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Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude,
Un prince dont les yeux se font jour dans les cœurs,
Et que ne peut tromper tout l'art des imposteurs.
D'un fin discernement sa grande ame pourvue
Sur les choses toujours jette une droite vue;
Chez elle jamais rien ne surprend trop d'accès,
Et sa ferme raison ne tombe en nul excès.
Il donne aux gens de bien une gloire immortelle;
Mais sans aveuglement il fait briller ce zèle,
Et l'amour pour les vrais ne ferme point son cœur
A tout ce que les faux doivent donner d'horreur.
Celui-ci n'étoit pas pour le pouvoir surprendre,
Et de piéges plus fins on le voit se défendre.
D'abord il a percé, par ses vives clartés,
Des replis de son cœur toutes les lâchetés.
Venant vous accuser, il s'est trahi lui-même,
Et, par un juste trait de l'équité suprème,
S'est découvert au prince un fourbe renommé,
Dont sous un autre nom il étoit informé ;

Et c'est un long détail d'actions toutes noires
Dont on pourroit former des volumes d'histoires.
Ce monarque, en un mot, a vers vous détesté
Sa lâche ingratitude et sa déloyauté;
A ses autres horreurs il a joint cette suite,
Et ne m'a jusqu'ici soumis à sa conduite
Que pour voir l'impudence aller jusques au bout,
Et vous faire, par lui, faire raison de tout.
Oui, de tous vos papiers, dont il se dit le maître,
Il veut qu'entre vos mains je dépouille le traître.
D'un souverain pouvoir, il brise les liens
Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens,
Et vous pardonne enfin cette offense secrète
Où vous a d'un ami fait tomber la retraite;

Et c'est le prix qu'il donne au zèle qu'autrefois
On vous vit témoigner en appuyant ses droits.

Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense,
D'une bonne action verser la récompense;

Que jamais le mérite avec lui ne perd rien;

Et que, mieux que du mal, il se souvient du bien. DORINE. Que le ciel soit loué!

MADAME PERNELLE. Maintenant je respire.

ELMIRE. Favorable succès!

MARIANE. Qui l'auroit osé dire?

ORGON, à Tartuffe que l'exempt emmène.

Hé bien te voilà, traître...

SCÈNE VIII.

MADAME PERNELLE, ORGON, ELMIRE, MARIANE, CLÉANTE, VALÈRE, DAMIS, DORINE.

CLEANTE. Ah! mon frère, arrêtez,

Et ne descendez point à des indignités.
A son mauvais destin laissez un misérable,
Et ne vous joignez point au remords qui l'accable.
Souhaitez bien plutôt que son cœur, en ce jour,
Au sein de la vertu fasse un heureux retour;
Qu'il corrige sa vie en détestant son vice,
Et puisse du grand prince adoucir la justice ;
Tandis qu'à sa bonté vous irez, à genoux,
Rendre ce que demande un traitement si doux.
ORGON. Oui, c'est bien dit. Allons à ses pieds avec joie
Nous louer des bontés que son cœur nous déploie :
Puis, acquittés un peu de ce premier devoir,
Aux justes soins d'un autre il nous faudra pourvoir,
Et par un doux hymen couronner en Valère
La flamme d'un amant généreux et sincère.

FIN DE TARTUFFE.

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N'en déplaise à nos beaux-esprits, je ne vois rien de plus ennuyeux que les épitres dédicatoires; et VOTRE Altesse SÉRÉNISSIME trouvera bon, s'il lui plaît, que je ne suive point ici le style de ces messieurs-là, et refuse de me servir de deux ou trois misérables pensées qui ont été tournées et • retournées tant de fois qu'elles sont usées de tous les côtés. Le nom du GRAND CONDÉ est un nom trop glorieux pour le traiter comme on fait tous les autres noms. Il ne faut l'appliquer, ce nom illustre, qu'à des emplois qui soient dignes de lui; et, pour dire de belles choses, je voudrois parler de le mettre à la tête d'une armée plutôt qu'à la tête d'un livre; et. je conçois bien mieux ce qu'il est capable de faire en l'opposant aux forces des ennemis de cet état, qu'en l'opposant à la critique des ennemis d'une comédie.

