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coupable, pouvant se soustraire par la fuite ou se tenir caché, se sera dénoncé lui-même en avouant son délit. (1) »

En ce qui touche la dénégation mensongère, voici comment disposent quelques-uns de ces Codes étrangers:

<< Est circonstance aggravante, dit le Code d'AUTRICHE, le fait d'avoir essayé de tromper le juge en inventant des circonstances fausses, et par conséquent en niant une culpabilité vérifiée. »

« La criminalité s'étend d'autant plus, dit le Code D'OLDENBOURG, que le coupable a davantage cherché à tromper ou à arrêter le juge instructeur, par l'invention de circonstances mensongères, ou par l'opiniâtreté DE SES DÉNÉGATIONS (2). »

Le nouveau Code PRUSSIEN de 1851 contient une disposition absolument pareille.

Nous trouvons dans notre vieille législation française (XIII° siècle) en quelque sorte l'origine de cette sévérité plus grande envers les coupables qui aggravaient leur méfait par la dénégation, qu'on appelait alors LA NIANCE.

« Si le maufésant NIE, et puis est atteint et convaincu, il y a deux amendes; l'une, si elle est du méfait, et la seconde, si est de LA NIANCE, dont il est atteint. »

Plus tard, au XVe siècle, PHILIPPE LE BEL donnant des instructions à ses commissaires de justice chargés

(1) Art. 46, lettre h.

(2) Art. 99.

de la répression des crimes, et notamment du crime d'usure, qui dès lors était la ruisne du povre peuple, leur signalait les circonstances atténuantes ou aggravantes qui devaient motiver leur indulgence ou leur sévérité; et parmi ces circonstances, nous voyons figurer l'aveu et la dénégation.

« Vous devez, leur disait-il, avoir considération de la richesse de l'usurier, à savoir s'il a longuement maintenu le mestier d'usure; s'il a moult gagné audit mestier et s'il a griefves usures ou legieres; enfin s'il a CONFESSÉ son crime, ou s'il a été rebelle ou riotteux en soy défendant; et suivant ce, soyez avisés, selon votre discrétion (discernement), de le punir ou de faire composition (1). »

Par ces mêmes considérations de bon sens et d'équité, je voudrais qu'il fût définitivement convenu en jurisprudence et qu'il devînt notoire pour tous, que l'aveu est une circonstance essentiellement atténuante de la peine, et par suite aussi, éminemment favorable, soit à l'octroi de la grâce et de la réhabilitation, soit à l'adoucissement du régime pénitentiaire.

Par contre, je voudrais qu'il fût établi, en règle générale, que la dénégation du prévenu coupable doit non-seulement motiver la sévérité du juge, mais qu'elle peut plus tard motiver encore le refus de ces faveurs que la société réserve aux délinquants ayant fait preuve de franchise et de repentir.

(1) Instruction de Philippe le Bel de 1415. V. mon Traité de la récidive, t. I, p. 293.

J'ai à peine besoin d'ajouter que le désaveu, ou le fait de rétracter un aveu librement donné, doit être considéré comme circonstance aggravante, au même titre que la dénégation. On pourrait même dire qu'il implique quelque chose de plus répréhensible; car, par le désaveu, le coupable se joue de son propre témoignage, en même temps qu'il fait injure à la vérité et à la justice (1).

Du jour où ces principes domineraient toutes les décisions de l'autorité répressive, du jour où ils auraient pris possession de l'esprit public, une sorte de révolution se produirait dans l'administration de la justice. Les coupables, comprenant mieux que jamais la générosité de la répression sociale, cédant à la voix de la conscience, ou éclairés par leur véritable intérêt, se prendraient enfin à confesser la vérité, sauf à réclamer l'indulgence du juge; et nous verrions insensiblement se relever la moralité publique par cet heureux retour au langage loyal et franc qui semble devoir être l'apanage particulier du pays qu'on a appelé la France (2).

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(1) Rétracter son aveu est chose indigne, disent les anciens criminalistes.

< Nimis indignum esse judicamus, quod suâ quisque voce dilucidè protestatus est, id in eumdem casum infirmare, testimonioque proprio resistere » (1. 25, § ult. ff., de Probat.).

(2) Ce royaume, écrivait Louis X, est le royaume des Francs; et la chose en vérité doibt estre accordante avec le mot. Nous trouvons une manifestation frappante de cette franchise inhérente au caractère français, dans un fait que constate la Stat. crim. de 1857, à savoir: Que les crimes de faux témoignages sont, en France, moitié moins nombreux qu'en Angleterre, eu égard au chiffre relatif de la population des deux pays. (Stat. crim., 1857, rapp., p. 11.)

J'ajoute que le ministre de la justice, qui voudrait saisir les occasions naturelles de proclamer ce double principe de toute répression généreuse et éclairée, je devrais dire de toute répression chrétienne, obțiendrait, par cela seul, une notable amélioration dans l'administration de la justice criminelle et pénitentiaire (1).

Mais j'ai hâte d'arriver à un moyen plus direct d'inciter les accusés à l'aveu volontaire de leur culpabilité; nous allons le trouver dans ce que j'appellerai la Théorie de l'interrogatoire.

SECTION IV.

DE L'INTERROGATOIRE AU POINT DE VUE DE L'AVEU.SES CONDITIONS ESSENTIELLES.

Il n'est pas une seule des législations connues qui ne prescrive, comme formalité indispensable de toute procédure criminelle, l'interrogatoire du prévenu.

Dans quel but? Évidemment afin d'y trouver la vérité (2), afin d'en faire ressortir, s'il est possible, ou la justification de l'accusé, ou la preuve, et surtout l'AVEU de sa culpabilité. Supprimez l'une de ces deux alternatives, l'interrogatoire ne sera plus qu'une

(1) < Les parquets de Saint-Amand (Cher) et de Saint-Jean-d'Angély (Charente-Inférieure) viennent d'adopter une excellente mesure; c'est de dispenser des frais d'enquête et de citation les inculpés qui avouent franchement l'infraction par eux commise.» (Const. du 17 février 1862.)

(2) ‹ L'esame di reo è fatto per conoscere la verità! » (Beccaria.)

formalité oppressive ou qu'un abandon insensé des droits de la répression. Supprimez-les toutes deux, l'interrogatoire n'a plus de raison d'être.

Maintenant quelles doivent être les conditions nécessaires d'un interrogatoire tendant à cette double fin, et spécialement au point de vue qui nous préoccupe l'aveu?

«Les inculpés, disait la célèbre ordonnance de 1670, « seront BIEN et DUMENT INTERROGÉS, pour trouver la « vérité des crimes, délits et excès, par la bouche même « des accusés, si faire se peut. »

Ces expressions: bien et dûment interrogés, m'ont toujours paru caractéristiques. Elles semblent indiquer qu'il existe un art d'interroger les inculpés, de façon à obtenir la confession volontaire de leur culpabilité; comme il existe un art de rechercher, de recueillir, de grouper et enchaîner les preuves, de façon à produire la certitude; ou, pour mieux dire, ces deux arts n'en forment qu'un seul, en ce sens que l'habileté du juge instructeur à réunir les preuves de la culpabilité est un des plus puissants moyens de provoquer l'aveu des coupables.

Il ne s'agit donc plus que de préciser avec exactitude le sens de ces mots bien et dûment, qui, pour moi, recèlent, dans leur énergique concision, toute la théorie de l'interrogatoire.

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§ 1. Information à charge et à décharge. Prompte et exacte constatation des preuves.

Et, d'abord, j'appelle interrogatoire bien et dûment

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