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rait élever entre deux autorités supérieures un conflit que rien ne pourrait vider.

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L'ordonnance de 1822 ne contient rien de semblable pour les avocats. L'art. 27, en renvoyant aux règles tracées par la loi du 20 av. 1810, n'a eu en vue que le mode de procéder; on a voulu que les causes de ce genre fussent jugées en assemblée générale ; mais là se borne la similitude. La décision à l'égard des magistrats est soumise à l'approbation du ministre; à l'égard des avocats, elle est exécutoire et définitive: de là, pour les premiers, la privation du droit de recours en cassation; pour les seconds, la jouissance du droit commun. Au fond, les demandeurs soutenaient que la cour royale n'avait pas été légalement saisie, l'appel du procureur-général ne portant pas contre la décision disciplinaire, mais seulement contre une déclaration qui n'était même pas au nombre des motifs de cette décision n; que la cour, n'étant pas saisie de l'appel de la décision du conseil, n'avait pa infirmer des énonciations contenues dans cette décision, le sénatusconsulte du 16 thermidor an 10, le décret du 30 mars 1808, ni aucune loi, né soumettant les conseils de discipline à la surveillance ou à la juridiction disciplinaire des cours royales; que c'eût été le cas de déférer la décision du conseil à la cour de cassation, d'après l'art. 80 de la loi de ventôse an 8; qu'en- » fin la cour royale avait excédé ses pouvoirs en ordonnant · l'annexe de son arrêt en marge des délibérations du conseil de discipline, mesure que la cour de cassation seule peut prendre envers les cours et tribunaux.

M. Laplagne Barris, avocat-général, a pensé, en la forme, que le pourvoi était recevable; au fond, que le conseil de discipline méritait la censure pour avoir consigné dans ses registres une improbation d'un arrêt passé en force de chose jugée et qu'il exécutait; mais que la cour royale ne pouvait connaître que d'un appel. Ce mot, entenda dans son acception légale, a dit M. l'avocat-général, est la voie prise contre une décision et contre une partie à laquelle cette décision profite. Mais un app appel contre des motifs, contre un énoncé abstrait, n'est pas un appel. Dans l'espèce, l'appel n'était pas dirigé contre MM. Berryer et Claveau, ni même contre a décision prise à leur égard : ainsi le procès ne s'élevait point entre le demandeur et le défendeur, mais entre le demandeur et le juge de première instance, appelé à la barre

du juge supérieur pour justifier non sa décision, mais sa con duite. Ici se présente la grave question de savoir si une cour peut statuer disciplinairement contre un tribunal entier à l'occasion d'une décision qu'il a rendue et que personne ne critique. Elle ne le peut pas assurément și elle a été irréguliè. rement saisie comme dans l'espèce. La cour de Paris a donc excédé ses pouvoirs; en ordonnant une annexe que la loi n'autorise pas, elle a créé une disposition pénale, et en cela elle a de nouveau commis un excès de pouvoir.

Le 20 avril 1830, ARRÊT de la section des requêtes, M. Fa vard de Langlade président, M. Malleville rapporteur, M. Nicod avocat, par lequel:

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« LA COUR, Attendu qu'il s'agit, dans l'espèce, d'une décision disciplinaire, prise par la cour royale en assemblée générale et dans la chambre du conseil, après avoir entendu les inculpés, conformé ment à l'art. 52 de la loi du 20 av. 1810, auquel se réfère l'art. 27 de l'ordonnance royale du 20 nov. 1822; Attendu que, d'après ces dispositions législatives, et toutes celles de la matière, les décisions par forme de discipline, concernant soit des magistrats, soit des membres du barreau, ne sont que des mesures de police intérieure; que publicité y est interdite; que la plupart des formes judiciaires ne leur sont pas applicables; qu'elles n'ont ni les caractères, ni les effets des actes de la juridiction ordinaire des tribunaux; d'où il suit qu'elles ne sauraient être rangées dans la classe des jugements et arrêts proprement dits, contre lesquels est ouvert le recours en cassation; Par ces motifs, DECLARE le pourvoi non recevable, etc. »

COUR DE CASSATION.

