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que la

cessaire et par conséquent légitime (1). Tant société la considérera comme le seul châtiment capable de prévenir les grands crimes, elle sera forcée de la conserver, par mesure de défense et de salut public.

Mais, objectent les théoriciens, cette peine ne pourrait être nécessaire que si elle était préventive; or, elle est loin d'avoir cette efficacité; et sur ce point, les partisans de la suppression immédiate et absolue, accumulent les arguments pour prouver que la mort est, en soi, moins afflictive qu'une captivité perpétuelle ; que par suite, elle est peu redoutée de ceux qui commettent les crimes capitaux.

Nous verrons bientôt si telle est l'opinion des malfaiteurs; mais ce n'est, dans tous les cas, celle ni des législateurs, ni des magistrats, ni des jurés, ni du public.

Ce qui prouve, dit-on, que la peine de mort n'a pas la salutaire et compressive influence qu'on lui suppose, c'est que malgré elle, et malgré le spectacle trop fréquent des exécutions, il se commet encore des crimes capitaux.

On oublie qu'en regard de ces crimes atroces, que signalent journellement les annales judiciaires, il y en a un nombre infiniment plus considérable

(1) Les plus énergiques adversaires de la peine capitale sont forcés de reconnaître sa légitimité, alors, disent-ils, qu'elle est nécessaire (Pietro Ellero, Della pena capitale, Venezia, 1858. Ad. Franck, Principes philosophiques du droit pénal, revue contemporaine, t. XXIX, octobre 1862).

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qu'étouffe dans leur germe et que prévient la suprême intimidation de la peine de mort.

<< Il n'y a personne, disait M. le conseiller AYLIES, ayant été, par profession, en contact avec les criminels, qui ne sache que ces consciences endurcies, que ces âmes retrempées dans le crime, ne se sont, le plus souvent, arrêtées que devant la peine de mort. Nombre de personnes ont recueilli ces sortes d'aveu. Combien de perversités sauvages, de cupidités effrénées, qui, pour se satisfaire, sont disposées à tout braver, sauf la peine capitale! Laissez donc planer sur ces âmes cruelles une salutaire terreur; sans elle, je m'épouvante à l'idée des innombrables crimes que ferait naître l'abolition de la peine de mort (1)! »

« Sans doute, disait à la Chambre des députés de Belgique, le savant rapporteur M. HAUS, la crainte du supplice n'arrêtera pas toujours le bras des assassins, puisqu'ils ont la chance possible de l'impunité; mais si, par ce motif, la peine de mort devait être abolie, il faudrait supprimer toutes les peines; car elles n'ont jamais été assez puissantes pour comprimer les mauvaises passions qui fermentent dans le cœur de l'homme. Malgré tous les châtiments, il y aura des crimes. Mais la peine, par son intimidation rationnelle, empêchera toujours un grand nombre d'individus de porter atteinte aux droits de leurs semblables. La statistique présente le tableau des crimes commis; elle ne peut faire connaître ceux bien plus

(1) Discours à l'Assemblée constituante française de 1848.

nombreux que la menace et l'application de la peine ont prévenus ! »

Que si, au point de vue de l'intimidation, l'on objectait le très-petit nombre de coupables qu'atteint en réalité la peine capitale, je répondrais par cette observation si juste et si frappante de M. le duc de Morny : « Quand vous faites la critique de la loi pour sa mansuétude dans l'application, je dirai qu'une loi n'est pas efficace et bienfaisante pour le nombre des coupables qu'elle frappe; elle est surtout efficace et bienfaisante, en empêchant les crimes de se produire. (C'est vrai, très-bien !) (1).

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On va plus loin; on ose prétendre que les malfaiteurs redoutent moins l'expiation rapide et instantanée de la peine de mort qu'une condamnation à la reclusion perpétuelle! Eh bien! écoutez :

« Il est un fait, dit MOLINIER, qui se produit devant toutes les Cours d'assises et dont la portée est considérable pour bien apprécier l'intimidation qui résulte de l'emploi de la peine de mort. Dans toutes les accusations capitales, à quoi tendent les efforts de la défense? A faire écarter cette peine, même lorsqu'elle doit être remplacée par celle des travaux forcés à perpétuité. Ne faut-il pas nécessairement en conclure que l'opinion générale considère la mort, infligée par la justice, comme le plus redoutable de tous les maux, puisque les grands coupables consentent à racheter leur vie par une captivité perpétuelle

(1) Discours à la séance du Corps législatif du 14 mai 1864.

et douloureuse? Il y a plus: tous les ans, par l'intervention du droit de grâce, des condamnations à mort sont commuées en peines perpétuelles de détention, et ces commutations sont acceptées, par les condamnés et par leurs familles, avec une satisfaction profonde et une vive reconnaissance (1). »

Enfin, il est un fait plus frappant, qui se reproduit invariablement chaque année, et qui prouve, mieux que tous raisonnements, l'opinion que se font les malfaiteurs de la peine de mort, et la terrible intimidation qu'elle exerce sur eux; c'est que tous, sans exception, s'empressent, aussitôt leur condamnation, de se pourvoir en cassation (2); puis, après le rejet de leur pourvoi, de faire un recours en grâce. Or, qu'espèrent-ils? Est-ce l'impunité de leurs crimes? -Non, c'est uniquement une commutation du châtiment capital, en peine de détention perpétuelle !

Ne persistez donc pas à dire, en dehors de la vérité des faits, que la peine de mort n'est pas la plus grave des intimidations; car vous êtes démentis par ceux-là mêmes dont vous invoquez le témoignage; leur conduite vient ici protester contre vos arguments. Reconnaissons-le donc, avec l'honorable lord Grey: « no punishment is so much dreaded as the punishment of death (3)! »

(1) Molinier, De la peine de mort, Toulouse, 1862.

(2) La statistique criminelle de 1862 contient cette mention, qui se reproduit invariablement tous les ans : Tous les condamnés à mort de 1862 s'étaient pourvus en cassation.

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Rapp., p. 10.

(3) Lord Grey, à la Ch. des communes, 2 mai 1864.

SECTION III.

QUE LA PEINE DE MORT EST ENCORE NÉCESSAIRE, COMME MOYEN EXTRÊME DE DÉFENSE SOCIALE.

La vérité est que la peine de mort est nécessaire encore, non-seulement à cause de son énergique influence préventive, mais surtout, comme moyen extrême de défense de la société (1).

« Cette peine, a dit Montesquieu, est tirée de la nature des choses, puisée dans la raison, dans les sources du bien et du mal. Un citoyen mérite la mort lorsqu'il a violé la sûreté au point d'ôter la vie à son semblable. Cette peine de mort est comme le remède de la société malade. »

En effet, la maladie la plus grave de la société, ce sont ces attentats journaliers à la sécurité de la vie de l'homme. A quel remède, à quel moyens de défense aura-t-elle recours, alors que l'anéantissement du coupable peut seul la préserver du retour de ces attentats?

Voici un malfaiteur qui, par vengeance ou cupidité, assassine un citoyen. Si la peine de mort est supprimée, on ne peut le condamner qu'aux travaux forcés

(1) «La peine de mort, en attendant des temps plus heureux, est encore nécessaire, disait Target, et si elle est nécessaire, elle est légitime. Loin de blesser la société, elle la sert, en conservant la vie à tous ceux que le scélérat aurait immolés encore, et à ceux qui seraient tombés victimes de forfaits semblables. » (Locré, t. xxix, p. 9.)

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