melles de l'Espouse, et tout ce qui n'exprime pas l'unique but qu'ils ont des biens temporels.

Il y en a qui voyent bien qu'il n'y a pas d'autre ennemy de l'homme que la concupiscence qui le détourne de Dieu, ny d'autre bien que Dieu, et non pas une terre fertile. Ceux qui croyent que le bien de l'homme est en la chair, et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens; qu'ils s'en soulent, et qu'ils y meurent. Mais ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur, qui n'ont de déplaisir que d'estre privez de sa veüe, qui n'ont de desir que pour le posseder, et d'ennemis que ceux qui les en détournent, qui s'affligent de se voir environnez et dominez de tels ennemis; qu'ils se consolent; il y a un liberateur pour eux; il y a un Dieu pour eux. Un Messie a esté promis pour délivrer des ennemis; et il en est venu un pour délivrer des iniquitez, mais non pas des ennemis.

Quand David prédit que le Messie délivrera son peuple de ses ennemis, on peut croire charnellement que ce sera des Egyptiens, et alors je ne sçaurois monstrer que la prophetie soit accomplie. Mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquitez. Car dans la verité les Egyptiens ne sont pas des ennemis, mais les iniquitez le sont. Ce mot d'ennemis est donc équi

voque.

Mais s'il dit à l'homme, comme il fait, qu'il délivrera son peuple de ses péchez, aussi bien qu'Isaïe et les autres, l'équivoque est ostée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d'iniquitez; car s'il avoit

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dans l'esprit les péchez, il les pouvoit bien dénotter par ennemis; mais s'il pensoit aux ennemis, il ne les pouvoit pas désigner par iniquitez.

Or Moyse, David, et Isaïe usoient des mesmes termes. Qui dira donc qu'ils n'avoient pas mesme sens, et que le sens de David qui est manifestement d'iniquitez lors qu'il parloit d'ennemis, ne fust pas le mesme que celuy de Moyse en parlant d'ennemis?

Daniel (chap. 9) prie pour la délivrance du peuple de la captivité de leurs ennemis; mais il pensoit aux péchez; et pour le monstrer, il dit que Gabriel luy vint dire qu'il estoit exaucé, et qu'il n'y avoit que 70 semaines à attendre, aprés quoy le peuple seroit délivré d'iniquité, le péché prendroit fin, et le liberateur le Saint des Saints ameneroit la justice eternelle, non la legale, mais l'eternelle.

Dez qu'une fois on a ouvert ce secret il est impossible de ne le pas voir. Qu'on lise l'ancien Testament en cette veüe, et qu'on voye si les sacrifices estoient vrays, si la parenté d'Abraham estoit la vraye cause de l'amitié de Dieu, si la terre promise estoit le veritable lieu du repos. Non. Donc c'estoient des figures. Qu'on voye de mesme toutes les ceremonies ordonnées, et tous les commandemens qui ne sont pas de la charité; on verra que c'en sont les figures.

XIV

JESUS-CHRIST

A distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle.

Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit.

La grandeur des gens d'esprit est invisible aux riches, aux Roys, aux conquérans, et à tous ces grands de chair.

La grandeur de la sagesse qui vient de Dieu est invisible aux charnels, et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres de differens genres.

Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leurs victoires, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles, qui n'ont nul rapport avec celle qu'ils cherchent. Ils sont veus des esprits, non des yeux; mais c'est assez.

Les Saints ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leurs victoires, et n'ont nul besoin des grandeurs char

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PENSÉES SUR LA RELIGION

nelles ou spirituelles, qui ne sont pas de leur ordre et qui n'ajoûtent ny n'ostent à la grandeur qu'ils désirent. Ils sont veus de Dieu et des Anges, et non des corps ny des esprits curieux: Dieu leur suffit.

Archimede sans aucun éclat de naissance seroit en mesme vénération. Il n'a pas donné des batailles, mais il a laissé à tout l'univers des inventions admirables. O qu'il est grand et eclattant aux yeux de l'esprit!

JESUS-CHRIST Sans bien et sans aucune production de science au dehors, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'inventions; il n'a point regné; mais il a esté humble, patient, saint devant Dieu, terrible aux démons, sans aucun peché. O qu'il est venu en grande pompe, et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur, et qui voyent la sagesse!

Il eust esté inutile à Archimede de faire le Prince dans ses livres de géométrie, quoyqu'il le fust.

Il eust esté inutile à nostre Seigneur JESUS-CHRIST pour éclater dans son regne de sainteté de venir en Roy. Mais qu'il est bien venu avec l'éclat de son ordre!

Il est ridicule de se scandaliser de la bassesse de JESUS-CHRIST, Comme si cette bassesse estoit du mesme ordre que la grandeur qu'il venoit faire paroistre. Que l'on considere cette grandeur là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l'élection des siens, dans leur fuitte, dans sa secrette resurrection, et dans le reste; on la verra si grande qu'on n'aura point sujet de se scandaliser d'une bassesse qui n'y est pas.

PENSÉES SUR LA RELIGION

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Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles, comme s'il n'y en avoit pas de spirituelles; et d'autres qui n'admirent que les spirituelles, comme s'il n'y en avoit pas d'infiniment plus hautes dans la sagesse.

Tous les corps, le firmament, les étoilles, la terre et les Royaumes, ne vallent pas le moindre des esprits; car il connoist tout cela, et soy mesme; et le corps rien. Et tous les corps et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions ne vallent pas le moindre mouvement de charité; car elle est d'un ordre infiniment plus elevé.

De tous les corps ensemble on ne sçauroit tirer la moindre pensée; cela est impossible, et d'un autre ordre. Tous les corps et les esprits ensemble ne sçauroient produire un mouvement de vraye charité : cela est impossible, et d'un autre ordre tout surnaturel.

JESUS-CHRIST a esté dans une obscurité (selon ce que le monde appelle obscurité, telle que les historiens qui n'ecrivent que les choses importantes l'ont à peine apperceu.

* Quel homme eut jamais plus d'éclat que JESUSCHRIST? Le peuple Juif tout entier le prédit avant sa venüe. Le peuple Gentil l'adore aprés qu'il est venu. Les deux peuples Gentil et Juif le regardent comme leur centre. Et cependant quel homme joüit jamais moins de tout cet éclat? De trente trois ans il en vit trente sans paroistre. Dans les trois autres il passe pour imposteur; les Prestres et les principaux de sa nation