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Novus doctor, qui tam benè parlat!
Mille, mille annis, et manget et bibat,
Et seignet et tuat!

TROISIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Tous les chirurgiens et les apothicaires dansent au son des instruments et des voix, et des battements de mains, et des mortiers d'apothicaires.

CHIRURGUS.

Puisse-t-il voir doctas
Suas ordonnancias,
Omnium chirurgorum,
Et apothicarum

Remplire boutiquas!

CHORUS.

Vivat, vivat, vivat, vivat, cent fois vivat,
Novus doctor, qui tam benè parlat!
Mille, mille annis, et manget et bibat,
Et seignet et tuat!

CHIRURGUS.

Puissent toti anni

Lui essere boni

Et favorabiles,
Et n'habere jamais

Quàm pestas, verolas,

Fievras, pleuresias,

Fluxus de sang et dyssenterias!

CHORUS.

Vivat, vivat, vivat, vivat, cent fois vivat,

Novus doctor, qui tam benè parlat !
Mille, mille annis, et manget et bibat,
Et seignet et tuat!

QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET.

Les médecins, les chirurgiens et les apothicaires sortent tous, selon leur rang, en cérémonie, comme ils sont entrés.

FIN DU MALADE IMAGINAIRE.

POÉSIES DIVERSES.

SONNET

A M. LA MOTHE-LE-VAYER,

SUR LA MORT DE SON FILS.

1664.

Aux larmes, Le Vayer, laisse tes yeux ouverts:
Ton deuil est raisonnable, encor qu'il soit extrême;
Et, lorsque pour toujours on perd ce que tu perds,
La Sagesse, crois-moi, peut pleurer elle-même.

On se propose à tort cent préceptes divers

Pour vouloir, d'un oeil sec, voir mourir ce qu'on aime.
L'effort en est barbare aux yeux de l'univers,
Et c'est brutalité plus que vertu suprême.

On sait bien que les pleurs ne ramèneront pas
Ce cher fils que t'enlève un imprévu trépas;
Mais la perte, par là, n'en est pas moins cruelle.

Ses vertus de chacun le faisoient révérer;

Il avoit le cœur grand, l'esprit beau, l'ame belle ; .
Et ce sont des sujets à toujours le pleurer.

LETTRE D'ENVOI

DU SONNET PRÉCÉDENT.

« Vous voyez bien, monsieur, que je m'écarte fort du chemin qu'on « suit d'ordinaire en pa eille rencontre, et que le sonnet que je vous << envoie n'est rien moins qu'une consolation. Mis j'ai cru qu'il falloit en user de la sorte avec vous, et que c'est consoler un philosophe que de lui justifier ses larmes, et de mettre sa douleur en liberté. Si je n'ai

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« pas trouvé d'assez fortes raisons pour affranchir votre tendresse des sévères leçons de la philosophie, et pour vous obliger à pleurer sans contrainte, il en faut accuser le peu d'éloquence d'un homme qui ne sauroit persuader ce qu'il sait si bien faire.

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« MOLIÈRE. 1)

LA GLOIRE'

DU DOME

DU VAL-DE-GRACE..

1669.

Digne fruit de vingt ans de travaux somptueux,
Auguste bâtiment, temple majestueux,
Dont le dome superbe, élevé dans la nue,
Pare du grand Paris la magnifique vue,
Et, parmi tant d'objets semés de toutes parts,
Du voyageur surpris prend les premiers regards,
Fais briller à jamais dans ta noble richesse,

La splendeur du saint vœu d'une grande princesse 2,
Et porte un témoignage à la postérité

De sa magnificence et de sa piété;

Conserve à nos neveux une montre fidèle

Des exquises beautés que tu tiens de son zèle :
Mais défends bien surtout de l'injure des ans
Le chef-d'œuvre fameux de ses riches présents,
Cet éclatant morceau de savante peinture,
Dont elle a couronné ta noble architecture:
C'est le plus bel effet des grands soins qu'elle a pris,
Et ton marbre et ton or ne sont point de ce prix.
Toi qui dans cette coupe, à ton vaste génie
Comme un ample théâtre heureusement fournie,
Es venu déployer les précieux trésors

Ce mot de gloire, qui est le titre du pɔë ne de Molière, signifie en terme de peinture. la représentation du ciel ouvert, avec les personnes diviues, les anges, et les bienheureux. Tel est, en effet, le sujet qu'a traité Mignard dans le chef-d'œuvre que Molière va célébrer. (A.)

