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« De nos jours, il a été surabondamment justifié par Bonneville (1), qui reconnaît la nécessité de sa consécration dans la loi pénale. Et, en vérité, sans prétendre réduire le citoyen au rôle d'espion, on lui impose une obligation dérivant du principe général du devoir, lequel est aux êtres moraux ce qu'est l'attraction pour les êtres physiques. De même, en effet, que l'attraction exprime l'unité et l'enchaînement dans la variété des existences physiques, le devoir rattache, par des liens communs, tous les hommes à un même principe, comme molécules intégrantes, comme membres d'un tout supérieur; afin que travaillant tous en vue de la domination du même principe absolu de l'ordre, ils puissent enfin établir l'empire du bien, conséquence de ce principe et fin dernière de l'individu, comme de la société.

<< La sanction des obligations consacrées par ce chapitre est dans l'incrimination d'adhérence (adherencia) comme troisième degré de participation dans les crimes et délits. »

(Voir à ce sujet les dispositions de ce Code.)

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No IX.

DE LA RÉPARATION SOCIALE DUE AUX CITOYENS MAL A PROPOS POURSUIVIS OU INJUSTEMENT CONDAMNÉS.

Depuis la publication de notre premier volume (2), la solution de cette grave question a subi des vicissitudes diverses, au milieu desquelles elle a fait un pas considérable.

L'opinion s'en est préoccupée;— la presse lui a prêté son concours, tantôt avec réserve et sagesse (3), tantôt avec une exagération regrettable (4) ;—l'une de nos chambres législatives a été inopinément saisie de la question par voie de pétition;-enfin nous avons eu l'heureuse chance de voir consacrer par le plus récent et le plus remarquable des projets de Codes criminels de ce temps, le système que nous avons précédemment développé.

(4) De l'amélioration de la loi criminelle, t. 4, p. 55 et suiv.

(2) De l'amélioration de la loi criminelle, chap. xx et xxI. Paris, Cotillon, 1855.

(3) Journal des Débats du 40 octobre 1864.

(4) Journ. l'Opinion nationale des 40, 26 et 28 décembre 4862.—Journal des Débats du 5 décembre 1862, art. de M. Prévost-Paradol.

Nos lecteurs nous sauront gré, je suppose, de leur donner ici quelques documents anciens et nouveaux sur cette importante matière :

1.- Loi des Ripuaires.

Notre antique loi des Ripuaires contenait cette généreuse disposition :

« Si quis hominem INNOCENTEM apud regem accusaverit, LX solidis culpabitis judicetur. »>

Or, si, alors qu'au défaut du ministère public, dont l'institution ne date que du XVe siècle, la partie lésée était tenue d'indemniser l'innocent qu'elle avait par erreur traduit devant la justice du Roi, comment la société, qui poursuit aujourd'hui d'office les crimes, par l'organe du ministère public, ne serait-elle pas tenue d'accorder à l'innocent, qu'elle a mal à propos poursuivi, la légitime réparation qui incombait jadis aux parties lésées ?

La création d'une magistrature spéciale, poursuivant, sans passion, au nom de la société, les infracteurs des lois, a pu diminuer le nombre des poursuites téméraires, mais elle n'a pu supprimer le droit des innocents à la réparation qui leur est due.

§ 2.

Lois et usages du duché de Lorraine.

J'ai démontré (1) qu'on retrouve en pleine vigueur ce généreux principe aux diverses époques de notre vieille jurisprudence. Dans le duché de Lorraine, le droit des innocents injustement poursuivis était reconnu depuis un temps immémorial. Des pièces récemment découvertes dans le trésor des chartes de Lorraine ne peuvent laisser à cet égard aucun doute. Ces pièces sont la renonciation faite, par-devant notaire, à CE DROIT de réparation par une innocente à tort poursuivie et par sa famille. Voici à quelle occasion:

