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tez son témoignage, comme vous rejetez celui d'un grand nombre de témoins, reçus sous l'autorité du serment.

La force de ces réflexions a si vivement frappé la Cour de cassation, qu'elle a pris sur elle de les sanctionner à l'encontre des dispositions opposées et formelles du texte actuel de la loi.

L'article 34 du Code pénal déclare les libérés de peines afflictives ou infamantes, incapables de déposer sous serment. Le serment qu'ils prêtent est donc nul. Nuls sont donc les débats où cette déposition a été acceptée et livrée à la conscience des jurés comme un véritable témoignage assermenté. Cette conséquence est de toute évidence; et cependant, la Cour suprême déclare que cette infraction absolue au texte précis de la loi n'annule pas les débats. Selon elle, la nullité n'existe que si l'infraction a eu lieu, nonobstant les réclamations du ministère public ou de la partie civile, c'est-à-dire, précisément dans le cas où ce témoignage est le moins dangereux, puisque les jurés ont été suffisamment avertis de se défier du témoignage en question (1).

« Il en résulte, dit M. Faustin Hélie, que l'incapacité, si formelle que prononce la loi, ne fait plus qu'armer les parties de la faculté de repousser le témoi– gnage, et par conséquent, de relever le libéré d'une incapacité absolue dont l'avait flétri la loi (2). »

(1) Cass., 18 nov. 1819; 22 janv. 1825.

(2) Faustin Hélie, Traité du Code pénal, t. 1, p. 168.

A quoi donc, je le demande, sert désormais cette incapacité dans l'état actuel de la jurisprudence! A rien, évidemment. Elle n'est plus qu'une prescription inutile, gratuitement injuste et illibérale, et qu'il faut s'empresser d'effacer de la législation, comme la Cour de cassation l'a effacée de la pratique.

Ceci explique pourquoi, dans sa haute intelligence scientifique, le nouveau Code pénal du Portugal s'est bien gardé de reproduire cette incapacité anti-sociale et surannée, parmi les déchéances de droits, qui résultent des condamnations criminelles (1).

SECTION VI.

RÉSUMÉ ET CONCLUSION.

Des considérations ci-dessus déduites, il ressort que 'le but de la loi pénale, sous un gouvernement libre et éclairé, est de punir les citoyens, qui se sont égarés dans les voies du crime, non de les déshonorer; et que, s'il peut rejaillir sur le coupable une certaine flétrissure inévitable, elle doit résulter uniquement du crime qu'il a commis, non de la peine que la société lui impose pour le régénérer; non pœna sed factum infamat!

il suffit que les

Que, dans cet ordre d'idées, il suffit

peines soient afflictives;

(1) Art. 151.

Que, dès lors, il y a lieu de supprimer la qualification infamante attribuée à toutes les peines criminelles ;

- Que, par les mêmes motifs, il y a également lieu de supprimer la dégradation civique; et parmi les incapacités prononcées par la loi, celle de déposer en justice comme témoin autrement qu'à titre de simples renseignements.

En conséquence, je proposerais d'insérer, dans la prochaine loi modificative du Code pénal, les dispositions ci-après :

«< 1° Aucune peine n'est infamante;

« 2° La dégradation civique est abolie comme accessoire des peines criminelles. Elle sera remplacée par l'interdiction, pendant un temps égal à la durée de la peine, des droits civiques, civils et de famille énumérés dans l'article 34 du Code pénal;

«< 3o Elle est également abolie, comme peine principale; et dans les cas où la loi la prononce, elle sera remplacée par l'interdiction à temps de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille, énumérés audit article 34 du même Code; l'emprisonnement prononcé par l'article 35 aura lieu dans tous les cas; « 4° L'incapacité du droit de témoignage en justice est supprimée.

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Ainsi serait complétée la réalisation de cette grande et généreuse pensée du décret du 13 mars 1848.

