vacité bouillante du caractère italien; le réalisme dans l'art après l'idéal et la fantaisie M. du Pays nous fait étudier avec le même intérêt ces choses si contraires.

Voyageur expérimenté, il épargne aux touristes les tâ tonnements, les pertes de temps, d'argent, tous les ennuis au prix desquels s'acquiert l'habitude des voyages. Il nous permet de voir beaucoup en peu de temps. Il ne nous impose pas ses impressions, ses jugements, il rend les nôtres plus faciles et plus sûrs. Il s'inspire lui-même de ce qui a été écrit de meilleur sur le pays, et, comme dans tous les Guides-Joanne, une bibliographie raisonnée indique au lecteur ou au touriste sérieux les sources à consulter. Histoire naturelle de la Hollande, géographie, statistique, études de mœurs, histoire politique, histoire des arts, connaissance de la langue : M. du Pays nous donne sur tout des notions précises et nous ouvre les moyens de pousser nous-mêmes plus loin nos études.

Bien des choses sont dignes de notre attention dans cette singulière contrée, si vaillamment conquise sur la mer par le courage et la persévérance de l'homme : le sol et ses habitants, la campagne et les villes, les institutions et les mœurs, l'industrie, le commerce, les arts, et, parmi ces derniers, celui de la peinture, porté à un si haut degré de gloire. C'est là que règne sans conteste Rembrandt et son école; c'est là qu'on trouve les grandes toiles de ce maître, dont les autres pays sont fiers de posséder quelques miniatures dans leurs musées. A la Haye, la Leçon d'anatomie, à Amsterdam, la Ronde de nuit se présentent escortées de vingt chefs-d'œuvre du même pinceau. M. du Pays ne se borne pas à énumérer les œuvres d'art; il donne sur chacune des éléments d'appréciation, et, par le rapprochement des jugements les plus autorisés, vous met en mesure de mieux juger vous-même. Ajouterai-je que l'Itinéraire de la Hollande contient différentes cartes générales et particulières, des plans de toutes les villes importantes, grâce

auxquels le voyageur peut dès le premier jour s'orienter lui-même dans des pays inconnus? Nos lecteurs savent déjà que tous les livres de la Collection-Joanne sont prodigues de ces accessoires, aussi précieux pour satisfaire la curiosité des lecteurs sédentaires que pour guider les pas du voyageur.

Un autre collaborateur de M. Joanne nous fait traverser la mer, pour retrouver la France dans un pays bien inconnu de la plupart des Français. je veux parler de notre grande colonie africaine. L'Itinéraire historique et descriptif de l'Algérie, par M. Louis Piesse1 est peut-être, de toute la collection, celui qu'il était le plus difficile d'exécuter. Les renseignements exacts manquent encore à l'administration elle-même sur une foule de points que le touriste a besoin de connaître. Tous ceux qu'elle pouvait offrir de plus rigoureux ont été recueillis par M. Piesse, qui a collaboré lui-même au tableau statistique des établissements français du nord de l'Afrique. Dix années de séjour en Algérie, des relations suivies avec les hommes les plus instruits qui l'habitent, un dernier voyage spécial dans les trois provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine, voilà par quels titres M. Piesse se justifie d'avoir osé se charger de la rédaction de l'Itinéraire d'Algérie.

Quelque nouvelle qu'elle soit, notre conquête africaine a déjà été l'objet de beaucoup de livres ou de brochures. Un tableau bibliographique des travaux publiés sur notre colonie avait été dressé en 1840 par M. C. Brosselard; il contenait déjà sept cents articles. Aujourd'hui ce chiffre devrait être triplé, quadruplé peut-être. Dans le nombre surnagent environ quatre-vingts publications, que M. Piesse indique comme les principales sources à consulter. Grâce à ces travaux antérieurs et à ses recherches personnelles,

1. In-18, CLXXXVI-512 p., avec cartes.

l'auteur de l'Itinéraire de l'Algérie a pu remplir de tous points le programme adopté pour les Guides-itinéraires des pays les mieux connus. Rien n'est omis de tout ce qu'il peut être intéressant d'étudier dans l'Afrique française : géographie, ethnographie, histoire, zoologie, minéralogie, productions naturelles, industrie, commerce, etc.; une introduction étendue embrasse sous ces divers rapports nos trois provinces, et présente un tableau général que l'on peut citer comme un des chapitres bien faits de la géographie physique et politique, telle qu'on la comprend de nos jours.