Une nommée Claudine Boussard, femme de chambre de feue la duchesse Renée de Bourbon, avait été arrêtée sous l'inculpation d'avoir empoisonné cette princesse. Son innocence ayant été reconnue, elle fut, à la sollicitation du cardinal de Lorraine, mise en liberté après une détention préventive de huit mois; ses biens séquestrés lui furent rendus. Toutefois, le duc François Ier, qui avait ordonné cette poursuite mal fondée, craignant d'être actionné en indemnité par la prévenue, obtint d'elle et de plusieurs membres de sa famille trois renon

(1) De l'amélioration, elc., t. 4, p. 506 et suiv.

ciations successives, dont deux en forme authentique (1), des 15 et 18 avril 1545 et 16 juin 1546, par lesquelles ladite Boussard et ses plus proches parents s'engageaient sous serment à ne jamais, pour « cause du procès contre elle ensuivy, faire contre ledit seigneur de Lorraine, ny souffrir être faictes aucunes poursuites, actions ny querelles en jugement, etc. »

Nous nous contenterons de citer, à titre de spécimen, le plus court de ces curieux documents. Il est ainsi conçu :

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Nous, François Bejat, chanoine de Langres, et Nicolas Fevre, controleur des deniers de la ville de Mussy, tant en noz noms, que és << noms des aultres cousins et parentz de Claudine Boussard, notre cousine, promettons sur nos âmes, de non jamais faire querelle, ny querimoine par nous ni par aultre, en quelque manière que ce soit, ⚫ DE L'EMPRISONNEMENT faict de la personne de notre dicte cousine Claudine, depuys le mois de septembre dernier, de par très-haut et magnanime prince et souverain seigneur, monseigneur le duc de Lorraine, etc., en faisant promptement élargir et délivrer notre dicte cousine, en tesmoing de quoy nous les dits Bejat et Fevre, avons signé de nos seings manuels ceste escript de la main de moy ledit Bejat, le 18 jour du mois d'apvril mil cinq centz quarante cinq, après Pasques, à Nancy.

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Il résulte clairement de cette pièce et des deux autres susindiquées, que dès le XVIe siècle, en Lorraine, le prévenu indùment poursuivi avait droit en principe de faire poursuyte judiciaire, action, quérimoine, querelle en jugement », contre le duc, à raison du procès contre lui ensuivi, de la prinse de sa personne et de ses biens et de l'emprisonnement préventif », subi par lui, sous une inculpation reconnue mal fondée; et il est à noter, qu'en 1545, le ministère public existait déjà en Lorraine depuis un siècle.

C'est en vertu de cet antique droit, attesté par l'urphède, que nous trouvons, dans l'ordonnance sur la procédure criminelle du duc Léopold de Lorraine donnée à Nancy en juillet 1701, cette remarquable disposition que j'ai déjà citée (2) et qui permettait aux juges « de condam. «ner à des dommages-intérêts les procureurs du duc et ceux des sei• gneurs, en leur nom, s'il paraît, par l'évidence du fait, qu'ils ont pris

(4) URFEDA, germanicè Urfelit, juramentum quod ex carcere dimissus præstat de non ulciscendo (Ducange).-Urfeda, cautio de non vindicando. Ex ur pro over hoc est super; et veede, vel veet, odium, inimicitiæ, over-frede ou brida, transaetio pacis et securitatis, juramento firmata (Vossius, De vitiis sermonis, lib. 44, cap. 49).

(2) De l'amélioration de la loi criminelle, t. 4or, p. 544.

« des dénonciateurs inconnus, notoirement insolvables ou de foy suspecte, par esprit de vexation. »

D'où l'on peut conclure, qu'alors, l'indemnité due aux innocents, indûment poursuivis, était à la charge des dénonciateurs solvables ou, en cas d'insolvabilité de ces derniers, à la charge du seigneur, au nom duquel s'exerçait la justice répressive.