Le Val-de-Grace fut fondé par la reine-mère, en accomplissement du vœu qu'elle avoit fait de bâtir une magifique église, si Diea mettoit un terme à la longue stérilité dont elle étoit affligée, et que fit cesser, après vingt-deux ans, la naissance de Louis XIV. (A.)

Que le Tibre t'a vu ramasser sur ses bords,
Dis-nous, fameux Mignard, par qui te sont versées
Les charmantes beautés de tes nobles pensées,
Et dans quel fonds tu prends cette variété
Dont l'esprit est surpris, et l'oeil est enchanté.
Dis-nous quel feu divin, dans tes fécondes veilles,
De tes expressions enfante les merveilles;

Quels charmes ton pinceau répand dans tous ses traits,
Quelle force il y mêle à ses plus doux attraits,

Et quel est ce pouvoir, qu'au bout des doigts tu portes,
Qui sait faire à nos yeux vivre des choses mortes,
Et d'un peu de mélange et de bruns et de clairs,
Rendre esprit la couleur, et les pierres des chairs.

Tu te tais, et prétends que ce sont des matières
Dont tu dois nous cacher les savantes lumières,
Et que ces beaux secrets, à tes travaux vendus,
Te coûtent un peu trop pour être répandus;
Mais ton pinceau s'explique, et trahit ton silence.
Malgré toi, de ton art il nous fait confidence;
Et, dans ses beaux efforts à nos yeux étalés,
Des mystères profonds nous en sont révélés.
Une pleine lumière ici nous est offerte;
Et ce dôme pompeux est une école ouverte,
Où l'ouvrage, faisant office de la voix,
Dicte de son grand art les souveraines lois.
Il nous dit fortement les trois nobles parties
Qui rendent d'un tableau les beautés assorties,
Et dont, en s'unissant, les talents relevés
Donnent à l'univers les peintres achevés.

2 celle

Mais des trois, comme reine, il nous expose
Que ne peut nous donner le travail, ni le zèle;
Et qui, comme un présent de la faveur des cieux,
Est du nom de divine appelée en tous lieux;
Elle, dont l'essor monte au-dessus du tonnerre,
Et sans que l'on demeure à ramper contre terre.
Qui ment tout, règle tout, en ordonne à son choix,
Et des deux autres mène et régit les emplois.
Il nous enseigne à prendre une digne matière,

L'invention, le dessin, le coloris. (Note de Molière.)

2 L'invention, première partie de la peinture. (Note de Molière.)

Qui donne au feu du peintre une vaste carrière,
Et puisse recevoir tous les grands ornements
Qu'enfante un beau génie en ses accouchements,
Et dont la poésie et sa sœur la peinture,
Parant l'instruction de leur docte imposture,
Composent avec art ses attraits, ses douceurs,
Qui font à leurs leçons un passage en nos cœurs;
Et par qui de tous temps ces deux sœurs si pareilles
Charment, l'une les yeux et l'autre les oreilles.
Mais il nous dit de fuir un discord apparent

Du lieu que l'on nous donne et du sujet qu'on prend;
Et de ne point placer dans un tombeau des fêtes,
Le ciel contre nos pieds, et l'enfer sur nos têtes.
Il nous apprend à faire, avec détachement,
De groupes contrastés un noble agencement,
Qui du champ du tableau fasse un juste partage,
En conservant les bords, un peu légers d'ouvrage,
N'ayant nul embarras, nul fracas vicieux

Qui rompe ce repos, si fort ami des yeux;

Mais où, sans se presser, le groupe se rassemble,

Et forme un doux concert, fasse un beau tout ensemble,
Où rien ne soit à l'œil mendié, ni redit,

Tout s'y voyant tiré d'un vaste fonds d'esprit,
Assaisonné du sel de nos graces antiques,
Et non du fade goût des ornements gothiques,
Ces monstres odieux des siècles ignorants,
Que de la barbarie ont produit les torrents,
Quand leur cours, inondant presque toute la terre,
Fit à la politesse une mortelle guerre,

Et, dans la grande Rome abattant les remparts,
Vint, avec son empire, étouffer les beaux-arts.
Il nous montre à poser avec noblesse et grace
La première figure à la plus belle place,
Riche d'un agrément, d'un brillant de grandeur
Qui s'empare d'abord des yeux du spectateur;
Prenant un soin exact que, dans tout son ouvrage,
Elle joue aux regards le plus beau personnage;
Et que, par aucun rôle au spectacle placé,
Le héros du tableau ne se voie effacé.
Il nous enseigne à fuir les ornements débiles

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