Le livre de voyage commence ensuite. M. Piesse nous fait parcourir avec lui les trois provinces: Alger, Constantine, Oran, sont décrites avec autant de détails que pourraient l'être trois villes de France, et la précision des indications utiles n'exclut pas le pittoresque. Nous voyons, dans de courtes descriptions empruntées à des récits d'artistes, de poëtes, les sites, les monuments, les spectacles de la nature, les débris de la civilisation antique. L'archéologie, qui a fait de si curieuses découvertes dans ces vieilles provinces romaines, n'est pas dédaignée, et maintes inscriptions sont relevées et transcrites avec leur traduction. Constantine, ce vieux théâtre de tant de luttes sanglantes, déjà puissante sous le nom de Cirta, au temps de la république romaine, a conservé de sa longue histoire des traces monumentales que la science a recueillies avidement. M. Piesse a tiré des savants travaux de MM. Charbonneau et Léon Renier tout ce qui peut intéresser le public éclairé. L'Itinéraire de l'Algérie n'arrête pas le voyageur ou le lecteur dans les villes seules, il nous conduit dans les campagnes, partout où il y a un site remarquable, une ruine de quelque valeur, une population curieuse à étudier. Il nous promène dans les environs d'Alger, d'Oran ou de Constantine, comme M. Joanne nons mène à Versailles ou à Saint-Cloud, dans le guide spécial des Environs de Paris. Pour ne pas

ressembler aux bords de la Seine, nos provinces algériennes n'en ont pas moins leurs attraits, leurs beautés, leurs richesses, leurs glorieux souvenirs. Le livre de M. Piesse inspirera sans doute à plusieurs le désir, comme il fournit les moyens, de visiter cette France lointaine. Pour le grand nombre de ses lecteurs, voyageurs du coin du feu, il aura ce patriotique résultat de faire mieux sentir le prix des conquêtes de la France.

SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.

Part de l'économie politique dans le mouvement intellectuel et bibliographique. De l'application de la méthode géométrique aux sciences morales et politiques. MM. du Mesnil et P. O. Protin.

L'économie politique a, dans le mouvement des idées modernes, une part dont on peut juger par le mouvement bibliographique de l'année. Il ne se publie pas moins de cent cinquante à deux cents écrits français sur les questions économiques et sociales, sur la statistique, le commerce, les finances. Dans le nombre se trouvent des brochures de circonstance d'un intérêt trop fugitif, ou des publications trop spéciales ou même trop techniques pour que nous songions un instant à nous en occuper; une trentaine d'ouvrages peut-être mériteraient d'être de notre part l'objet d'une étude, ou tout au moins d'une mention. Nous regrettons de ne pouvoir, le plus souvent, les signaler que par des indications bibliographiques1. Nous com

1. Voy., dans l'Appendice, le § 2 de la section Sciences morales et politiques. On remarquera cette année, parmi les livres de cet ordre, dont nous ne pouvons parler, les Études morales et politiques, de M. Edouard Laboulaye (Charpentier, in-8, vi-391 p.), qui s'efforce de concilier dans une même sympathie l'Evangile et la liberté; les Portraits de publicistes modernes, de M. Baudrillart (Guillaumin, in-8), qui représente le même accord entre la morale et la science économique; l'Histoire de l'émigration, asiatique et africaine, ses causes, ses caractères et ses effets, par M. J. Duval (même libraire, in-8),