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était suivie entre les époux, et déjà le ministère public

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se félicitait, avec tous les honnêtes gens de la commune, d'avoir, par cette prudente intervention, mis fin à un grave scandale et prévenu peut-être un crime!.... Vain espoir! la passion aveugle et les affreux desseins de B.... se réveillèrent bientôt, sous l'impression de nouvelles mésintelligences domestiques. Alors, oubliant ses promesses, il revit sa concubine et résolut d'en finir; et comme pour se fortifier dans ses coupables pensées, en y ajoutant l'impiété, c'est au sortir de l'office divin, c'est après avoir été en quelque sorte braver dans son sanctuaire la justice de Dieu, que, croyant pouvoir échapper à la justice des hommes, il acheta le poison et s'empressa d'exécuter sa tentative homicide!....

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« Ainsi, pourra-t-il arriver que la faiblesse ou la perversité de certains malfaiteurs se jouera des prévoyantes précautions du magistrat; mais, alors au moins la justice frappera sans scrupule, quand elle aura d'avance tout fait pour arrêter la main du coupable et empêcher la perpétration de son crime (1)! »

C'est ce qui arriva dans l'espèce, et bien que la tentative d'empoisonnement fût restée sans effet, et que la santé de la victime n'en eût pas souffert la moindre altération, le jury et la Cour, frappés de l'obstination de cet homme, en présence des avis préventifs qu'il avait reçus, n'hésitèrent pas à lui infliger les rigueurs d'une peine perpétuelle!

(1) Disc. de rentrée du 9 novembre 1839.

En résumé, de même que le premier Empire a voulu et su relever l'autorité de la justice en confiant aux mêmes juges le droit de rendre la justice civile et criminelle; de même l'Empire nouveau devrait relever l'influence si précieuse du ministère public, en confiant aux magistrats, investis de la mission rigoureuse de la poursuite, le droit de prévenir au besoin le crime par leurs avertissements comminatoires.

En général, toute plainte portée par un citoyen, tout rapport ou procès-verbal des agents de la police judiciaire, doit avoir pour conséquence ou une poursuite, ou une mesure quelconque de précaution. Tout auteur d'un fait répréhensible, tout individu provoquant des appréhensions, devrait être au moins averti. Ces avertissements seraient donnés ou d'office par les commissaires de police, par les maires, par les juges de paix, et, au besoin, par le ministère public lui-même, sur mandement au parquet.

C'est au parquet que viennent journellement aboutir par les mille échos de la police administrative ou judiciaire et de la rumeur publique, tous les renseignements qui peuvent concerner la sécurité des personnes et des propriétés. Le ministère public, placé plus haut que ses auxiliaires, et moins près des justiciables, sentinelle vigilante et armée de la justice, ayant en main le droit redoutable de l'action publique, est merveilleusement apte à appuyer la sollicitude préventive des autorités locales, trop souvent enchaînée par des considérations respectables ou légitimes; au défaut ou sur la provocation confidentielle

de ces autorités, lui seul peut hardiment avertir quiconque s'écarte de la voie du bien. Il est presque toujours sûr d'être écouté; car, non frustra justitiæ gladium portat!

Ces avertissements purement officieux, qui ne blessent aucun droit, qui n'empiètent sur aucune autorité, n'ont évidemment et ne peuvent avoir aucun inconvénient quelconque; et, tout au contraire, en manifestant, chaque jour, les vues bienveillantes du magistrat répressif, ils auraient, ainsi que je l'ai démontré, la plus salutaire influence sur la diminution des crimes, sur la fermeté de la répression, et, dans tous les cas, sur la bonne administration de la justice.

Mais, à côté et au-dessus de cette intervention bienveillante du ministère public, il est d'autres modes d'avertissement non moins efficaces, à raison de la sanction pénale qui y est attachée.

SECTION III.

DES USAGES DE LA LOI ANGLAISE, EN VUE DE PRÉVENIR LE CRIME.

« C'est, dit Blaskstone, un insigne et spécial honneur pour les lois anglaises, de fournir au commentateur un pareil titre.

« En effet, la justice préventive est un des plus inappréciables bienfaits dont puisse jouir un peuple: car elle seule le pacifie et l'ennoblit; elle seule lui imprime le cachet d'une civilisation perfectionnée. Aussi

doit-on s'étonner qu'elle ne soit pas le but incessant de la sollicitude des législateurs. >>

Quant à la justice répressive, elle n'est qu'une nécessité extrême, qu'il faut subir, et dont le moindre inconvénient est d'entraîner toujours après elle, avec l'abaissement du caractère national, des souffrances, des désordres, des maux de toute nature.

L'un des plus sûrs procédés préventifs du crime consiste à obliger celui dont, pour des raisons probables, la conduite future inspire des inquiétudes, à stipuler avec le public, en lui donnant de telles sûretés ou garanties de bonne conduite et de conservation de la paix, qu'on ait la presque certitude que les infractions redoutées n'auront pas lieu.

Les Anglais avaient d'abord, comme plusieurs des anciens peuples de l'Europe, cherché ces sûretés, dans l'établissement des francs-gages, au moyen desquels, les hommes libres de chaque décurie, par l'effet d'une véritable solidarité, se servaient mutuellement de caution.

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Plus tard, on y substitua l'injonction à toute personne, suspecte d'un méfait à venir, de fournir une sûreté de sa bonne conduite.

Ainsi, les lois d'Édouard le Confesseur ordonnent que tout individu inspirant des craintes sérieuses à la sécurité commune ou particulière, « tradat fidejussores de pace et legalitate tuendâ (1). »

Depuis lors, chaque juge de paix, a le droit discré

(1) Chap. 18.

tionnaire (ex officio) de contraindre quiconque menace, ou injurie, ou s'emporte en sa présence, en paroles de colère ou en manifestations violentes, de fournir immédiatement caution pour le maintien de la paix.

Le même droit absolu leur est concédé pour tous les faits inquiétants qu'on leur révèle, et qui touchent à la sécurité du public ou à celle des particuliers. C'est ce qu'on appelle, aujourd'hui encore, les recognizances -aut bene vivendi — aut pacis tuendæ. L'une est imposée d'office, l'autre sur la requête du plaignant.

La recognizance bene vivendi est une garantie que le juge exige de tous ceux dont la conduite paraît devoir mettre en péril la sécurité publique.

A cet égard, les juges de paix sont autorisés par le statut 34, d'Edouard III, c. 1; à exiger des sûretés de bonne conduite envers le Roi et ses sujets, de tous ceux qui ont une mauvaise réputation, afin de prévenir, de leur part, toute entreprise qui pourait troubler l'ordre et la tranquillité du canton.

L'expression si large mauvaise réputation, investit les juges d'un énorme pouvoir confié à leur honneur et à leur amour du bien public. Ayant à prévenir tout ce qui peut advenir contrà bonos mores ou contrà pacem, ils peuvent appeler devant eux quiconque cause un scandale, fréquente les mauvais lieux, mène une vie notoirement déréglée, profère des propos offensants contre le Gouvernement ou les délégataires du pouvoir; ceux qui ont des moyens de vivre équivoques; les coureurs de nuit, les fainéants et vagabonds, les agents de prostitution; ceux qui ont l'ha

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