noulli, comme on le verra dans cet ouvrage. Mais pourquoi le monde exige-t-il avec tant de sévérité les hommes suque périeurs paraissent ignorer entièrement ce qu'ils valent? J'en ai cherché la raison, et je crois l'avoir trouvée. La modestie est un abandon de soi-même, une espèce d'aveu d'infériorité que la médiocrité saisit avidement pour se consoler, qu'elle cherche à interpréter dans le sens littéral, et dont même elle se fait souvent une arme pour écarter l'homme de génie, timide, dénué d'appui, et victime de sá candeur. L'expérience fait voir qu'il y a plus de danger à se trop rabaisser, que de ridicule à vanter son propre mérite. Ajoutons qu'on prend quelquefois pour amour-propre ce qui n'est qu'une ingénuité estimable dans un savant, presque toujours solitaire même au milieu de la société, ignorant les maximes et les usages d'un monde corrompu, où les hommes ne songent qu'à se tromper les uns les autres, et à feindre des sentimens qu'ils n'ont pas. Cet Essai se termine aux années 1782 et 1783 années funestes où les sciences perdirent Daniel Bernoulli, Euler et d'Alembert. Je m'abstiens en ce moment de parler des travaux des mathématiciens vivans; mais je m'en suis fait aussi un tableau, et je le donnerai sous ce titre : Considérations sur l'état actuel des Mathématiques. On sent combien ce dernier ouvrage doit demander de circonspection, dans le dessein que j'ai d'être parfaitement juste, et de payer aux véritables inventeurs le tribut d'éloges et de reconsance qui leur est dû. ESSAI SUR L'HISTOIRE GÉNÉRALE DES MATHÉMATIQUES. INTRODUCTION. TABLEAU GÉNÉRAL DES MATHÉMATIQUES. Etymologie du mot Ma Le nom seul des Mathématiques, qui LE dans son étymologie, veut dire instruction, thématiques. science, peint, d'une manière juste et précise, l'idée noble qu'on doit s'en former. En effet, elles ne sont qu'un enchaînement méthodique de principes, de raisonnemens et de conclusions, que la certitude et l'évidence accompagnent toujours avantage qui caractérise spécialement les connaissances exactes, les véritables sciences, auxquelles il faut bien se garder d'assimiler les opinions métaphysiques, les conjectures et même les plus fortes probabilités. Objet et division des Ma- On sait que les Mathématiques ont pour objet de mesurer ou de comparer les gran- thématiques, deurs; par exemple, les nombres, les dis I. I Mathémati ques pures. Mathémati ques mixtes. tances les vitesses, etc. Elles se divisent en mathématiques pures, et mathématiques mixtes, autrement appelées sciences physicomathématiques. Les Mathématiques pures considèrent la grandeur sous un point de vue général, simple et abstrait; et par-là, elles ont la prérogative unique d'être fondées sur les notions élémentaires de la quantité. Cette première classe comprend, 1o. l'Arithmétique, ou l'art de compter; 2o. la Géométrie, qui apprend à mesurer l'étendue; 3°. l'Analyse, ou le calcul des grandeurs en géneral; 4°. la Géométrie mixte, combinaison de la Géométrie ordinaire et de l'Analyse. Les Mathématiques mixtes empruntent de la physique une ou plusieurs expériences incontestables, ou bien supposent dans les corps une qualité principale et nécessaire; ensuite, par des raisonnemens méthodiques et démonstratifs, elles tirent du principe établi des conclusions évidentes et certaines, comme celles que les Mathématiques pures tirent immédiatement des axiômes et des définitions. A cette seconde classe appartiennent, 1o. la Mécanique, ou la science de l'équilibre et du mouvement des corps solides; 2°. l'Hydrodinamique, qui considère l'équilibre et le mouvement des corps fluides; 3°. l'Astronomie, ou la science du mouvement des corps célestes; 4°. l'Optique, ou la théorie des effets de la lumière; 5° enfin, l'Acoustique, ou la théorie du son. J'ai rangé ici les différentes parties des Mathématiques dans l'ordre qui me paraît le plus propre à montrer d'un coup d'œil leur enchaînement réciproque, dans l'état où elles se trouvent aujourd'hui; mais cet ordre n'est pas tout à fait conforme à leur développement réel et historique. Il n'est pas possible de fixer, d'une manière précise, l'origine des Mathématiques: on peut seulement affirmer qu'elle remonte aux temps les plus reculés. Lorsque les hommes, abandonnant la vie errante et sauvage, se réunirent en sociétés, et que les lois ou des conventions générales eurent réglé que chacun pourvoirait à sa propre subsistance, sans pouvoir attenter à la possession d'autrui, le besoin et l'intérêt, ces deux grands mobiles de l'industrie, ne tardèrent pas d'inventer les arts de première nécessité. On bâtit des cabanes; on forgea le fer; les limites des champs furent posées; on observa le cours des astres; on vit que la terre donnait d'elle-même, et dans tous les temps, plusieurs fruits propres à la nourriture des animaux; mais que, pour d'autres productions encore plus utiles et plus abondantes, Incertitude de la première origine des Ma thématiques. |