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Le peu de soia que vous avez vous coûte quarante mille écus; « et c'est à payer cette somme, avec les dépens, que vous êtes condamnée par arrêt de la cour. »

Condamnée? Ah! ce mot est choquant, et n'est fait
Que pour les criminels.

ARISTE. Il a tort, en effet ;

Et vous vous êtes là justement récriéc.

Il devoit avoir mis que vous êtes priée,
Par arrêt de la cour, de payer au plus tôt
Quarante miile écus, et les dépens qu'il faut.
PHILAMINTE, Voyons l'autre.

CHRYSALE. « Monsieur, l'amitié qui me lic à monsieur votre frère « me fait prendre intérêt à tout ce qui vous touche. Je sais que vous « avez mis votre bien entre les mains d'Argante et de Damon ; et je « vous donne avis qu'en même jour ils ont fait tous deux banque

" route.

O ciel! tout à la fois perdre ainsi tout son bien!

PHILAMENTE, à Chrysale.

Ah! quel honteux transport! Fi! tout cela n'est rien:
il n'est pour le vrai sage aucun revers funeste ;
Et, perdant toute chose, à soi-même il se reste.
Achevons notre affaire, et quittez votre ennui.
(Montrant Tris otin.)

Son bien nous peut suffire et pour nous et pour lui.
TRISSOTIN. Non, madame: cessez de presser cette affaire.
Je vois qu'à cet hymen tout le monde est contraire:
Et mon dessein n'est point de contraindre les gens.
PHILAMINTE. Cette réflexion vous vient en peu de temps;
Elle suit de bien près, monsieur, notre disgrace.
TRISSOTIN. De tant de résistance à la fin je me lasse.
J'aime mieux renoncer à tout cet embarras,
Et ne veux point d'un cœur qui ne se donne pas.
PHILAMINTE. Je vois, je vois de vous, non pas pour votre gloire,
Ce que jusques ici j'ai refusé de croire.

TRISSOTIN. Vous pouvez voir de moi tout ce que vous voudrez,
Et je regarde peu comment vous le prendrez:
Mais je ne suis pas homme à souffrir l'infamie
Des refus offensants qu'il faut qu'ici j'essuie.
Je vaux bien que de moi l'on fasse plus de cas,
Et je baise les mains à qui ne me veut pas.

SCÈNE V.

ARISTE, CHRYSALDE, PHILAMINTE, BELISE, ARMANDE,
HENRIETTE, CLITANDRE, UN NOTAIRE, MARTINE.

PHILAMINTE. Qu'il a bien découvert son ame mercenaire !
Et que peu philosophe est ce qu'il vient de faire!
CLITANDRE. Je ne me vante point de l'être; mais, enfin,
Je m'attache, madame, à tout votre destin;
Et j'ose vous offrir, avecque ma personne,
Ce qu'on sait que de bien la fortune me donne.
PHILAMINTE. Vous me charmez, monsieur, par ce trait généreux,
Et je veux couronner vos desirs amoureux.
Oui, j'accorde Henriette à l'ardeur empressée...
HENRIETTE. Non, ma mère : je change à présent de pensée.
Souffrez que je résiste à votre volonté.

CLITANDRE. Quoi! vous vous opposez à ma félicité!
Et lorsqu'à mon amour je vois chacun se rendre...
HENRIETTE. Je sais le peu de bien que vous avez, Clitandre;
Et je vous ai toujours souhaité pour époux,
Lorsqu'en satisfaisant à mes vœux les plus doux
J'ai vu que mon hymen ajustoit vos affaires;
Mais lorsque nous avons les destins si contraires,
Je vous chéris assez, dans cette extrémité,
Pour ne vous charger point de notre adversité.
CLITANDRE. Tout destin avec vous me peut être agréable ;
Tout destin me seroit sans vous insupportable.

HENRIETTE. L'amour, dans son transport, parle toujours ainsi.
Des retours importuns évitons le souci.

Rien n'use tant l'ardeur de ce noeud qui nous lie,
Que les fàcheux besoins des choses de la vie;
Et l'on en vient souvent à s'accuser tous deux
De tous les noirs chagrins qui suivent de tels feux.
ARISTE, à Henriette.