Ce n'est pas, MONSEIGNEUR, que la glorieuse approbation de VOTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME ne fût une puissante protection pour toutes ces sortes d'ouvrages, et qu'on ne soit persuadé des lumières de votre esprit autant que de l'intrépidité de votre cœur et de la grandeur de votre ame. On sait, par toute la terre, que l'éclat de votre mérite n'est point renfermé dans les bornes de cette valeur indomptable qui se fait des adorateurs chez ceux même qu'elle surmonte; qu'il s'étend, ce mérite, jusques aux connoissances les plus fines et les plus relevées, et que les décisions de votre jugement sur tous les ouvrages d'esprit ne manquent point d'être suivies par le sentiment des plus délicats. Mais on sait aussi, MONSEIGNEUR, que toutes ces glorieuses approbations dont nous nous vantons au public ne nous coûtent rien à faire imprimer, et que ce sont des choses dont nous disposons comme nous voulons. On sait, dis-je, qu'une épître dédicatoire dit tout ce qu'il lui plait, et qu'un auteur est en pouvoir d'aller saisir les personnes les plus augustes, et de parer de leurs grands noms les premiers feuillets de son livre; qu'il a la liberté de s'y donner, autant

qu'il veut, l'honneur de leur estime, et se faire des protecteurs qui n'ont jamais songé à l'être.

Je n'abuserai, MONSEIGNEUR, ni de votre nom, ni de vos bontés, pour combattre les censeurs de l'Amphitryon, et m'attribuer une gloire que je n'ai pas peut-être méritée; et je ne prends la liberté de vous offrir ma comédie que pour avoir lieu de vous dire que je regarde incessainment, avec une profonde vénération, les grandes qualités que vous joignez au sang auguste dont vous tenez le jour, et que je suis, MONSEIGNEUR, avec tout le respect possible, et tout le zèle imaginable,

DE VOTRE ALTESSE SÉRÉNISSIME,

Le très humble, très obéissant,

et très obligé serviteur,
J.-B. P. MOLIÈBE.

AU ROI,

SUR LA CONQUETE DE LA FRANCHE-COMTE.

Ce sont faits inouis, GRAND Roi, que tes victoires!
L'avenir aura peine à les bien concevoir :

Et de nos vieux héros les pompenses histoires
Ne nous ont point chanté ce que tu nous fais voir.
Quoi! presque au même instant qu'on te l'a vu résoudre,
Voir toute une province unie à tes états!

Les rapides torrents, et les vents, et la foudre,
Vont ils, dans leurs effets, plus vite que ton bras?
N'attends pas, au retour d'un si fameux ouvrage,
Des soins de notre muse un éclatant hommage.
Cet exploit en demande, il le faut avouer;

Mais nos chansons, Grand Roi, ne sont pas si tôt prêtes;
Et tu mets moins de temps à faire tes conquêtes
Qu'il n'en faut pour les bien louer.

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La scène est à Thèbes' devant la maison d'Amphitryon.

• Ville de Béotie, bâtie par Cadmus. Amphitryon, chassé d'Argos par son oncle Sthénélus, s'étoit réfugié a Thêbes. (L. B.)

PROLOGUE.

MERCURE, sur un nuage; LA NUIT, dans un char traîné dans l'air par deux chevaux.

MERCURE.

Tout beau! charmante Nuit, daignez vous arrêter.

Il est certain secours que de vous on desire;
Et j'ai deux mots à vous dire
De la part de Jupiter.

LA NUIT.

Ah! ah! c'est vous, seigneur Mercure !
Qui vous eût deviné là, dans cette posture?

MERCURE.

Ma foi, me trouvant las, pour ne pouvoir fournir
Aux différents emplois où Jupiter m'engage,
Je me suis doucement assis sur ce nuage,

Pour vous attendre venir.

LA NUIT.

Vous vous moquez, Mercure, et vous n'y songez pas :
Sied-il bien à des dieux de dire qu'ils sont las?

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A votre aise vous en parlez;

Et vous avez, la belle, une chaise roulante

Où, par deux bons chevaux, en dame nonchalante,
Vous vous faites traîner partout où vous voulez.
Mais de moi ce n'est pas de même :

Et je ne puis vouloir, dans mon destin fatal,
Aux poètes assez de mal

De leur impertinence extrême,
D'avoir, par une injuste loi
Dont on veut maintenir l'usage,
A chaque dien, dans son emploi.
Donné quelque allure en partage,

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