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d'en vérifier le mérite pratique et d'arrêter, s'il y a lieu, la meilleure formule de sa réalisation définitive.

Déjà, à diverses reprises et sur sa demande, j'ai eu l'honneur de fournir au ministère de l'intérieur les renseignements les plus développés sur cet intéressant sujet. Les documents nouveaux qu'il trouvera dans les chapitres qui précèdent sont, ce me semble, de nature à achever d'éclairer sa décision.

Que si le Gouvernement conservait encore quelques hésitations sur l'utilité et les avantages d'une mesure déjà pratiquée avec tant de succès à l'étranger, je me permettrais d'insister de nouveau pour que MM. les ministres de l'intérieur et de la justice voulussent consulter les conseils généraux, dont personne, je suppose, ne contestera l'extrême compétence en ces sortes de matières. Il arriverait ainsi de deux choses l'une ou la majorité de ces conseils repousserait cette nouveauté, et, dans ce cas, nul ne pourrait blâmer la prudente abstention de l'administration; ou bien, au contraire, comme j'en suis convaincu, ces conseils, édifiés par les faits et documents produits, émettraient un avis favorable; et alors le Gouvernement, fort de cette haute approbation, pourrait, en pleine sécurité, entreprendre pour la France l'essai d'une institution essentiellement française, et qui a donné en Irlande et en Saxe de si excellents résultats.

S'il en était ainsi, le conseil général de l'Yonne, par l'imposante autorité de son vœu cinq fois exprimé,

aurait eu l'honneur de déterminer enfin l'adoption en France de cette féconde mesure, comme jadis (en septembre 1849) le conseil général de Seine-et-Oise a su, par un vœu non moins fortement motivé, déterminer la réalisation des casiers judiciaires, dont, nous l'avons dit, la libération préparatoire n'est que le généreux et logique complément.

SECTION IV.

RECAPITULATION GÉNÉRALE ET CONCLUSION.

Essayons de récapituler ce qui ressort des différents chapitres qui précèdent.

L'accroissement continu du chiffre des récidives (1) est, parmi les funestes symptômes, celui qui doit au plus haut degré préoccuper l'attention des gouvernements; car il est tout d'abord une éclatante manifestation d'impuissance répressive ou pénitentiaire; puis, il est une atteinte profonde au respect de la loi pénale; il est de plus une menace audacieuse et impie contre la sécurité publique; il est enfin la négation la plus absolue des efforts et des progrès tentés en vue de la moralisation sociale.

Au défaut de tout autre expédient, j'ai depuis longtemps proposé la libération préparatoire, comme le remède le plus propre à conjurer cette plaie persistante de la récidive.

(1) Voir la dernière statistique de 1862, rapp., p. X. à l'Appendice, Casiers judiciaires, § 6.

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On reconnaît qu'en principe ce remède est fondé sur les données les plus incontestables de la logique thérapeutique; qu'il se concilie merveilleusement avec la pensée rationnelle de la répression et avec la fin généreuse de l'amendement; que sa formule offre toutes les conditions et garanties imaginables de prudence, d'économie, de facilité pratique d'exécution et d'intérêt général.

A ces nombreux éléments de confiance vient désormais s'ajouter l'imposante autorité d'expérimentations géminées et irrécusables.

Depuis 1853, l'Angleterre a réalisé la mesure des libérations révocables, et, malgré les graves abus d'exécution que nous avons signalés, les tickets of leave n'en ont pas moins produit, suivant les statistiques officielles, des résultats favorables.

En Irlande, les résultats obtenus dépassent toutes les prévisions.

Dans le royaume de Saxe, où ce même système a été non moins habilement mis en essai depuis 1862, ses fruits sont aussi complets et aussi satisfaisants que possible.

Enfin, la commission de révision du Code pénal portugais, après l'examen le plus approfondi de ce système, n'a pas hésité à en faire une des bases fondamentales du nouveau Code, que l'on s'accorde à considérer comme l'expression la plus avancée de la science juridique moderne.

Evidemment, un tel état de choses est plus qu'une espérance. Il est un témoignage solennel rendu par

les faits à la vérité des principes ; il est l'indice avantcoureur d'un succès définitif certain, d'un progrès sérieux et durable dans l'administration de la justice.

Que s'il devait en être ainsi, la récidive, la plus difficile et la plus redoutable question du droit pénal, serait en grande partie résolue par ces deux institutions inséparables :

-Les casiers judiciaires (1), sans lesquels la justice ne peut avec certitude connaître les antécédents des inculpés, et par conséquent, proportionner efficacement la dose pénale au degré relatif de perversité des coupables;

-La libération préparatoire des condamnés amendés (2), prime nécessaire d'encouragement accordée au repentir et à la régénération, seul moyen d'assurer, à l'expiration effective de la peine, le reclassement du libéré dans la société.

Et maintenant, pour peu que la générosité sociale, sans préjudice des secours qu'elle doit avant tout aux misères honnêtes (3), voulût accorder aux femmes et enfants abandonnés des condamnés, et aux condamnés libérés eux-mêmes, l'appui d'un généreux patronage (4), on arriverait enfin à restreindre, dans une notable mesure, le déplorable fléau des récidives, comme par une bonne justice préventive et répressive,

(1) De l'amélioration de la loi criminelle, t. 1o, appendice, p. 647. (2) Ibid., chap. XXIV.

(3) Traité des diverses institutions complémentaires du régime pénitentiaire, p. 523 et suiv.

(4) Ibid., p. 546 et suiv.

on peut jusqu'à un certain point, faire décroître insensiblement le nombre annuel des crimes et délits.

Alors serait réalisé ce magnifique axiôme religieux et philosophique, que nous ne pouvons nous lasser de citer parce qu'il résume, dans nos temps civilisés, toute l'économie de la loi pénale :

« JUSTITIA ET MISERICORDIA CO-AMBULENT! »

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