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poléon, ce prince partit le même jour, 13 mars, de Lyon, qui l'avait accueilli avec le souvenir de la protection spéciale que, dans tous les temps, il avait accordée au commerce et aux manufactures de cette noble et généreuse cité.... Ce jour-là, le succès du voyage jusqu'à Paris fut décidé.

Au milieu de ces agitations politiques, on était singulièrement occupé à Vienne du parti que pouvait prendre le prince Eugène, et l'on était curieux d'observer la conduite de l'empereur Alexandre à son égard. On s'aperçut bien vite d'un changement progressif dans ses rapports. A l'intimité la plus marquée succédèrent des manières circonspectes et moins affectueuses: ce n'était plus le même rôle. Cette intimité, que le czar seul avait recherchée et fait naître, cessa bientôt, et une surveillance active, quoique invisible, enveloppa dès lors le noble capitaine. J'ai quelques raisons de penser qu'il fut obligé de donner sa parole d'honneur de ne pas tenter d'aller rejoindre son bienfaiteur, et que, dans le cas d'un refus de sa part, il aurait été constitué prisonnier de cette même coalition, qui jusque-là l'avait comblé de caresses. Ces témoignages précédens et publics

Un messager envoyé à Vienne par un des ministres de Napoléon pendant les cent jours, était aussi porteur d'une lettre de la duchesse

d'une tendre amitié, parurent alors à bien des gens n'avoir été que le résultat d'un calcul de prévoyance, par lequel on voulait engager les affections du jeune prince, endormir sa prudence, et faire tourner au profit de la conspiration couronnée ses talens et son influence sur le roi de Bavière, qui aimait son gendre au point de ne faire aucune différence entre lui et ses propres enfans. Mais Eugène resta étranger à tout ce qui se passait autour de lui. Si toutefois il avait pu avoir le pressentiment de ce qui devait arriver en France, peut-être se serait-il dérobé à temps à toutes ces démonstrations mensongères qui, en flattant son amour-propre, lui enlevaient peu à peu son indépendance sans qu'il s'en doutât lui-même. Il avait, pour son compte, des réclamations importantes à établir auprès du congrès, relativement à des propriétés considérables qu'il avait acquises dans l'Italie, soit avec ses propres économies, soit avec les dons de Napoléon, propriétés que

de Saint-Leu à son frère. Le prince Eugène ne put douter que le contenu de cette lettre et de sa réponse ne fût connu du czar et des ministres de l'Autriche. Il se crut obligé de prévenir, de s'expliquer franchement, et de dire à l'un des ministres dont je viens de parler, que désormais étranger à la France par sa position, par sa propre famille et par d'autres considérations qui lui étaient personnelles, on pouvait être assuré qu'il resterait en Allemagne.

On attribuait la froideur d'Alexandre à la connaissance qu'on lui avait donnée de cette correspondance, qui pourtant du côté d'Eugène ne pouvait en rien le compromettre.

l'Autriche, selon son usage, et préalablement à toutes vérifications de titres, avait séquestrées et réunies aux territoires dont elle s'était déjà nantie. Les masques tombèrent lorsque l'on n'eut plus rien à redouter du parti que pouvait prendre le prince Eugène. Ses réclamations furent éludées, et le nom du roi de Bavière, quoique à regret, figura parmi les signataires de cette fougueuse déclaration. Mais cette signature fut moins remarquée que celle de l'Autriche, qui mettait hors de la loi des nations un gendre qui, trois fois, lui avait rendu sa couronne, et dont elle retenait l'épouse et le fils. Ce n'est point à l'empereur François, naturellement doux et modéré, qu'il faut attribuer ce grand sacrifice de ses goûts et de ses principes. Les conseils de ce prince débonnaire se sont chargés d'une grande responsabilité. Quels que importans que soient les avantages recueillis par l'Autriche de l'immense naufrage qu'elle seule avait suscité et qu'elle seule pouvait empêcher, ses ministres resteront éternellement comptables aux yeux de la morale, qui ne légitime jamais de semblables infractions au droit des gens, et à ceux non moins sacrés de la nature: on peut en étouffer la voix, mais elle résonne tout bas, et, tôt ou tard, plus haut que la politique.

CHAPITRE XI.

Visite mystérieuse de l'empereur Alexandre à Marie-Louise : bruits qui circulent à ce sujet. - Emotion qu'éprouve madame de Brignolé en apprenant le débarquement de Napoléon: mort de cette amie de Marie-Louise. Attitude du roi de Naples Murat. Motifs qui le déterminent à faire avancer son armée. — Déclaration de guerre de l'Autriche à Joachim Murat.—Manifeste de l'Autriche. Mesures prises en Saxe contre la manifestation des sentimens favorables à Napoléon. - Fameuse proclamation du gouverneur prussien Justus Grüner. - Moyens employés par la coalition pour ameuter toutes les passions. Le Mercure du Rhin.— Ordre du jour de l'archiduc Charles.-Proclamations du prince de Schwartzemberg et du maréchal Barclay de Tolly. — Proclamation faite à Parme au nom de Marie-Louise. Silence des gazettes de Vienne sur ce qui se passe en France. Traité du 25 mars, qui renouvelle celui de Chaumont de l'année précédente.

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Un personnage que ses qualités, son rang et sa naissance plaçaient dans les hautes sphères de la diplomatic au congrès, m'a appris que le lendemain du jour où la nouvelle du débarquement de Napoléon en France fut connue à Vienne, l'empercur Alexandre, accompagné d'un seul de ses officiers, était allé au palais de Schoenbrunn à sept heures du matin; que Marie-Louise s'était levée pour le recevoir; et le recevoir; et que, dans cette entrevue si matinale, le czar, en galant chevalier, avait dit à l'impératrice qu'il venait prendre ses ordres, et savoir d'elle-même ce qu'elle désirait, ou de

rentrer en France comme impératrice, ou de rester à Vienne dans sa famille, l'assurant qu'il réglerait sa politique sur la franchise de sa réponse. On ajoutait que cette princesse, assez peu préparée à cette proposition, avait simplement répondu que c'était à son père seul à décider, parce qu'elle lui avait donné sa parole de le laisser l'arbitre de sa destinée. Pour expliquer cette démarche extraordinaire, dont je n'ai jamais eu connaissance, quoique j'habitasse le palais de Schoenbrunn, il m'a été dit qu'à cette époque il existait une sérieuse mésintelligence entre les souverains, relativement à l'existence d'un traité particulier qui avait été signé entre l'Autriche, la France et l'Angleterre, contre la Russie, la Prusse et les Pays-Bas. Je me contentai de faire observer au personnage avec lequel je m'entretenais, qu'à l'époque de cette visite prétendue de l'empereur Alexandre à Marie-Louise, ce prince n'avait aucune connaissance de ce traité. Ce ne fut en effet que lorsque Napoléon eut repris le gouvernement, que l'original de ce traité fut trouvé dans les archives secrètes de la chancellerie des relations extérieures à Paris. Napoléon, voulant semer la discorde et la désunion parmi ses ennemis, trouva moyen de faire parvenir ce traité à l'empereur Alexandre, qui était loin de le connaître à l'époque dont je viens de parler. Cette considération ne pouvait donc être le motif de cette visite, si toutefois elle a eu lieu. On assura, dans le temps,

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