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Vittoria, suivi d'une foule de barons et de courtisans, et s'éloigne de quelques milles en rer 1245-50. montant la Parma. Une partie de la garnison était sortie pour être témoin de la chasse. Un transfuge prévient les habitans de Parme de cette négligence, ils ne perdent pas un instant, les impériaux sont chargés avec tant de furie, que la citadelle de Vittoria est emportée. Thadée de Suessa, qui avait défendu Frédéric au concile de Lyon, périt dans cette rencontre; on trouva, dans la maison habitée par l'empereur, des richesses immenses en argent et en or, que ce prince avait rassemblées pour son usage et celui de l'armée.

Frédéric, instruit de ce qui se passait, accourait en vain pour rétablir les affaires; c'était trop tard, une terreur panique avait saisi son armée. Elle s'était retirée en désordre à la droite du Taro. On passa le Pô vers l'embouchure de cette rivière, et on se retira dans Crémone. La ville de Vittoria fut livrée aux flammes et entièrement détruite. Cet échec, moins considérable en lui-même que par les avantages moraux qu'en tiraient les ennemis de l'empereur, affaiblissait si fort le parti de ce prince en Lombardie, que, malgré les efforts du comte de Savoie, qui lui restait constamment atta

ché, ne forma plus d'entreprises remarquables. 1245-50. Le cardinal Octavien de Gli Ubaldini, légat apostolique en Italie, auquel le pape faisait passer des sommes prodigieuses, tirées des principales églises d'Occident, soulevait à son gré les villes de la Romagne, de la Toscane, de la Marche-d'Ancône. Frédéric se vit contraint de se retirer dans son royaume des Deux-Siciles. Enzio, resté en Lombardie, fut fait prisonnier par les habitans de Bologne. En vain son père fit les propositions les plus avantageuses pour lui procurer sa liberté. Les Bolonais refusèrent de traiter de sa rançon. La douleur de ne pouvoir briser les fers de ce prince, put abréger les jours de l'empereur. Il mourut de dyssenterie dans le château de Fiorensuola, au mois de décembre 1250, à l'âge de cinquante-sept ans. On publia que Manfredo son fils, qui fut dans la suite roi de Sicile, l'avait fait étouffer dans sa dernière maladie, comme Caligula, dit-on, avait fait étouffer Tibère. Vaines allégations dont s'alimente la malignité humaine, et qui sont indignes de l'histoire! On avait dit aussi que, quelques années auparavant, il avait découvert que son médecin, séduit par Innocent IV, voulait l'empoisonner, et que, saisi, d'horreur, il crut

devoir confier aux musulmans de Nocera la garde de sa personne. Cette imputation, ré- 1245-50. pétée par plusieurs historiens, est un de ces jugemens téméraires que la mort des grands princes occasionne quand ils ont eu en même temps beaucoup d'amis et beaucoup d'ennemis.

Frédéric II, après avoir porté près d'un demisiècle les couronnes d'Italie, d'Allemagne, de Sicile et de Bourgogne, se trouvait presque sans ressources au moment de sa mort prématurée, laissant à l'avenir le soin de sa réputation.

Les historiens de la faction guelphe traitent ce prince de barbare, d'impie, d'athée; le Dante le place en enfer, au milieu des hérétiques et des mécréans. Les gibelins, au contraire, en font un éloge quelquefois exagéré. Activité, politique, bravoure, finesse, application sévère et constante au maintien du bon ordre, telles sont les qualités qu'ils lui diguent, et qui doivent selon eux placer Frédéric parmi les plus grands hommes. Il est certain qu'au milieu des troubles qui agitèrent son règne, ses royaumes de Naples et de Sicile devinrent plus florissans par ses soins; il embellit quelques villes; les lettres trouvèrent en lui un protecteur éclairé ; la langue italienne com

pro

mençait à se former alors; c'était un composé 1245-50. de la langue latine et de la langue romance. Nous avons de ce prince quelques morceaux de poésie.

De tous les empereurs romains depuis Charlemagne, rédéric II fut celui qui fit de plus grands efforts pour rétablir en Italie le centre de l'empire. Les moyens lui manquèrent pour réussir dans ce magnifique projet. Les papes l'accusaient d'incrédulité; elle consistait à ne pas admettre, comme conformes aux lois impériales, les tentatives des papes pour s'emparer dans Rome, d'une autorité qui semblait dévolue aux successeurs des Césars. Les papes voulaient dominer en Italie. Les grandes villes de cette contrée craignaient que les empereurs n'empiétassent sur leur liberté; tels étaient les intérêts contradictoires qu'il lui fallait manier avec beaucoup de souplesse.

On dit que Frédéric ne sut pas s'accommoder aux circonstances dans lesquelles il se trouvait. Il faut convenir, au contraire, que les circonstances épineuses ne lui permirent pas d'acquérir la gloire que ses talens et sa fortune lui promettaient. Il est fort aisé de censurer son gouvernement et de calculer ses fautes, mais comment eût il pu faire mieux ? question em

barrassante et peut-être insoluble, tant les affaires d'Italie, d'Allemagne, de Grèce et d'Asie mineure, qu'il mania successivement, étaient embrouillées; tant le choc interminable des opinions, les intérêts et les prétentions du clergé rendaient sa position délicate.

Si les deux grandes factions des guelphes et des gibelins qui divisaient l'Italie, avaient été cantonnées dans des provinces différentes, le rôle de Frédéric, chef d'un de ces partis, aurait été moins difficile à jouer. Mais les deux factions se trouvaient en même temps dans toutes les villes, et leurs diverses combinaisons formaient les variations étonnantes qui signalèrent les guerres d'Italie pendant le treizième siècle. En général, les nobles, chassés de leurs fiefs par les populaires, et forcés de se réduire dans les villes, au rang de simples citoyens, étaient publiquement, ou en secret, du parti des empereurs qui pouvaient les rétablir dans leur ancienne fortune. Cette règle souffrait quelques exceptions, mais elle n'en était pas moins générale. Il en résultait que les villes éprouvaient souvent toutes les horreurs des guerres intestines. Une ville devenait guelphe ou gibeline, suivant que la majorité des habitans tenait pour le pape ou pour l'empereur: alors le parti

1245-50.

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