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vous coûte-t-il d'abjurer des erreurs qui, selon 1415-19. vous, yous sont faussement attribuées ? Je suis prêt d'abjurer moi-même toutes sortes d'hérésies s'ensuit-il que je les aye enseignées»> ?

Jean Hus refusa de se rétracter d'une erreur imaginaire, dont peut-être on ne lui demandait l'aveu, que pour avoir occasion de le condamner avec une apparence de justice. Une inflexibilité philosophique conduisit sur le bûcher cet homme d'une vie pure et d'un courage admirable. Mais l'action de courir à la mort dans cette occurrence était héroïque, au lieu que celle de l'y condamner portait un caractère d'atrocité inconcevable. L'empereur, contre la foi du sauf-conduit donné par lui-même, enjoignit à l'électeur palatin de conduire Jean Hus au supplice, tandis que les lois de l'honneur lui commandaient de le défendre aux dépens de sa propre existence. Celui qui devait enflammer le bûcher, se cachait en remplissant son barbare ministère : « Allume devant moi lui dit Jean Hus d'une voix forte, si j'avais craint les flammes, serai - je venu ici » ? Jean Hus fut brûlé, le 6 juillet 1415, en présence de l'électeur. Il loua Dieu jusqu'à ce que la flamme étouffat sa vie.

On était venu à bout d'engager Jérôme de

Prague d'abjurer les erreurs attribuées aux hussites; mais le bruit de la mort de son ami 1415-19.

ayant retenti jusque dans son cachot, il demande au concile une audience publique, déclare qu'il rejette la rétractation qu'on lui avait arrachée, et que son intention est d'adhérer à Jean Hus jusqu'au terme de`sa vie. Il périt par le même genre de supplice, le premier juin 1414. Le florentin Poggio, secrétaire de Jean xxiii, et un des premiers restaurateurs des lettres, rapporte qu'il n'avait jamais rien entendu qui approchât autant de l'éloquence des Grecs et des Romains, que les discours de Jérôme de Prague à ses juges. Il.parla comme Socrate, ajoute ce savant, et marcha au bûcher avec autant d'intrépidité que Socrate avait bu la ciguë.

Pendant que Jean Hus défendait ses opinions à Constance, quelques-uns de ses disciples, frappés de ces paroles de l'Evangile : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous, enseignaient que la communion sous les deux espèces était nécessaire au salut. Le clergé de Bohême s'opposait à cette innovation contraire à la pratique en usage dans l'église latine; mais on assure que Jean

Hus, du fond de sa prison, approuvait ce 1415-19. changement dans l'usage ecclésiastique. Il écrivit à ce sujet à ses disciples; sa lettre leur parvint avec la nouvelle de son affreux supplice. Les Bohémiens regardèrent leur nation comme outragée, un mouvement d'enthousiasme les rendit presque tous hussites.

Wenceslas mourut sur ces entrefaites en 1419, sans laisser de postérité; la naissance appelait Sigismond, son frère, à la succession; il éprouva que, tout roi de Germanie et de Hongrie qu'il était, le bûcher de deux hommes de bien lui fermait le chemin de la Bohême.

Les Bohémiens ressemblaient à des bêtes féroces que la cruauté du concile et la mauvaise foi de Sigismond avait irritées. Les vengeurs de Jean Hus se montraient sous les armes au nombre de quarante mille, conduits par le fanatisme. Ils choisirent pour leur chef, Jean Zisca, chambellan de Wenceslas. Cet homme, qui possédait les qualités d'un grand capitaine, rendit en peu de temps les hussites redoutables, en les formant à la discipline militaire. Envain Sigismond assiégea Prague avec une armée de plus de cent mille hommes, il fut obligé de fuir honteusement.

Les Bohémiens, pour se procurer les finances

qu'ils devaient employer à soutenir la guerre, s'emparèrent de tous les biens d'église ; et s'a- 14:5-19. percevant bientôt que les nobles étaient affectionnés au monarque allemand, il les enveloppent dans la même proscription avec les prêtres. Les uns et les autres, égorgés par milliers, payaient de leur sang la barbarie de ceux qui jetèrent Jean Hus et Jérôme de Prague au milieu des flammes. Le meurtre se vengeait par le meurtre, la Bohême entière était dévastée.

Jean Zisca ayant perdu dans une bataille le seul œil qui lui restait, marchait encore à la tête des Bohémiens, conseillait les généraux, assistait aux victoires. Il ordonna qu'après sa mort on fît un tambour de sa peau. On lui obéit. Les restes d'un guerrier si redoutable furent long-temps funestes à Sigismond.

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LE
E concile de Constance s'était séparé en
1418. Le pape Martin v, heureux vainqueur
de ses rivaux, se hâtait de jouir de son triom-
phe, de montrer aux Romains un pontife re-
connu de toute l'Europe, et dont la cour, pom-
pant l'or des nations, pouvait verser la pros-
périté et le bonheur dans cette capitale, par
tous les canaux de l'abondance. Martin v, issu
d'une famille investie d'un grand crédit à
Rome, dans la Romagne et dans la Marche-
d'Ancône, se trouvait encore dans les circons-
tances les plus favorables pour établir enfin sur
des bases solides l'autorité temporelle des papes
en Italie.

Tous les états de la péninsule, fatigués des longues hostilités dont ils avaient été si longtemps les tristes victimes, cherchaient les moyens d'affermir leur gouvernement intérieur.

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