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1230-57.

J'ai déja plusieurs fois observé que les pontifes romains, sans autorité dans Rome pour les affaires ordinaires du gouvernement, se trouvaient tout d'un coup investis d'un pouvoir d'opinion, supérieur au pouvoir réel de toutes les petites républiques d'Italie, lorsqu'il s'agissait de s'opposer à l'agrandissement du pouvoir impérial dans la péninsule. Les papes qui poursuivaient les empereurs d'une manière qui nous paraît aujourd'hui aussi inconséquente que barbare, étaient, dans ces circonstances, regardés par la plus grande partie des Italiens, comme les protecteurs de la nation. Le voeu public les favorisait. Les républicains se rassemblaient en foule sous leurs drapeaux, regardés comme le signal de la liberté ; leur faiblesse même faisait alors leur force. Les ombrageux Italiens voyaient, sans jalousie, le noyau du gouvernement entre les mains d'un homme dont la place était regardée comme sacrée, mais qui, n'ayant d'autre pouvoir militaire que celui qu'on lui prêtait, se trouvait facilement arrêté toutes les Lois qu'il tentait d'abuser du pouvoir qu'on luż avait confié.

Pour vaincre cet obstacle, il eût fallu à Fré déric de grands trésors et une armée disciplinée sans cesse sous le drapeau; c'est ce qu'il

n'eut jamais. Otton iv, bien moins puissant que lui, avait marché contre le roi de France avec 1230-37. une armée de plus de cent mille combattans, mais il ne la soudoyait pas. C'était un effort de vassaux et d'alliés réunis pour quelques jours, selon la manière dont on faisait la guerre dans ce temps-là.

CHAPITRE V I.

Henri, Roi d'Italie, est déposé. Election de Conrad. Les Guelphes de Lombardie sont défaits par les Impériaux.

IL restait à Frédéric la ressource d'appeler en Italie ses grands vassaux d'Allemagne et des Deux - Bourgognes. L'espoir du pillage les y avait conduits plusieurs fois. Grégoire prévint ce coup, en soulevant Henri, roi des Romains, contre son père, ainsi que Grégoire VII, Urbain II, et Pascal II avaient armé les enfans de Henri IV.

Aux premiers avis de ce soulèvement, Frédéric accourt du fond de l'Apulie, s'embarque à Rimini, traverse le golfe de Venise, prend terre au port d'Aquilée, et se montre tout-à

coup au coeur de l'Allemagne. Les princes, les 1230-37. évêques, les peuples, également déconcertés

par

cette promptitude, lui rendent par tout les hommages qui lui sont dus. Henri, abandonné de tous, se jette en vain aux genoux de son père. Ce prince qui avait devant les yeux le sort de Louis le Débonnaire, fait déposer son fils dans la diète de Mayence, en 1235. Il fut enfermé d'abord dans la forteresse de Saint-Félix, et mourut en 1242, dans le château de Materano. L'empereur, après avoir pacifié l'Allemagne, fit élire roi des Romains son fils Conrad, en 1237, dans la diète de Spire. Tous ses soins se tournaient alors vers l'Italie, où les villes confédérées de la Lombardie refusaient de le reconnaître pour roi.

Le rendez-vous de l'armée impériale était à Vérone; Frédéric y arriva au mois d'août 1237, avec les troupes allemandes. Bientôt les milices des princes et des villes qui embrassaient son parti, se joignirent à son armée. Le comte de Savoie, dont les états avaient été sur le point d'être envahis par les villes confédérées, avait conduit à Vérone toutes les forces dont il pouvait disposer. Le célèbre tyran Ozzelin, dont j'ai déja parlé, et qui dominait dans Vérone, dans Vicence, dans Padoue et dans quelques

autres villes assez considérables, fournissait aux impériaux un corps considérable d'aventuriers 1230-37. qui pouvait rendre les plus grands services. On passe le Mincio après avoir soumis tout le Frioul. La ville de Mantoue reconnaît la suzeraineté de l'empereur, qui lui accorde les priviléges dont jouissaient en Allemagne les villes impériales. Les troupes de Modène, de Reggio, de Crémone, et dix mille archers musulmans, se réunissent aux Impériaux dans le camp de Goïto. On passe l'Oglio vers Pontevico, et le 23 novembre on rencontre, dans la plaine de Corte-Nuovo, l'armée des confédérés lombards; elle fut entièrement défaite.

Les habitans de Milan, après les plus grands efforts de courage, perdirent leur carrocio: c'est le nom que donnaient les Italiens au principal étendard des armées. Le carrocio de Frédéric était une tour portée sur un éléphant, défendue par douze guerriers et surmontée par un grand bâton doré, orné de l'aigle impériale. Le carrocio des Milanais consistait aussi dans une tour traînée par des boeufs, et ornée d'une grande bannière et des banderolles de toutes les villes confédérées. L'empereur fit conduire le carrocio de Milan à Rome, comme un monument de sa victoire. Presque toutes les villes de

la Lombardie se hâtaient de reconnaître F1230-37.déric en qualité de roi d'Italie. La ligue des Lombards n'était plus composée que des villes de Milan, de Brescia, de Plaisance et de Bologne leurs habitans se voyant exposés à toute la colère de l'empereur, offraient de lui prêter serment et fidélité, de lui payer un tribut annuel. L'empereur exigeait que ces villes, se rendant à lui sans condition, eussent recours à sa clémence. Mathieu Paris assure que cette inflexibilité fut cause que plusieurs des villes qui s'étaient soumises, prenaient secrétement des mesures pour se soulever de nouveau. Cette résolution avait un autre principe.

CHAPITRE

VII.

Grégoire 1x excommunie Frédéric.

GREGOIRE

DIRE IX voyait Fréderic 11 marcher à 1238-41. grands pas vers l'exécution de son projet d'établir en Italie un royaume puissant, dont Rome eût été la capitale : dès lors s'évanouissaient les flatteuses espérances qu'avaient les pontifes romains de dominer un jour, sans partage, dans leur ville épiscopale, Il n'existait plus de digue

en

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