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n'a pu les mettre entièrement en état d'être imprimés. Ses manuscrits ont été revus, perfectionnés, augmentés: de supplémens nécessaires, et on vient de publier cette suite. Je ne la connais (*) que par l'annonce des journaux.

L'ouvrage de Montucla a reçu des savans les justes éloges qu'il méritait. En effet, il contient une immense quantité de recherches intéressantes, principalement sur les anciennes Mathématiques. Je ne dissimulerai pas cependant qu'il a essuyé diverses critiques. On y désirerait en général plus de méthode, moins d'entrelacement de matières souvent disparates, un style un peu plus soigné, la suppression de certaines plaisanteries qui détonnent avec la gravité du sujet : on objecte qu'il n'est à la portée que des mathématiciens de profession; qu'à la vérité on y trouve des traités sur presque toutes les parties des Mathématiques, mais que ces traités ne se succédant pas

(*) Écrit le 30 prairial an X.

les uns aux autres dans un ordre classique et élémentaire, ils ne peuvent être entendus que par des lecteurs qui en connaissent déjà le fond. On voudrait que Montucla fût un peu plus entré dans l'esprit des auteurs dont il expose les découvertes par exemple, on regrette qu'en parlant des sections coniques, il n'ait pas donné un extrait un peu étendu des Coniques d'Apollonius, ni assez fait connaître la méthode de cet ancien géomètre: objet du plus grand intérêt pour les amateurs de la belle synthèse.

Que ces critiques soient fondées ou non, il restera toujours à Montucla la gloire d'avoir produit un ouvrage très – savant, très - utile, et d'une espèce d'autant plus rare, que les hommes épris de l'amour des Mathématiques ont ordinairement plus de penchant à les enrichir de leurs propres découvertes, qu'à rapporter celles des autres: on doit lui tenir compte d'un tel dévouement,

Il n'est pas ici question d'une histoire détaillée des Mathématiques: je ne con

à

sidère dans chaque partie que les idées mères et les principales conséquences qui en découlent. Ayant toujours eu, dans le cours de mes études, la curiosité de remonter à l'origine de ces connaissances, et plein d'une profonde vénération pour les grands hommes à qui on les doit, je commençai, il y a environ trente ans, jeter de loin en loin sur le papier les réflexions que cette disposition d'esprit faisait naître. Il en résulta d'abord une esquisse que je publiai, en 1784, à la tête du Dictionnaire de Mathématiques de l'Encyclopédie méthodique. Cette esquisse eut quelque succès: elle était néanmoins fort imparfaite, tant par la contrainte de me resserrer dans un espace très-étroit, que par des irrégularités dans mon plan, que je n'avais pas encore assez médité dans ce temps-là; et ce qui aggravait ces défauts, plusieurs choses essentielles étaient étranglées, ou même entièrement omises. Des amis éclairés m'ont pressé de mé corriger, et de former un corps d'ouvrage qu'on pût lire avec une

sorte d'intérêt pour la curiosité, et quelque profit pour l'instruction. J'ai tâché de remplir leurs vues, autant que mes faibles moyens me l'ont permis. Je m'estimerai heureux, si je puis inspirer à la jeunesse le goût et l'étude de ces sciences sublimes, vraiment dignes d'occuper un être pensant.

On me soupçonnera peut-être de partialité en leur faveur. Je n'aurai pas de peine à me disculper. Je crois, et je l'ai déclaré en plusieurs occasions, que les hommes supérieurs sont à peu près également rares dans tous les genres, et que la nature met une espèce d'équilibre entre toutes ses productions; mais, par une suite du même principe, je dois réfuter ceux qui n'accordent le génie qu'aux facultés de l'imagination, et qui croient qu'avec une intelligence ordinaire, et beaucoup de travail, on peut s'élever au premier rang dans les sciences. Les exemples sur lesquels ils s'appuient ne sont point concluans, On a vu, il est vrai, des hommes appliqués, doués d'une heureuse mémoire, et n'ayant d'ailleurs qu'une

diocre sagacité primitive, se faire dans le monde la réputation de grands géomètres. Mais doit-on être surpris qu'une multitude ignorante, ou superficielle, confonde le produit du savoir, qui s'obtient par l'étude, avec les vérités neuves et originales, que le génie seul peut enfanter? Si on veut être équitable, il faut opposer aux grands poëtes, aux grands orateurs, les grands ma→ thématiciens, bien avoués. Qu'on mette, par exemple, d'une part, Homère, Virgile, Racine, Pope, Démosthène, Cicé→ ron, Bossuet; de l'autre, Archimède; Hipparque, Galilée, Descartes, Huguens, Newton, Leibnitz : alors il ne sera pas si facile de décider de quel côté la balance doit pencher.

Je combattrai encore, ou du moins je tâcherai d'affaiblir un reproche que l'on fait aux mathématiciens, non qu'il ne s'appli que plus justement peut-être à leurs adversaires, mais enfin il faut convenir que les premiers, même les plus illustres, le méritent quelquefois : on les accuse d'être vains. Tel était, par exemple, Jean Ber

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