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néant, et qui le gouverne à sa volonté. Mais se bornera-t-il à une admiration stérile de tant de prodiges? Est-ce là le seul hommage que la créature intelligente puisse rendre au Créateur? Ne lui doitelle pas un tribut perpétuel de reconnaissance et d'adoration? Mais quel culte cet être souverain exige-t-il de nous? Interrogeons les philosophies; parcourons l'Histoire des Peuples ; examinons leurs lois, leurs usages, leurs opinions religieuses: nous trouverons d'abord des sectes de philosophes qui se contredisent les unes les autres sur la nature du souverain être, sur la destination de l'homme, sur les récompenses et les peines qu'il doit espérer ou craindre; des religions où l'on adore plusieurs dieux, et souvent des dieux plus corrompus et plus ridicules que les hommes; des cultes qui naissent et meurent avec les empires; partout le mensonge et la superstition répandant leurs ténèbres sur la terre. Dans cette nuit d'erreurs, un peuple caché dans la Palestine, non loin des bords de la Méditerranée, vient attirer notre attention par les circonstances extraordinaires de son histoire, et par sa manière d'exister parmi tous les autres peuples. Il se présente avec un seul livre, qui contient tout à la fois l'histoire de son origine, les lois politiques de son institution, et le culte religieux qu'il rend au Créateur. Tous les autres peuples avaient défiguré l'image de Dieu; lui seul nous la présente dans son intégrité; lui seul enseigne clairement que l'univers est l'ouvrage de ce Dieu; que l'homme avait reçu

une portion de son intelligence infinie, mais que la créature s'étant révoltée contre le Créateur, elle a perdu, en grande partie, les avantages qu'elle tenait de sa bonté; que dès lors elle est devenue sujette au péché, à la douleur et à la mort. Ces notions si simples, si naturelles, expliquent mieux que tous les systèmes des philosophes, l'origine du mal qui existe sur la terre, et fondent nos espérances pour une meilleure vie. En approfondissant de plus en plus l'histoire du peuple juif, on reconnaît qu'il possède la vérité; qu'il l'a reçue immédiatement de son auteur même : on est frappé de la divinité des écritures; on admire l'accomplissement des prophéties; on voit naître et s'élever sur des fondemens inébranlables la religion chrétienne, qui est la fin et le complément de celle que Dieu avait donnée aux Juifs pour un temps limité dans ses décrets.

Pascal ne regardait pas seulement la religion chrétienne comme vraie, il la croyait nécessaire aux hommes pour fixer leur incertitude, pour adoucir les maux de la vie, et surtout pour nous consoler dans ces derniers momens où l'âme, dénuée de tout appui, est prête à tomber dans les abîmes de l'éternité. Aussi a-t-il établi sur la connaissance du cœur humain plusieurs argumens en faveur de la religion. Il pensait même que pour le commun des hommes, il vaut mieux s'attacher à la faire aimer et désirer, que de chercher à la prouver par des raisonnemens dont tous les esprits

ne peuvent pas sentir la force et les conséquences. << La plupart de ceux qui entreprennent, dit-il, » de prouver la Divinité aux impies, commencent » d'ordinaire par les ouvrages de la nature, et ils » réussissent rarement. Je n'attaque pas la solidité » de ces preuves consacrées par l'Ecriture-Sainte: » elles sont conformes à la raison; mais souvent >> elles ne sont pas assez conformes et assez propor>>tionnées à la disposition de l'esprit de ceux pour >> qui elles sont destinées.... La Divinité des chré>> tiens ne consiste pas en un Dieu simplement au» teur des vérités géométriques et de l'ordre des » élémens; c'est la part des païens : elle ne con» siste pas simplement en un Dieu qui exerce sa >> providence sur la vie et sur les biens des hommes, » pour donner une heureuse suite d'années à ceux » qui l'adorent; c'est le partage des Juifs: mais le » Dieu d'Abraham et de Jacob, le Dieu des chré »tiens, est un Dieu d'amour et de consolation; » c'est un Dieu qui remplit l'âme et le cœur qu'il » possède; c'est un Dieu qui leur fait sentir inté>> rieurement leur misère et sa miséricorde infinie; » qui s'unit au fond de leur âme; qui la remplit » d'humilité, de joie, de confiance et d'amour; » qui la rend incapable d'autre fin que de lui>> même. »

On voit, par le même recueil, que Pascal avait porté dans l'étude de l'homme autant de profondeur que dans celle des Mathématiques. Rien n'égale la vérité et l'éloquence avec laquelle il peint les

contrariétés qui se trouvent dans notre nature, nos grandeurs, nos faiblesses, nos misères, les effets de l'amour-propre, etc. Dans ce tableau sublime, l'homme apprend à se connaître, et à fixer luimême la place qu'il doit occuper dans l'univers. << Qu'il ne s'arrête pas, dit notre auteur, à regarder » simplement les objets qui l'environnent; qu'il » contemple la nature entière dans sa haute et >> pleine majesté; qu'il considère cette éclatante » lumière, mise comme une lampe éternelle pour >> éclairer l'univers; que la terre lui paraisse comme » un point, au prix du vaste tour que cet astre » décrit ; et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour » n'est lui-même qu'un point très-délicat, à l'égard >> de celui qu'embrassent les astres qui roulent dans >> le firmament. Mais si notre vue s'arrête là, que >> l'imagination passe outre: elle se lassera plutôt de >> concevoir que la nature de fournir. Tout ce que » nous voyons du monde n'est qu'un trait imper»ceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle >> idée n'approche de l'étendue de ses espaces; nous >> avons beau enfler nos conceptions, nous n'en>> fantons que des atômes, au prix de la réalité des >> choses. C'est une sphère infinie, dont le centre » est partout, la circonférence nulle part. »

Quel doit être l'étonnement de l'homme, au milieu de ces merveilles qui frappent ses regards de tous côtés! «< Mais pour lui présenter un autre pro>>dige aussi étonnant, qu'il recherche dans ce qu'il >> connaît les choses les plus délicates; qu'un ciron,

par exemple, lui offre dans la petitesse de son » corps des parties incomparablement plus petites, » des jambes avec des jointures, des veines dans » ces jambes, du sang dans ces veines, des humeurs » dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des » vapeurs dans ces gouttes: que divisant encore » ces dernières choses, il épuise ses forces et ses >> conceptions, et que le dernier objet où il peut » arriver soit maintenant celui de notre discours;

pensera peut-être que c'est là l'extrême peti>> tesse de la nature: je veux lui faire voir là dedans » un abîme nouveau : je veux lui peindre non>> seulement l'univers visible, mais encore tout ce » qu'il est capable de concevoir de l'immensité de » la nature, dans l'enceinte de cet atôme imper»ceptible..... Qu'il se perde dans ces merveilles >> aussi étonnantes par leur petitesse, que les autres >> par leur étendue. Car qui n'admirera que notre » corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans » l'univers imperceptible lui-même dans le sein » du tout, soit maintenant un colosse, un monde, » ou plutôt un tout à l'égard de la dernière peti>> tesse où l'on ne peut arriver? »

La pensée est la véritable prérogative de l'homme. C'est par-là qu'il est grand, si le mot de grandeur peut être appliqué à un être borné. «C'est de la » pensée que nous tirons toute notre dignité; c'est >> de-là qu'il faut nous relever, non de l'espace et » de la durée. Travaillons donc à bien penser; » voilà le principe de la morale. Il est dangereux

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