N'est-ce que ce motif que nous venons d'entendre
Qui vous fait résister à l'hymen de Clitandre?
HENRIETTE. Sans cela, vous verriez tout mon cœur y courir;
Et je ne fuis sa main que pour le trop chérir.

ARISTE. Laissez-vous donc lier par des chaînes si belles.
Je ne vous ai porté que de fausses nouvelles ;

Et c'est un stratagème, un surprenant secours, Que j'ai voulu tenter pour servir vos amours, Pour détromper ma sœur, et lui faire connoitre Ce que son philosophe à l'essai pouvoit être. CHRYSALE. Le ciel en soit loué!

PHILAMINTE. J'en ai la joie au cœur,

Par le chagrin qu'aura ce lâche déserteur:

Voilà le châtiment de sa basse avarice,

De voir qu'avec éclat cet hymen s'accomplisse.

CHRYSALE, à Clitandre. Je le savois bien, moi, que vous l'épousériez. ARMANDE, à Philaminte. Ainsi donc à leurs vœux vous me sacrifiez? PHILAMINTE. Ce ne sera point vous que je leur sacrifie;

Et vous avez l'appui de la philosophie,

Pour voir d'un oeil content couronner leur ardeur.

RÉLISE. Qu'il prenne garde au moins que je suis dans son cœur :
Par un prompt désespoir souvent on se marie,
Qu'on s'en repent après tout le temps de sa vie.

CHRYSALE, au notaire.

Allons, monsieur, suivez l'ordre que j'ai prescrit,
Et faites le contrat ainsi que je l'ai dit.

FIN DES FEMMES SAVANTES.

LE

MALADE IMAGINAIRE,

COMÉDIE-BALlet en troiS ACTES. — 1673.

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TAPISSIERS, dansants.

LE PRÉSIDENT de la faculté de médecine.
DOCTEURS.
ARGAN, bachelier.

TIRCIS, amant de Climène, chef d'une troupe de APOTHICAIRES, avec leurs mortiers et leurs pibergers.

lons.

DORILAS, amant de Daphné, chef d'une troupe PORTE-SERINGUTS.

de Fergers.

CHIRURGIENS.

La scène est à Paris.

mmmmm

PROLOGUE.

Après les glorieuses fatigues et les exploits victorieux de notre auguste monarque, il est bien juste que tous ceux qui se mêlent d'écrire travaillent ou à ses louanges, ou à son divertissement. C'est ce qu'ici l'on a voulu faire; et ce p clogue est un essai des louanges de ce grand prince, qui donne entrée à la com die du Malade imaginaire, dont le projet a été fait pour le déla ́s ́r de ses nobles travaux.

Le théâtre représente un l ́en champêtre, et néanmoins fort agréable.

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Quittez, quittez vos troupea ix;

Venez, bergers, venez, bergèr‹s ;
Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux :
Je viens vous annoncer des nouvelles bien chères,
Et réjouir tous ces hameaux.
Quittez, quittez vos troupeaux;
Venez, bergers, venez, bergères;
Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux.

SCÈNE II.

FLORE; DEUX ZEPHYRS, dansants; CLIMÈNE, DAPHNÉ, TIRCIS, DORILAS.

CLIMÈNE, à Tircis ; ET DAPHNÉ, à Dorilas.

Berger, laissons là tes feux :

Voilà Flore qui nous appelle.

tircis, à Climène; ET DORILAS, 'à Daphné.
Mais au moins, dis-moi, cruelle,

TIRCIS.

Si d'un peu d'amitié tu paieras mes vœux,

DORILAS.

Si tu seras sensible à mon ardeur fidèle.

CLIMÈNE ET DAPHNÉ.

Voilà Flore qui nous appelle.

TIRCIS ET DORILAS.

Ce n'est qu'un mot, un mot, un seul mot que je veux.

TIRCIS.

Languirai-je toujours dans ma peine mortelle?

DORILAS.

Puis-je espérer qu'un jour tu me rendras heureux ?

CLIMÈNE ET DAPHNÉ.

Voilà Flore qui nous appelle.

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