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sous forme de prix unique, a eu lieu, pour la première fois, en 1856, sera spécialement consacrée à encourager la haute littérature:

Soit que l'Académie dispose de ce prix en faveur d'un ouvrage publié dans les deux années ou dans l'année précédente, et remarquable, quels qu'en soient l'objet ou la forme, par l'étendue des connaissances littéraires et le talent d'écrire;

Soit que, dans d'autres cas préalablement annoncés, l'Académie ait jugé convenable de proposer le sujet même du prix, par la mise au concours d'une question d'histoire ou de critique littéraire empruntée soit à l'antiquité, soit aux temps modernes.

Pour la huitième application du prix, en 1863, l'Académie statuera exclusivement par l'examen comparatif des ouvrages imprimés dans les deux années précédentes, qui lui paraîtraient rentrer dans les conditions indiquées ci-dessus, et dont l'envoi, à trois exemplaires, lui aurait été adressé par les auteurs avant le 1er janvier 1863.

Prix fondé par feu M. Lambert. L'Académie a décidé que le revenu annuel de cette fondation serait, dans les limites de la pensée du testateur, convenablement affecté chaque année à tout homme de lettres, ou veuve d'homme de lettres, auxquels il serait juste de donner une marque d'intérêt public.

Prix fondé par feu M. Achille-Edmond Halphen. — L’Académie décernera, pour la deuxième fois, en 1863, le prix triennal de quinze cents francs, fondé par feu M. Achille-Edmond Halphen, et se composant des arrérages de trois années d'une rente de cinq cents francs, pour être attribué à l'auteur de l'ouvrage que, selon les termes de l'acte de fondation, l'Académie jugera à la fois le plus remarquable au point de vue littéraire ou historique, et le plus digne au point de vue moral.

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Faits judiciaires.

Les journaux judiciaires ont enregistré quelques procès littéraires assez curieux. En voici un qui prouve combien le sentiment de la propriété intellectuelle peut être chatouil

leux, puisque l'on est exposé à défendre avec tant de bruit, de frais et de peine la propriété d'un simple titre de sonnet, même quand le sonnet ne vaut pas grand'chose. Nous en empruntons le récit à la Gazette des Tribunaux :

M. Jules Pertus, de Châlon-sur-Saône, a récemment publié sous ce titre : Napoléon-Emmanuel, ou Affranchissement de l'Italie, un poëme en onze chants dans lequel il célèbre les gloires de la campagne d'Italie de 1859.

M. Pélican, dont le pseudonyme littéraire est Eliacim Jourdain, a composé, à propos de la naissance du jeune prince Napoléon-Victor-Jérôme-Frédéric, fils du prince Napoléon et de la princesse Clotilde, un sonnet répandu à un très-grand nombre d'exemplaires et inséré dans le Journal des Baigneurs de Dieppe.

Voici ce sonnet:

NAPOLÉON-EMMANUEL.

Hommage à LL. AA. II. le prince Napoléon et la princesse Clotilde. Sois le bienvenu sur la terre,

Impérial petit enfant,

Joie, orgueil, bonheur de ta mère

Et de ton père triomphant!

Petite créature chère,

Du Seigneur visible présent,
Ton nom est encore un mystère
Pour la muse au suave accent.

Où m'emporte la poésie?
Ton nom est écrit dans le ciel :
Napoléon-Emmanuel!

Napoléon, nom du génie,

Emmanuel, nom de l'honneur;

Ce nom te fait deux fois vainqueur!

Dieppe, le 19 juillet 1862.

ELIACIM JOURDAIN.

Auteur d'Edmée.

Ce sonnet peut être reproduit par les journaux qui ont traité

avec la Société des gens de lettres.

(Extrait du Journal des Baigneurs.)

Ce titre de Napoléon-Emmanuel, inscrit au front du sonnet, a paru à M. Pertus une usurpation du titre de Napoléon-Emmanuel' qu'il avait lui-même donné à son poëme. En conséquence, M. Pertus a fait saisir le sonnet, et il a assigné M. Eliacim Jourdain devant le tribunal de police correctionnelle de Châlon-sur-Saône.

M. Eliacim Jourdain, de son côté, a prétendu que la saisie pratiquée sur son sonnet n'avait eu qu'un but vexatoire; que le procès, mal à propos engagé, lui portait un préjudice moral et matériel; préjudice moral, en ce qu'il lui prêtait le rôle ridicule et odieux d'usurpateur et de plagiaire littéraire; préjudice matériel, en ce que la demande de M. Pertus l'avait forcé à quitter Dieppe, lieu de sa résidence et siége de ses affaires, et qu'il en résultait pour lui des dépenses de voyage et une perte de temps considérable. En conséquence, il a conclu à son renvoi des fins de la demande et en 1000 francs à titre de dommages-intérêts.

