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tant que cela est possible, les droits et les devoirs de la justice et de l'administration, les nécessités de la répression, les intérêts du Trésor, ainsi que ceux des communes et des établissements publics? » et si cela est vrai, si cela est utile, en ce qui touche la répression des délits forestiers, pourquoi non, relativement à toutes les autres infractions à la loi?

Quelle que soit l'affectation qu'on veuille faire des amendes fiscales, il suffirait, comme dans l'espèce, d'un simple règlement d'administration, pour organiser, en faveur de tous les délinquants insolvables, la conversion des amendes, restitutions et frais dus à l'État, en travaux d'utilité publique (1).

Par là, non-seulement on ferait de l'amende une peine proportionnellement égale pour tous; mais on allégerait, autant que faire se peut, les rigueurs de l'emprisonnement et de la contrainte par corps. De plus, on accroîtrait les ressources des communes, en les faisant bénéficier, par la conversion des amendes irrecouvrables en prestations en nature, d'un produit aujourd'hui complétement nul; enfin l'insolvable n'aurait plus à se plaindre, puisqu'il pourrait, de par la générosité de la loi, racheter sa liberté, en acquittant peu à peu, par son travail, tout ou partie de sa dette envers la justice.

(1) C'est ce qu'a fait la législation fédérale de la Suisse. Lorsque l'amende prononcée par un tribunal cantonal, pour contravention aux lois fiscales et de police de la confédération, n'est pas acquittée, elle doit être convertie en prison ou en travaux publics sans détention, à raison d'un jour de prison ou de travaux publics pour quatre francs d'amende. (Loi sur le mode de procéder, etc., art. 28.)

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SECTION III.

AFFECTATION DU PRODUIT DES AMENDES ET AUTRES MULCTATIONS PÉCUNIAIRES SOLDÉES EN NUMÉRAIRE.

Nous venons d'indiquer le profitable usage qui pourrait être fait des amendes, restitutions etc., dues

par

des insolvables et non recouvrables en argent. Il nous reste à examiner le meilleur parti qu'on pourrait tirer de toutes les sommes en numéraire, perçues à ces divers titres par la justice répressive.

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J'ai, dans le premier volume de ce travail (1), demandé que, pour la moitié, ces produits fussent affectés aux établissements de bienfaisance ou aux communes du lieu du délit.

Je ne reviens pas sur les développements si concluants que j'ai présentés à ce sujet, et qui, depuis lors, ont partout obtenu une si complète et universelle approbation.

Seulement, puisque j'en trouve l'occasion, qu'on me permette une courte digression touchant une mesure qui, établie par l'ancien droit, tolérée sous une autre forme par le droit intermédiaire, a été indûment proscrite par le Code de 1810.

(1) Chap. vi.

On appelait autrefois aumône la peine pécuniaire, que la justice infligeait pour les faits de débauche, d'impiété ou autres méfaits, non passibles d'amendes, et pour les délits réputés légers; son produit était employé en œuvres pies (1).

Cette peine fut implicitement supprimée par le Code de 1791, qui ne l'avait point comprise dans ses dispositions et dont l'article 35 abrogeait formellement toutes les anciennes peines non reproduites. Elle fut également passée sous silence par le Code de brumaire an iv.-Ce fut cette suppression même qui donna naissance à l'usage, généralement admis par les tribunaux, de consacrer à des œuvres pies, sur la demande des plaignants, les dommages-intérêts qui leur étaient adjugés. Les pauvres retrouvaient ainsi, grâce à la générosité des parties lésées, et en vertu d'une subrogation volontaire, l'allocation qui leur était autrefois faite des peines d'aumône. Les rédacteurs du Code de 1810, ont cru devoir, sous prétexte d'abus, enlever aux tribunaux le droit d'enregistrer la charitable pensée des parties. «Dans la législation actuelle, disait au corps législatif M. d'Haubersart, «< cette faculté est laissée aux juges; mais on a reconnu qu'ils en ont abusé; et que, par des motifs d'une fausse bienfaisance, ils ont adjugé, en faveur des œu«vres pies, plus qu'ils n'eussent fait en faveur des

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(1) Décl. de mars 1671 et 21 janv. 1685. Muyart de Vouglans, p. 416; Rousseau de Lacombe, p. 577; Jousse, t. I, p. 79; Ferrière, yo Amende.

« parties et que ne le voulait une sage application « de la peine; il a donc fallu pourvoir à cet abus. »>

Quel raisonnement ! quoi! parce que des juges ont pu, en vue d'une attribution pieuse, élever outre mesure les dommages-intérêts légalement dus, vous supprimez l'attribution, comme s'il n'y avait pas un recours ouvert à la partie condamnée contre les indemnités injustes ou excessives; comme s'il n'y avait pas des juges d'appel, ayant spécialement mission de réformer tout ce qui est contraire à la raison et à la justice; comme si enfin le Gouvernement n'avait pas charge de nommer dans chaque siége des magistrats prudents et éclairés ! Supprimer l'usage d'une institution charitable par crainte de l'abus qu'on en peut faire, n'est-ce pas imiter les législateurs barbares qui coupaient la main du voleur ou la langue du blasphémateur, pour les empêcher de récidiver? Par application de cette étrange logique, il faudrait aussi supprimer et la prison et l'amende, parce qu'il y a des juges qui, trompés par une fausse idée de répression, peuvent prononcer ces peines, dans une mesure excessive.

Toujours est-il que l'article 51 du Code pénal de 1810 a consacré le raisonnement de M. d'Haubersart; et qu'après avoir permis au juge d'allouer des indemnités à la partie civile, il ajoute expressément : « Sans que la Cour ou le tribunal puisse en prononcer l'application à une œuvre quelconque. :

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J'admets parfaitement que le juge ne puisse, ni d'office, ni même sur la demande de la partie, pro

noncer l'application des dommages alloués à une œuvre quelconque. Mais il s'agit de savoir s'il est défendu au juge de donner acte à la partie de l'affectation charitable qu'elle déclare vouloir faire de l'indemnité allouée: car c'est généralement dans ce sens que l'article est interprété.

A ce point de vue, quelques commentateurs se sont efforcés de justifier cette défense, parce que le juge n'a de compétence que pour juger entre les parties litigantes, et qu'il ne peut constater des consentements donnés, qu'autant qu'ils se rapportent au litige (1). Mais cette raison n'est pas plus sérieuse que celle donnée par l'orateur du Gouvernement. Est-ce que le juge n'a pas compétence, aujourd'hui comme jadis, pour donner acte aux parties de tous leurs dires, aveux ou consentements? notamment est-ce que le juge n'ordonne pas, chaque jour, d'office, la restitution de la chose volée au légitime propriétaire, bien que celui-ci ne soit pas en cause? Est-ce que, chaque jour, il ne constate pas qu'un témoin cité déclare ne pas requérir la taxe, que lui attribue la loi et, par suite, en faire l'abandon au trésor public? Pour mon compte, je suis convaincu que si l'usage des parties lésées eût été de consentir l'attribution au Trésor public, des dommages-intérêts à elles alloués, la prohibition de l'art. 51 n'eût été ni réclamée, ni législativement admise.

Du reste, la Cour de cassation, tout en maintenant,

(1) V., entre autres, A. Morin, vo Aumône.

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