quife même chez les ennemis, par fort courage & fes vertus; mais on auroit trouvé dans la vie de ce grand homme des fujets infiniment plus glorieux pour lui, ou plus intéreffans pour la nation. Par exemple, Monfieur, n'au roit-on pas donné la plus grande idée du courage & de la valeur de Bayard, fi l'on eut représenté cette action où, avec autant d'intrépidité que Cocles, il foutint feul fur un pont étroit l'ef fort de deux cent hommes ? N'auroiton pas dû préférer de même le moment où, après la bataille de Marignan, dans laquelle il donna encore des preuves de fon courage en combattant à côté de François I, ce Prince voulut être fait Chevalier de la main de Bayard? Enfin, fi M. Beaufort, en peignant la mort du Chevalier, avoit du moins faifi l'inftant où le Connétáble de Bourbon le rencontre, quelle fublime morale eût renfermé ce fujet? Le Connétable paroiffant attendri à la vue de Bayard mourant, ou frappé de la réponfe de ce héros : « Ce n'eft pas fur moi qu'il faut pleurer, Prince, c'est P fur vous-même; mon trépas eft glo rieux! je meurs pour la défense de » ma patrie; mais vous, qui portez » les armes contre elle, de quels re» mords n'êtes-vous pas déchiré, & » de quel opprobre votre mémoire ne fera-t-elle pas couverte »? Quoi qu'il en foit, le tableau de M. Beaufort eft d'une fage ordonnance, les détails en font bien étudiés, les figures ne manquent point d'expreffion, mais le tout a paru d'un ton de couleur fombre, & l'on auroit defiré plus de gradation dans les plans, & plus d'intelligence dans la fcience du clair-obfcur, qui feule peut donner l'effet & l'harmonie à la peinture. Le tablean de M. Brenet, repréfente le combat des Grecs & des Troyens Sur le corps de Patrocle; il a 3 pieds de haut. fur dix de large. Permettezmoi d'infifter encore fur le choix des fujets. Il paroît qu'en général les ar+ tiftes ne font point difficiles fur cet article, & qu'ils ne refléchiffent pas affez fur les conféquences qui en ré fultent. Qu'Achille, par fes cris, mette en fuitte l'armée des Troyens; cette figure hardie peut avoir des char、 mes dans Homère, par ce que tout concourt à donner d'Achille l'idée la plus impofante & la plus terrible; mais qu'apperçoit-on dans le tableau de M. Brenet? des foldats qui combattent, & un jeune homme défarmé comment deviner que c'eft Achille ? Comment imaginer que par fes cris il met une armée en déroute? Peut-on peindre le fon de la voix? Ne fe perfuadera-t-on jamais qu'un tableau ne doit point être une énigme, & qu'on doit choifir un fujet qui puiffe s'ex pliquer à la feule infpection? Tel fait propre à la poéfie, à l'éloquence, n'eft pas du reffort de la peinture; le tableau dont nous parlons en eft une preuve; de même, tel fujet traité par le peintre, fera plus d'impreffion que s'il l'étoit par l'orateur ou le poëte.Si cette affertion avoit befoin de preuves, je demanderois ce que fignifie ce précepte d'Horace? Segnius irritant animos demiffa per aurem quam quæ funt oculis fubjecta fidelibus. Entre mille exemples dont je pourrois appuyer ce fentiment, je me borne à un feul: c'eft le tableau de Vandyck; repréfentant Bélifaire, l'attitude expreffive de cet infortuné guer rier, celle du foldat qui réfléchit furle fort de fonGénéral; les caractères de ces deux figures ont quelque chofe de fublime que tout l'art oratoire ne ren droit peut-être qu'imparfaitement, Re venons au tableau de M, Brenet. Avec un ton de couleur plus vrai, un effet plus harmonieux, abftraction faite du choix du fujet, on trouveroit peu de chofes à defirer dans ce tableau chaleur & enthousiasme dans la compofition, deffin correct & favant, tou̟che mâle & fière, grandeur & nobleffe dans le ftyle, tout annonce que l'Auteur a été infpiré par le génie d'Homère (*). On defireroit en pouvoir dire autant du tableau de M. Pien, de même proportion que le précédent, & qui a pour fujet : Brifeis emmenée dans la tente d'Achille, Ce n'eft point qu'il n'y ait de belles parties dans ce fujet mais le pinceau de cet Artiste ne pa [*] Je ne parle point des petits tableaux de M. Brenet, parce que les délaffemens d'un homme de mérite, ne peuvent inflyer fur fa réputation, roît pas fait pour le genre héroïque. Pour ne point porter atteinte à la réputation que l'Auteur s'eft justement acquife par beaucoup d'autres ouvrages, jettons les yeux fur le tableau placé au-deffus de celui-ci, & de la même grandeur. Il a pour fujet le Com bat des Romains & des Sabins, interrompu par des femmes Sabines, & pour Auteur M. Vincent.On a reproché à cet Artifte de n'avoir point rempli les ef pérancès qu'il avoit fait concevoir de Les talens, au dernier Salon, par le tableau du Préfident Molé, faifi par des factieux. Cette décifion me paroît un peu févère dans le tableau que M. Vincent a expofé cette année, on admire à gauche du fpectateur, un groupe de combattans, qui caractérise la vigueur, la fougue avec laquelle il a été conçu, une grande facilité dans l'exécution & une touche libre, ferme, hardie, qualité indifpenfable dans ce genre; mais il faut convenir que l'action principale eft un peu froide, & que les figures ont peu de mouvement & d'action; les foldats manquent d'énergie; les femmes n'an |