Le tribunal, sur les conclusions conformes de M. Sarrazin, juge suppléant, occupant le siége du ministère public, a rendu un jugement dont voici l'extrait :

«Attendu qu'il n'y a pas identité complète entre le titre que Pertus a donné à son ouvrage et qu'il revendique comme sa propriété exclusive, et le titre de l'écrit de Pélican; que la ressemblance qui existe entre ces deux titres ne pourrait, dans aucun cas, établir une confusion entre les œuvres auxquelles ils s'appliquent, puisque ces œuvres appartiennent à des genres essentiellement distincts, l'une étant un poëme en onze chants et l'autre un simple sonnet; qu'enfin rien ne prouve que Pélican ait agi de mauvaise foi et avec l'intention de nuire à Pertus; << Attendu, en conséquence, que l'action de Pertus doit être rejetée;

« Sur la demande reconventionnelle :

« Attendu que Pertus, en faisant saisir un exemplaire du sonnet de Pélican, en actionnant ce dernier sans droit devant le tribunal correctionnel et en l'obligeant ainsi à faire, dans l'intérêt de sa défense, le voyage de Dieppe, lieu de sa rési

1. D'après nos propres informations, la similitude du titre n'était pas même aussi parfaite. C'était Napoleo-Emmanuel que s'appelait le poëme sur l'affranchissement de l'Italie. Et en effet, le premier considérant du jugement qui suit constate que, entre les deux titres, « il n'y a pas identité complète. »

dence, à Châlon-sur-Saône, lui a occasionné un préjudice évident, que Pélican a donc droit à une réparation;

<< Attendu que l'allocation d'une indemnité pécuniaire, pour la fixation de laquelle le tribunal a les éléments nécessaires, est une réparation suffisante sans qu'il soit besoin d'ordonner l'insertion du jugement dans les journaux;

«Par ces motifs,

« Le tribunal déclare Pertus non-recevable et mal fondé dans sa demande; en renvoie Pélican sans peine ni dépens; annule la saisie de l'un des exemplaires de l'écrit de Pélican, pratiquée à Châlon à la requête de Pertus; ordonne la restitution dudit exemplaire entre les mains de Pélican; condamne Pertus à payer à Pélican, à titre de dommages-intérêts, la somme de 250 francs; le condamne en outre aux dépens de l'instance. »

Ce jugement si sage et si justement motivé ne devait pas arrêter là cette bizarre affaire. Le demandeur a interjeté appel devant la Cour impériale de Dijon, où le malheureux auteur du pauvre petit sonnet a dû encore une fois se constituer des défenseurs. L'arrêt de la Cour a confirmé la décision des premiers juges. Si un chroniqueur n'était tenu à plus de politesse qu'un critique, ce serait le cas de dire « Beaucoup de bruit pour rien. >>

Un autre procès détermine sur un point délicat les droits respectifs de l'auteur et de l'éditeur. En voici le récit d'après le Journal des Débats:

Le tribunal de commerce était saisi d'une contestation qui intéresse également les auteurs et les éditeurs, et qui se produisait dans les circonstances suivantes.

M. Ulbach est l'auteur d'un roman intitulé Françoise. Ce roman, édité par M. Charpentier, est la suite d'une série de romans publiés par le même éditeur en vertu d'un traité du 15 mars 1860. Il paraît que des retards avaient été apportés à la publication de Françoise. M. Ulbach s'en plaignit dans la préface de son ouvrage et en attribua la cause à l'éditeur. A son tour, M. Charpentier ne craignit pas d'insérer, à la suite de la préface, une note dans laquelle il critiquait le prix du roman.

M. Ulbach a vu dans ce fait une atteinte à ses droits d'auteur et une dépréciation d'autant plus fâcheuse pour son œuvre qu'elle émanait de l'éditeur lui-même, c'est-à-dire de la personne qui, suivant lui, aurait dû le mieux défendre ses intérêts. Il a donc assigné M. Charpentier à fin de résiliation de son traité et de suppression de la note mise à la suite de la préface. M. Ulbach demandait en outre l'autorisation de racheter les exemplaires vendus, le payement de dommages-intérêts, et l'insertion du jugement dans cinq journaux à son choix.

Le tribunal, après avoir entendu M EMMANUEL ARAGO, avocat de M. Ulbach, et Me WALKER, agréé de M. Charpentier, a fait droit aux principaux chefs de la demande par le jugement suivant (29 novembre) :

«En ce qui touche la résiliation du traité du 15 mars 1860 : « Attendu qu'à l'exception du roman intitulé Françoise, les ouvrages qui font l'objet du traité dont s'agit n'ont donné lieu à aucune discussion entre les parties; que ces ouvrages ne forment point un tout dont la publication soit nécessairement liée, d'où il suit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ce chef de demande;

<< En ce qui touche la suppression de la note de Charpentier : << Attendu que Charpentier est l'éditeur du roman d'Ulbach intitulé Françoise; qu'à la suite de la préface de ce roman, Charpentier a publié une note prétendue rectificative de certaines assertions contenues dans ladite préface; que cette note n'a pas été communiquée à Ulbach;

<< Attendu qu'en acceptant la préface de l'auteur, Charpentier a épuisé tous ses droits d'éditeur; qu'il ne saurait faire à l'œuvre de l'auteur aucune addition; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le but de la note dont il s'agit, non plus que les termes dans lesquels elle est conçue, il y a lieu d'en ordonner la suppression;

«En ce qui touche le rachat des exemplaires vendus et la réclamation de 50 fr. par chaque contravention constatée :

<< Attendu que de ce qui précède il ressort qu'il y a intérêt pour Ulbach que les exemplaires vendus soient retirés de la circulation, que ce retrait satisfera aux conclusions de ce chef de demande, et qu'il y a lieu de l'ordonner;

« En ce qui touche les dommages-intérêts :

<< Attendu que l'insertion de la note de Charpentier dans l'ouvrage d'Ulbach a causé à celui-ci un préjudice dont la réparation lui est due; que le tribunal possède des éléments suf

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