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se doit soûmettre. Il est donc juste qu'elle se soûmette quand elle juge qu'elle se doit soumettre, et qu'elle ne se soûmette pas quand elle juge avec fondement qu'elle ne le doit pas faire : mais il faut prendre garde à ne se pas tromper.

La pieté est differente de la superstition. Pousser la pieté jusqu'à la superstition c'est la détruire. Les heretiques nous reprochent cette soûmission superstitieuse. C'est faire ce qu'ils nous reprochent que d'exiger cette soûmission dans les choses qui ne sont pas matiere de soumission.

Il n'y a rien de si conforme à la raison que le desaveu de la raison dans les choses qui sont de foy. Et rien de si contraire à la raison que le desaveu de la raison dans les choses qui ne sont pas de foy. Ce sont deux excés également dangereux, d'exclure la raison, de n'admettre que la raison.

La foy dit bien ce que les sens ne disent pas, mais jamais le contraire. Elle est au dessus, et non pas

contre.

ΤΟ

VI

Foy sans raisonnement.

I j'avois veu un miracle, disent quelques gens, je me convertirois. Ils ne parleroient pas ainsi s'ils sçavoient ce que c'est que conversion. Ils s'imaginent qu'il ne faut pour cela que reconnoistre qu'il y a un Dieu, et que l'adoration consiste à luy tenir de certains discours tels à peu prés que les payens en faisoient à leurs idoles. La conversion veritable consiste à s'anneantir devant cet Estre souverain qu'on a irrité tant de fois, et qui peut nous perdre legitimement à toute heure; à reconnoistre qu'on ne peut rien sans luy, et qu'on n'a rien merité de luy que sa disgrace. Elle consiste à connoistre qu'il y a une opposition invincible entre Dieu et nous, et que sans un mediateur il ne peut y avoir de commerce.

* Ne vous étonnez pas de voir des personnes simples croire sans raisonnement. Dieu leur donne l'amour de sa justice et la haine d'eux-mesmes. Il incline leur cœur à croire. On ne croira jamais d'une creance utile

et de foy si Dieu n'incline le cœur, et on croira dés qu'il l'inclinera. Et c'est ce que David connoissoit bien lors qu'il disoit : Inclina cor meum, Deus, in testimonia

tua.

Ceux qui croyent sans avoir examiné les preuves de la Religion, c'est parce qu'ils ont une disposition interieure toute sainte, et que ce qu'ils entendent dire de nostre Religion y est conforme. Ils sentent qu'un Dieu les a faits. Ils ne veulent aymer que luy. Ils ne veulent haïr qu'eux mesmes. Ils sentent qu'ils n'en ont pas la force; qu'ils sont incapables d'aller à Dieu; et que si Dieu ne vient à eux, ils ne peuvent avoir aucune communication avec luy. Et ils entendent dire dans nostre Religion qu'il ne faut aymer que Dieu, et ne haïr que soy-mesme; mais qu'estans tous corrompus et incapables de Dieu, Dieu s'est fait homme pour s'unir à nous. Il n'en faut pas davantage pour persuader des hommes qui ont cette disposition dans le cœur, et cette connoissance de leur devoir et de leur incapacité.

Ceux que nous voyons Chrestiens sans la connoissance des propheties et des preuves, ne laissent pas d'en juger aussi bien que ceux qui ont cette connoissance. Ils en jugent par le cœur, comme les autres en jugent par l'esprit. C'est Dieu luy-mesme qui les incline à croire, et ainsi ils sont tres efficacement persuadez.

J'avoue bien qu'un de ces Chrestiens qui croyent sans preuves n'aura peut-estre pas dequoy convaincre un infidelle qui en dira autant de soy. Mais ceux qui

sçavent les preuves de la Religion prouveront sans difficulté que ce fidelle est veritablement inspiré de Dieu, quoy qu'il ne pust le prouver luy-mesme.

VII

Qu'il est plus avantageux de croire que de ne pas croire ce qu'enseigne la Religion Chrestienne.

P

AVIS

RESQUE tout ce qui est contenu dans ce chapitre ne regarde que certaines sortes de per

sonnes qui n'estant pas convaincuës des preuves de la Religion, et encore moins des raisons des Athées, demeurent en un estat de suspension entre la foy et l'infidelité. L'autheur prétend seulement leur monstrer par leurs propres principes, et par les simples lumieres de la raison, qu'ils doivent juger qu'il leur est avantageux de croire, et que ce seroit le party qu'ils devroient prendre, si ce choix dépendoit de leur volonté. D'où il s'ensuit qu'au moins en attendant qu'ils ayent trouvé la lumiere necessaire pour se convaincre de la verité, ils doivent faire tout ce qui les y peut disposer, et se dégager de tous les empeschemens qui les détournent de cette foy, qui sont principalement les passions et les vains amuse

mens.

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