S.

toute

Avant l'ordonnance du 24 sept. 1828, les chambres des ap pels de police correctionnelle pouvaient-elles juger as nombre de quatre juges? (Rés. aff.)

Les appels des jugements des tribunaux de commerce sontils rangés dans la classe des affaires sommaires, et pe vent-ils être jugés par la chambre des appels de police correctionnelle ? (Rés. aff.)

Les cours royales ayant la faculté de statuer sur le fond, EN INFIRMANT le jugement de première instance pour quel que cause que ce soit, MÊME POUR CAUSE D'INCOMPÉTENCE, peuvent-elles statuer sur le fond SANS INFIRMER, lors qu'aucune des parties n'argue le jugement d'incompétence et n'en demande l'infirmation par ce motif, encore qu'

s'agisse d'une incompétence RATIONE MATERIA? (Rés. aff,)
C. de proc., art. 473.

Les tribunaux de commerce sont-ils incòmpétents pour pro-
noncer la nullité de ventes d'immeubles et de cessions
civiles d'effets non négociables, faites par un failli en
fraude des droits de ses créanciers? (Discutée, nòn rés. )
Les cessions de créances non signifiées aux débiteurs cédés
avant les dix jours de la faillite du cédant ont-elles saisi
les cessionnaires au préjudice des créanciers du cédant 2
(Rés. nég.)

L'arrêt qui déclare en fait que
des ventes consentics par un
failli ont été faites en fraude des droits de ses cranciers,
et qui annule ces ventes, est-il à l'abri de la censure de
la cour de cassation? (Rés. aff.) (1).

GAILLARD ET DOYON, C. LES SYNDICS PONCET.

Les sieurs Doyon père et fils, négociants à Grenoble, et les sieurs Gaillard père et fils, banquiers dans la même ville, étaient créanciers da sieur Poncet. Le 7 sept. 1824, les sieurs Doyon se firent céder huit obligations souscrites par divers individus au profit du sieur Poncet. Le même jour ils achetèrent, par acte sous seing privé, un château appartenant au sieur Poncet, et dont le prix fut déclaré entrer en compensation de leurs créances. Le 20 oct. 1824, il leur fut également remis une obligation à ordre et sept billets. Quant à la maison Gaillard, le même jour, 20 octobre, le sieur Poncet lui transféra une créance sur un sieur Pinel; il lui passa en outre une vente de sept cents hectolitres de vin, et lui céda divers immeubles en paiement de sa créance.

Le 4 nov. 1824, le sieur Poncet cessa ses paiements, et fut déclaré en état de faillite. Une contestation s'éleva entre ses créanciers au sujet de l'époque de l'ouverture de la faillite, et les syndics demandèrent le rapport à la masse de toutes les valeurs mobilières et immobilières reçues par les sieurs Doyon et Gaillard.

Le 20 mai 1825, jugement du tribunal de commerce de Grenoble qui, a considérant que, jusqu'au 2 nov. 1824, le sieur Poncét n'a cessé de payer et de suivre ses opérations commerciales, décide que de ce jour seulement datera

(1) Voy. t. 1 1829, p. 592.

1

A

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l'ouverture de la faillite.» -Quant aux valeurs reçues, le triIbunal reconnaît, en fait, que les créances des sieurs Gaillard et Doyon étaient échues au moment où ces valeurs leur ont été remises. Pais il déclare qu'ils ont pu recevoir en paiement des effets de commerce qui, par eux-mêmes, représentaient des sommes d'argent; que dès lors on ne pouvait les contraindre à remettre les billets que Poncet leur avait transférés. Quant aux créances cédées, il les condamne au contraire à les rapporter à la masse, attendu qu'avant la faillite la cession n'en avait point été signifiée aux débiteurs, aux termes de l'art. 1690 du C. civ. Le tribunal soumet en outre les sieurs Gaillard en particulier à l'obligation 1 de rendre les immeubles, attendu que la vente en a été faite à une époque où, connaissant la position du failli, ils ne pouvaient diminuer par des conventions particulières le gage commun des créanciers; 2o de rapporter les vins, n'ayant pas été réellement vendus, mais seulement donnés en nantissement. En ce qui touche la vente des immeubles, le tribunal décide que, n'ayant été que verbale, la masse des créanciers s'est trouvée saisie de la propriété de ces immeables, et n'a pu en être dépouillée.