« Il convient d'effacer de la législation tout ce qu blesse la dignité humaine. C'est un bel exemple à donner au monde. »

CHAPITRE XV.

De l'abolition progressive de la peine de mort.

« A civilisação moderna jà a aboliu esta pena nos crimes politicos; feliz « sera a humanidade na epoca em que a poder abolir nos crimes civis. » LEVY MARIA JORDAO.

SOMMAIRE.

I.

II.

Que l'abolition, si désirable de la peine de mort, ne peut être que le résultat de l'adoucissement des mœurs, qu'une question de temps et de lieu.

Que, dans la plupart des États, la peine de mort est encore nécessaire, comme mesure d'intimidation.

III. Qu'elle est également nécessaire, comme moyen extrême de défense sociale.

IV. Opinion du jury sur l'abolition immédiate de la peine de mort. V. Opinion du peuple sur la même question.

VI. Qu'une réduction progressive dans le nombre des édictions, condamnations et exécutions capitales, est le seul procédé d'abolition, applicable aux grands États.

VII. De l'abolition de la peine de mort dans les petits États. Toscane, Moldo-Valachie, Portugal.

VIII. Résumé et conclusion.

SECTION PREMIÈRE.

QUE L'ABOLITION, SI DÉSIRABLE DE LA PEINE DE MORT, NE PEUT ÊTRE QUE LE RÉSULTAT DE L'ADOUCISSEMENT DES MOEURS.

Convient-il de maintenir ou de supprimer la peine de mort? Telle est, aujourd'hui encore, comme elle

l'a été jadis, la plus grave et la plus délicate question du droit pénal!

Depuis les doctrines des Anabaptistes et des Photiniens du XVe siècle, et celles émises par Beccaria, au XVIII', jusqu'aux récents écrits de MM. Pietro Ellero, en Italie, et Bocresco, en Valachie, une foule de criminalistes et de publicistes (1) ont combattu la légitimité de la peine de mort, ou en ont signalé les inconvénients et les dangers. Mais jusqu'à présent, sauf deux ou trois exceptions, dont nous parlerons, aucun gouvernement régulier n'a consenti à l'abolir dans la loi pénale.

Plusieurs fois la législature, en France, a été saisie de cette question (2), et toujours, l'abolition de la peine de mort a été repoussée à une immense majo

(1) Thomasius, J. Heving, Michaelis, le grand-duc Léopold, Beccaria, Voltaire, l'abbé Morelet, Servan, les impératrices Élisabeth et Catherine II, Joseph II, Villemain, Kératry, Girod (de l'Ain), RoyerCollard, de Broglie, Dupin, Lanjuinais, Lefranc, Lepelletier de SaintFargeaud, Duport, Robespierre (*), Pelet, Carnot, Fonfrède, Champein-Aubin, Chénier, de Pastoret, Brissot, Condorcet, Bentham, Carmignani, Lamartine, Lucas, Sellon, de Tracy, Livingston, de Cormenin, Laboulie, Mittermaïer, F. Hollzendorff, V. Hugo, Faustin Hélie, Adolphe Chauveau, Louis Blanc, Ortolan, Laget - Valdeson, Lafarina, Casinis, Jules Favre, et plus récemment Pietro Ellero (Jornale per l'abolizione della pena di morte), Boeresco, Ludovico Bosellini, Fr. Carrara, F. D. Guerrazzy, Cattaneo, de Lachenal, G. Franchi, Fr. Fulvio, Mancini, Conforti, Pisanelli, Pessina, Puccioni, Albini, etc., etc.

(2) D'abord l'Assemblée constituante en 1791; la Convention, en brumaire an iv; le Conseil d'État, et le Tribunat en 1810; les deux Chambres, en 1824; celle des députés en 1830 et en 1832 ; l'Assemblée constituante en 1848, et l'Assemblée législative en 1849.

(*) Monit. de 1791, no 152, p. 630. t. x, p. 55 et suiv.

Hist. parlem., par Buchez et Roux,

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