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Air: Jeannot me délaisse, (de Jeannot et Colin.)
Oui, je croyais l'entendre,
Ainsi qu'en nos beaux jours,
Lorsque sa voix si tendre
Jurait d'aimer toujours.
Tout n'était que mensonge :
Amour, constante ardeur,
Vous n'existez qu'en songe,
Hélas! et dans mon cœur.
Même air.

Et pourtant tout s'apprête
Pour un lien si doux;
Quel bonheur ! quelle fête !
C'est ce qu'ils disent tous.
Chacun vante les charmes
De cet hymen flatteur.
Allons, séchons nos larmes
Le jour de mon bonheur.

SCÈNE IX.

Cécile, Gustave, sortant de l'appartement à gauche.

Gustave. C'est elle. (Cécile le salue froidement.) Ah! quelle différence! Mais non, c'est un secret que j'ai surpris et qui ne m'appartient pas. (Haut.) Hier, madame, je croyais avoir l'honneur d'assister...; mais des événements inattendus...

Cécile. Vous serait-il arrivé quelque chose? Quel changement dans vos traits!

Gustave. Non, non, je vous remercie; ce n'est rien, j'ai peu dormi.

Cécile, (à part.) Et moi!

Gustave. En vain je voulais vous éloigner, vous bannir de ma pensée. Partout je vous retrouvais, partout vous étiez avec moi... cette nuit même.

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Gustave. Il semblait que vous m'aviez pardonné; car vous saviez la vérité: vous saviez que jamais mademoiselle de Fierville...

Cécile. Comme dans mon rève!

Gustave. Et que c'est vous, Cécile, vous seule que j'ai toujours aimée, (presque hors de lui,) et que j'aime encore!

Cécile. Comme dans mon rêve!... (Tendrement.) Gustave!... Gustave. Adieu! adieu! je sens, après un tel aveu, que je dois vous fuir pour jamais; mais je conserverai toujours votre image et cet anneau que vous m'avez rendu.

Cécile, (cherchant à son doigt.) Que voulez-vous dire?

Gustave. Ah! ne cherchez point à savoir comment il est revenu entre mes mains; vous ne pouviez plus le garder, et moi il ne me quittera de la vie !

Gustave.

Air: Dormez donc, mes chères amours.
Pour jamais, il me faut vous fuir!

Cécile.

Dieux! qu'entends-je! et quel souvenir!

Gustave.

En silence, il faut vous chérir.

Cécile.

À ma mémoire fidèle

Quels instants cette voix rappelle !
Gustave.

Adieu donc, adieu pour toujours!
Adieu donc, mes seules amours!

Ensemble.

Oui, mon cœur gardera toujours
Le souvenir de nos amours;
Toujours, toujours,

Le souvenir de nos amours.

SCÈNE X.

Cécile, (seule.) Il s'éloigne! il me quitte! Gustave !... Je ne le reverrai plus! (Elle tombe sur le fauteuil qui est placé à gauche du spectateur et sur le devant de la scène.)

SCÈNE XI.

Cécile, Frédéric, Gustave, Baptiste, portant une valise ; Dormeuil, qui entre un instant après. Ils sont tous dans le fond. Frédéric, (tenant Gustave par le bras.) Comment, morbleu! qu'est-ce que ça signifie? tu t'en allais ?

Gustave. Non, mon ami... non... certainement.

Frédéric. Et ces chevaux de poste que j'ai vus attelés? Je t'en préviens, je ne te perds pas de vue.

Cécile, (à demi-voix.) Gustave! Gustave !...

Frédéric. Qu'entends-je ?

Dormeuil, (voulant aller vers elle.) Ma fille!

Frédéric, (l'arrêtant.) Mais laissez donc, beau-père, ça devient au contraire fort intéressant.

Gustave, (s'avançant.) Mais, mon ami...

Frédéric, (le prenant par la main, qu'il garde dans la sienne.) Silence! te dis-je, et écoutez tous! (Ils s'arrêtent tous dans le fond, en demi-cercle, autour du fauteuil de Cécile; et dans ce moment Marie et plusieurs parents se montrent au fond, mais sans oser entrer.)

