licences appears to be required (3). »

Mais il n'en a été rien fait. Les prescriptions de la loi sont restées lettre morte. C'est ce qu'affirme, dans l'enquête royale de 1863, sir Richard Mayne :

Q. (Sir Pakington). « Vous savez que, sous le système actuel, tel qu'il est mis en pratique, les condi

(1) Idem, p. 152.

(2) North British Review, p. 17 (With three sentences over-lapping each other).

(3) Westminster Review, p. 7.

tions inscrites au dos des licences sont en réalité une lettre morte?

-R. Oui, ou peu s'en faut!»>

De son côté, sir Cockburn, le lord chief justice, déclare, avec la haute autorité qui s'attache à ses fonctions:

Que le vice du système pénal en Angleterre gît « dans le mode d'exécution des peines; et que le mal « a été considérablement aggravé par le complet ou« bli des conditions essentielles auxquelles avait été << subordonnée l'admission du principe de l'abrévia«tion des peines. Il a pour base, dit-il, la présomp<< tion que le condamné qui obtient la remise condi<<tionnelle d'une partie de sa peine s'EST AMENDÉ, et « pour conséquence, la surveillance du libéré, qui est << mis à l'épreuve pendant tout le temps qui restait à « courir, afin qu'il résiste aux tentations et que la « société soit protégée contre sa rechute. L'efficacité « du système dépend donc entièrement de la stricte « exécution des conditions imposées aux libérés. Or, il « est démontré que les dispositions jugées essentiel« les pour en assurer le succès ont été violées systé– «matiquement et de propos délibéré ! »

Que puis-je ajouter à un tel témoignage?... et pourtant je veux le corroborer encore par l'opinion de la commission royale.

<< Elle est d'avis que le manque de mesures conve<<nables au sujet de la surveillance des condamnés « libérés par un ticket of leave; et de dispositions

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prises pour les placer, après leur libération provisoire, dans une situation qui les porte à ne pas << rentrer dans la voie du crime; ainsi que l'absence « d'une méthode sûre et efficace pour découvrir les précédents des prévenus, ont aussi beaucoup con« tribué à augmenter le nombre des méfaits. >>

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Meetings tenus par les porteurs de tickets of leave.

Qu'on me permette de citer, en terminant, un fait rapporté par toutes les feuilles anglaises, et qui pourra, mieux que tout ce que j'ai exposé, donner l'idée de l'étrange liberté dont jouissent en Angleterre les convicts provisoirement libérés. Je l'extrais du journal le Times du 14 mars 1856. Ce journal donne la relation complète d'un meeting tenu à Holborn, le 12 mars 1856.

« Tous les porteurs de tickets of leave, dit-il, avaient été convoqués, à la salle nationale, sous la présidence de M. Maghew. Aucun constable n'était présent. Chaque condamné admis écrivit, sur un registre, ses nom, prénoms, profession et les crimes ou délits dont il s'était rendu coupable. Puis, après un discours du président, un certain nombre d'orateurs furent entendus, qui, en racontant leurs malheurs (misfortunes), se prétendirent innocents des condamnations qui les avaient frappés, ou se plaignirent de la difficulté des temps et du travail; des duretés qu'ils avaient subies en prison; enfin des inqualifiables tracasseries de la police, etc.

<< Ce meeting, comme la plupart de ceux qui ont lieu en Angleterre, se passa, dit-on, sans désordre. Avant la clôture, le président informa les assistants qu'on essayerait de former un comité de personnages philanthropes, dans le but d'établir une société et de rassembler des fonds pour encourager les malfaiteurs libérés à persévérer dans la voie de l'honnêteté. »

Est-ce que de telles réunions, même sans désordre, de la part de porteurs de tickets of leave, ne sont pas la négation la plus flagrante des idées sur lesquelles repose la libération révocable?

Comment! ces hommes sont encore sous les liens de la peine, et vous leur permettez de se réunir, en meeting, pour attaquer publiquement et les jurés ou magistrats qui les ont condamnés, et les délégués de l'autorité même qui les a libérés; pour s'amnistier mutuellement de leurs méfaits, sous la prétendue étreinte des dures nécessités de la vie sociale; pour stipuler leurs intérêts; pour créer, en leur faveur, des sociétés de secours, et recueillir des souscriptions? Et alors que, libérés sous condition, ils doivent résider dans un lieu déterminé; se tenir isolés, travaillant sans bruit, sous le patronage qu'on leur a procuré; s'efforçant ainsi de reconquérir l'estime publique et de se reclasser insensiblement dans les masses de la population honnête, vous leur permettez de se poser comme une classe particulière, dans l'État, avec ses réunions, ses présidents et ses orateurs? Ne voyez-vous pas que vous défaites d'une main ce que vous avez tenté de faire de l'autre, et que, notamment, vous préparez

ainsi ces associations redoutables de repris de justice, que la libération préparatoire a pour but de prévenir, et qui sont à la fois une honte et un danger permanent pour un pays? Comment, après cela, comment, après les déclarations si accablantes que nous avons entendues, s'étonner, qu'à l'occasion de ces nombreux vols à l'étranglement, commis récemment à Londres et dans les principales villes de l'Angleterre, une réaction se soit produite contre le système des tickets of leave? et que le public même, éclairé, jugeant le système par les fruits qu'il a produits depuis dix ans, en ait conclu que le principe est vicieux et funeste (1)?

Pour moi, ce que je ne puis comprendre, c'est qu'en présence des énergiques réclamations de l'opinion et de la presse, le Parlement anglais qui, en 1853, avait, sur la motion de lord Grey, appuyée par lord Brougham, édicté le bill généreux des tickets of leave, ait pendant dix années toléré, de la part de l'administration, une exécution de ce bill qui était la plus manifeste violation du principe et du but; de la lettre et de l'esprit de la loi!...

SECTION IV.

RÉSUMÉ DES FAITS SIGNALĖS ET CONCLUSION.

En résumé, il résulte jusqu'à la dernière évidence, des longs développements qui précèdent, que le sys

(1) Notwithstanding the recent outcry against the system of licences... we maintain that the principle of the system is at once

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