comme

Appel des sieurs Gaillard et Doyon; mais arrêt de la chambre correctionnelle de la cour royale de Grenoble qui, jageant au nombre de cinq conseillers, confirme purement et simplement la sentence des premiers juges, par les motifs qui y sont exprimés.

de

Les sieurs Gaillard et Doyon se sont pourvus en cassation contre cet arrêt. Ils ont présenté cinq moyens à l'appui de leur pourvoi. Premier moyen. Violation des art. 27 la loi du 27 vent. an 8, et 7 du décret du 20 av. 1810, qui portent que tout arrêt où ne figurent point sept conseillers est nul, en ce que l'arrêt attaqué n'a été rendu que par cinq magistrats..

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Deuxième moyen. Violation des art. 11 de la loi du 6 juil. 1810 et 404 du C. de proc., en ce que l'affaire, n'étant pas sommaire, n'avait pu être dévolue à la chambre correctionnelle.

Ces deux moyens se confondent, répondait-on pour les défendeurs. Avant l'ordonnance du 24 sept. 1828, la faculté de juger au nombre de cinq magistrats était subordonnée à la compétence de la chambre correctionnelle. Il n'y a donc qua

examiner si la cause était de la compétence de la chambre correctionnelle de la cour royale de Grenoble. Or l'art. 648 du C. de com. porte que « les appels des jugements des tribunaux de commerce seront instruits et jugés dans les cours commeappels de jugements rendus en matière sommaire. >> Les appels des tribunaux de commerce, quelle que soit lear importance, sont donc assimilés aux matières sommaires proprėment dites, et dès lors ils peuvent, comme toutes les matières sommaires, être dévolus aux chambres de police correctionnelle des cours royales. Ainsi jugé le 10 déc. 1828 par la section des requêtes (v).

Troisième moyen. Fausse application de l'art. 65, du C. de com., et incompétence de la juridiction commerciale. Les tribunaux de commerce, disaient les demandeurs, sont des tribunaux d'exception, dont la juridiction ne peut être étendue au-delà du cercle qui leur est tracé. Ils connaissent, porte l'art. 631 du C. de com., « de toutes contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers. » 'D'après cet article, la qualité de négociant ne suffit pas à elle seule pour justifier la compétence d'un tribunal de commerce: car, s'il en était ainsi, les négociants seraient exclus du bénéfice de la loi commune. Il faut encore qu'il s'agisse d'actes de commerce. Voy. M. Locré, Esprit du code de commerce, t. 8, p. 231; M. Carré, Traité de la compétence, t. 2, p. 517. Or une vente d'immeuble et la cession civile d'effets non négociables ne peuvent être considérées comme des actes de commerce. « Des achats d'immeubles, dit M. Pardessus (t. 1er, p. 7, no 8), pour les diviser et les revendre par portion, quand même cette vente pourrait être et aurait été effectuée avec des bénéfices, ne seraient pas considérés comme opérations commerciales. » Dans l'espèce, le tribunal de commerce était donc incompétent, bien que la vente des immeubles et la cession fussent intervenues entre négociants. Voy. M. Boulay-Paty, Traité des Faillites, t. 2, p. 118, no 444. Opposerait-on que cette incompétence n'a été présentée ni en première instance ni en appel? Mais, d'après l'art. 424 du C. de proc., un tribunal incompétent à raison de la matière doit renvoyer les parties, encore que le déclinatoire n'ait pas été proposé, et l'incompétence rationa

(1) Voy. t. 1 1829, p. 569.

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