Cécile. Il est parti!... Oh! ce n'est plus là mon rêve!... Il me semblait entendre Frédéric; il me pardonnait : il sentait comme moi que je ne pouvais pas donner deux fois mon cœur... Et mon père, il nous menait à l'autel... Gustave était là, et il me semblait entendre une voix qui nous disait...

Frédéric, (qui n'a pas quitté la main de Gustave, saisit celle de Cécile, et les joint ensemble, en s'écriant :) Mes enfants, je vous unis!

Cécile, (regardant autour d'elle.) Mon père!... Frédéric !... Gustave près de moi! (Fermant les yeux, et éloignant tout le monde de la main.) Ah! ne m'éveillez pas !

Frédéric. Non, ma chère Cécile, non, ce n'est point un rêve. J'avais juré à votre père de faire votre bonheur; n'aije pas tenu mon serment? (A M. Dormeuil.) Vous ne m'en voulez pas,' beau-père, d'avoir usurpé vos fonctions? Vous savez que j'ai toujours eu une vocation...

Gustave. Ah! mon ami! comment reconnaître jamais ce généreux sacrifice?

Frédéric. Laisse donc; comme si je ne savais pas ce que c'est qu'un mariage manqué. Et de cinq..."

VAUDEVILLE.

Dormeuil.

Air du vaudeville de Gusman d'Alfarache.

Malgré nous, un destin tutélaire,
Tu le vois, nous protège en secret.
Par dépit, tu t'éloignais, ma chère,
D'un amant que ton cœur adorait !
Notre folie à tous est pareille;
Ce bonheur, que l'on désire tant,
Pour l'avoir, on se fatigue, on veille,
Et souvent le bien vient en dormant!

Gustave.

Maint seigneur que le sort favorise,
Et qui brille à nos yeux éblouis,

1 Vous n'êtes pas fâché contre moi.
"Celui-ci est le cinquième.

Chaque jour voit croître avec surprise,
Ses grandeurs, ainsi que ses ennuis.
Las des soins dont son rang l'embarrasse,
Un beau soir, malheureux et puissant,
Il s'endort et s'éveille sans place...
Quelquefois le bien vient en dormant.

Baptiste.

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Ah! combien vous devez être riches,
Si vraiment le bien vient en dormant!

Frédéric.

Dans ses goûts, madame est un peu vive,
Et monsieur est un grave érudit.
Pour un bal, crac! madame s'esquive,
Et monsieur va dormir dans son lit.
Madame revient fraîche et gentille,
Et monsieur voit en se réveillant,
Augmenter ses amis, sa famille,

Ah! vraiment, le bien vient en dormant!
Cécile, (au public.)

Mon sommeil a fait mon mariage;

J'ai déjà le droit de le bénir;

Qu'il m'obtienne encor votre suffrage,

Et qu'ici je sois seule à dormir!

Sans crainte de blesser mon oreille,

Ah! messieurs, applaudissez souvent;
Et si quelque bravo me réveille,

Je dirai: Le bien vient en dormant !

15*

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Le Théâtre représente l'intérieur d'un bureau, dont le fond est occupé par une grande tablette contenant des cartons et des dossiers. A la droite du spectateur, dans le fond, la porte d'entrée, qui est toujours ouverte, et qui laisse voir sur le mur extérieur le mot Escalier, écrit en gros caractères. A gauche une croisée. Sur un plan plus avancé, à droite, une porte au-dessus de laquelle on lit: Première division, 3o bureau, M. Dumont, chef. Sur le même plan, à gauche, une autre porte, au-dessus de laquelle on lit: Première division. cabinet du chef de division est à droite. Une grande table au fond. A gauche une table. A droite une autre table, garnie de tout ce qui est nécessaire à un employé de bureau: cartons, papiers, encrier, plumes, canif, grattoir. Un vieux fauteuil, près de cette table, etc. A côté, une petite manne d'osier pour mettre les vieux papiers.

SCÈNE PREMIÈRE.

Victor, (devant la table à gauche et écrivant.)

Le

Personne encore au ministère ! il est à peine huit heures, et me voilà déjà à mon poste. Depuis trois jours mes créanciers s'établissent de si bon matin à ma porte, que je suis forcé d'arriver au bureau au point du jour. Cela a bien son bon côté ; et si tous les employés étaient aussi exacts que

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