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que

elle avait besoin d'être secondée par une culture subordonnée à l'ordre des saisons : dé-là les semailles et les récoltes. Toutes ces observations, toutes ces pratiques, quoique d'abord très-informes et très-grossières, tenaient aux Mathématiques par un lien secret, mais inconnu; elles n'eurent, pendant long-temps, d'autre règle et d'autre guide que l'expérience et une routine aveugle. L'assiduité demandaient la chasse, la pêche et les travaux de la campagne, ne permettait pas aux hommes de s'élever à des idées générales et réfléchies; le cercle de leurs besoins physiques bornait celui de leurs pensées. Insensiblement, plusieurs d'entre eux ayant acquis une espèce de superflu, ou par une supériorité d'industrie, ou par l'abondance des récoltes, se livrèrent à l'oisiveté vers laquelle tous les animaux ont une propension naturelle. Ils crurent trouver le bonheur dans cet état de repos et de paresse; illusion séduisante dont on est bientôt détrompé, mais à laquelle du moins on dut alors: les premiers élans de l'intelligence humaine. Les langueurs de l'inaction, le tourment de l'ennui qui y est attaché, et l'activité du principe pensant que nous portons au - dedans de nous-mêmes, vinrent arracher l'homme à une honteuse léthargie, et donnèrent l'impulsion à cet esprit de curiosité et de recherche qui

nous agite sans cesse, et qui a, comme le corps, le besoin impérieux d'être alimenté. Alors l'homme vit, avec de nouveaux yeux, le magnifique spectacle que la nature offrait de tous côtés à ses sens et à son imagination; il apprit à rapprocher et à comparer les objets. Des idées puisées dans le monde physique en furent, pour ainsi dire, détachées, et transportées dans un monde intellectuel il y eut des orateurs, des poëtes, des peintres ; on étudia, avec une attention raisonnée, les phénomènes de la nature, et on voulut en connaître les causes. La Géométrie, bornée d'abord à la mesure des champs, s'étendit à de nouveaux úsages, et se proposa des problèmes plus relevés, plus difficiles; l'Astronomie s'enrichit d'observations régulières et de plusieurs instrumens propres à les multiplier, et à y mettre une exactitude, une liaison nécessaires. On inventa des machines où une adroite combinaison de roues et de leviers était employée à soulever ou à transporter les plus pesans fardeaux: en un mot, toutes les parties des Mathématiques firent successivement des progrès. Ils auraient été plus rapides, si le fanatisme et l'amour effréné de la domination, en ravageant la terre, n'eussent trop souvent obscurci le flambeau du génie pendant de longues suites de siècles; mais,

Les Mathématiques ont

pris naissance

dée et dans l'E

gypte.

comme un feu caché sous la cendre, il reprit son éclat dans les temps heureux, et l'édifice des sciences s'est élevé par degrés. Espérons que la postérité aura la noble ambition de poursuivre l'ouvrage, sans être découragée par la crainte de n'en pouvoir peut-être jamais poser le faîte.

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L'opinion la plus générale et la mieux prouvée, est que les Mathématiques ont dans la Chal- commencé à prendre un certain corps, pres que en même temps, chez les premiers Chaldéens et les premiers Egyptiens; c'està-dire, chez les deux plus anciens peuples connus. Suivant une tradition constante, reLes bergers nouvelée de siècle en siècle, les bergers de de Chaldée jet- Chaldée, au milieu de leurs paisibles fonc mens de l'As- tions, et placés sous le ciel le plus pur, je

tent les fonde

tronomic.

Science des mages de l'E

gypte.

tèrent les fondemens de l'Astronomie. Si leurs observations trop imparfaites n'ont pu servir de base à aucune théorie, elles ont du moins donné quelques indications générales, et épargné quelques fausses tentatives aux premiers astro

nomes. !

Les mages ou prêtres de l'Egypte, appliqués, par les lois de leur institution, à étudier et à recueillir les secrets de la nature, étaient devenus les dépositaires et les dispensateurs de toutes les connaissances humaines. On venait de toutes parts les consulter et s'instruire

dans leur commerce. Ils auraient mérité sans restriction le respect et la reconnaissance du monde, si, contens de l'éclairer, ils n'eussent pas aussi cherché à le tromper quelquefois, et à couvrir, sous des voiles sacrés, l'orgueilleuse ambition de le gouverner.

Prétentions

des Chinois et Indiens dans les scien

ccs.

Les peuples, comme les hommes privés, cherchent à reculer leur origine et à enfler des leurs commencemens. On accuse principalement les Chinois et les Indiens de cette manie patriotique. A les en croire, ils sont les premiers inventeurs de toutes les sciences et de tous les arts. Comme ils fondent en particulier leurs prétentions sur l'antiquité de l'Astronomie parmi eux, je me réserve d'examiner leurs titres lorsque je parlerai en détail des progrès de cette science.

Les anciennes Mathémati

ques nous vien

Les anciennes Mathématiques ne nous sont connues que par les ouvrages des Grecs. Nous n'avons pas les documens nécessaires pour nent des Grees apprécier les instructions qu'ils avaient rap portées de leur commerce avec les mages. Quelques auteurs ont écrit que Thalès, dans un de ses voyages à Memphis, enseigna aux Egyptiens la manière de mesurer la hauteur des pyramides par l'étendue de leur ombre, proposition d'une géométrie assez élémentaire: si le fait était vrai, nous conclurions que Egyptiens étaient peu versés dans cette science;

les

mais il n'est pas vraisemblable; et le plus sage parti est de ne rien prononcer, puisque tous les monumens des sciences égyptiennes ont péri avec la bibliothèque d'Alexandrie. Nous devons seulement convenir que si les Egyptiens ont été les premiers maîtres des Grecs, ils ont été bientôt surpassés par leurs disciples. Aussitôt que les Mathématiques commencent à prendre racine dans la Grèce, on les voit marcher d'un pas rapide et ferme, et s'enrichir successivement d'une foule d'importantes découvertes, où la liaison réciproque des principes et des conséquences marque l'unité et la suite d'un même plan. Les Grecs deviennent, pour ainsi dire, les précepteurs de toutes les autres nations: seuls ils ont eu la gloire d'exceller dans tous les genres, art militaire, poésie, éloquence, peinture, sciences exactes, etc. La plus grande partie des hommes illustres rassemblés au musée d'Alexandrie, c'est-àdire au centre des arts et des sciences, étaient Grecs d'origine. Toute cette grandeur eut le sort des choses humaines; elle s'éclipsa par degrés,

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Le musée d'Alexandrie fut fondé par Ptolomée Philadelphe, roi d'Egypte, environ l'an 320 avant l'ère chrétienne; les Mathématiques y ont fleuri pendant près de mille ans, «',

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