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Art. 46. E siccome abbiamo considerato che quanto è dovere essenziale del Governo il prevenire i Delitti, il perseguitarli, e gastigarli, altrettanto lo è di pensare ad indennizzare non solo i dannificati dai Delitti dei Rei, quanto ancora quelli individui, i quali per le circostanze dei casi, o certe combinazioni fatali si saranno trovati senza dolo, o colpa di alcuno sottoposti ad esser processati criminalmente, e molte volte ritenuti in carcere con pregindizio del loro decoro, ed interesse, e di quello della loro famiglia, e saranno poi stati riconosciuti innocenti; cosi avendo Noi già provveduto col Patrimonio Pubblico per supplire alle spesi di giustizia, che prima pagavansi dal fisco in parte col prodotto, della confiscazione dei beni, e pene pecuniarie, vogliamo che venga formata una cassa, a parte sotto la dirizione del Presidente del Buon Governo del Dominio Fiorentino, e nel Senese dell' Auditor Fiscale di Siena, nella quale debbano colare tutte le multe, e pene pecuniarie di tutti i respettivi tribunali dello stato, e della quale ne renderanno conto à Noi di anno in anno. Da questa cassa, per quanto si estenderanno i suoi assegnamenti dovranno indennizzarsi tutti quelli, che danneggiati per Delitti altrui, dal delinquente da cui il danno e loro derivato non possono ottenere il resarcimento per mancanza di patrimonio, o per fuga, e tutti i quali senza dolo, o colpa di alcuno (giacchè in questo caso chi avrà commesso il dolo, o la colpa sarà tenuto esso ad indennizzarli) ma solo per certe combinazioni fatali, o disgraziate saranno stati processati, carcerati, e poi trovati innocenti, e come tali assoluti, purché nell' uno, e nell' altro di questi casi abbia il Giudice dichiarato doversi questa indennizzazione, e in quella somma che avrà liquidata, e tassata e purchè in oltre dove vi è il Reo, o debitore dichiarato della detta indennizzazione, il dannificato faccia costare di avere usate tutte le diligenze per essere dal di lui patrimonio sodisfatto.

§ 4. Cahiers des provinces basques.

On lit dans les cahiers des vœux et instructions délibérés en assem

blée générale du tiers état, le 23 avril 1789, et donnés à leurs députés aux états généraux, par les provinces basques françaises, la mention suivante :

< En attendant la réforme complète de nos lois, ne pourrait-on pas, dans les états généraux qui vont être convoqués, faire subir à notre Code criminel quelques réformes partielles intéressant, d'une manière urgente, L'INNOCENCE des accusés, victimes de l'erreur ou de la calomnie, et l'honneur de la justice? ›

§ 5. Code criminel du canton de Bâle (Suisse).

-

Ce Code permet aux juges d'indemniser, aux frais de l'État, les prévenus dont l'innocence a été reconnue; témoin cette mention extraite d'un journal de ce canton :

Le 18 septembre, le tribunal criminel de Bâle a acquitté les époux Socin, accusés d'avoir assassiné et jeté dans le Rhin leur mère et bellemère, et leur a accordé un dédommagement de 500 fr. pour la détention endurée (1). »

§ 6.- Projet du nouveau Code pénal portugais.

(Extr. de l'expos. des motifs, sect. 18.)

a L'indemnité concédée aux citoyens déclarés innocents, par suite du procès en révision, est une des dispositions nouvelles insérées dans le projet (art. 170) (2). »

Puis, le rapport, après avoir établi la rationalité de cette réparation sociale, à ce moyen de citations et d'extraits empruntés aux chap. XX et XXI de mon livre de l'Amélioration criminelle, ajoute:

« Ces principes ont été proclamés parmi nous par l'illustre Paschal Jose de Mello freire, dont la commission est heureuse de reproduire les expressions:

« Quod reus absolutus, qui maxima certe incommoda ob sibi objectam accusationem pati coactus fuit, innocens tamen deprehensus, litis præterea expensas solvere teneatur, ab omni prorsùs humanitate alienum videtur. Eas igitur quodammodo societas ferre debet et DAMNUM REO SARCIRE vel ærario judiciali, vel ex mulctis pe

(1) Extrait du Constitutionnel du 29 septembre 1864.

(2) Quant à l'indemnité afférente aux inculpés dont la procédure a prouvé la complète innocence, son principe est déposé en germe dans l'art. 438 ci-après, qui affecte à cette juste réparation une partie du produit des amendes pénales.

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