Puis tout à coup réchauffant ma pensée Par l'eau déjà quasi toute glacée,
Il rappela, par ses douces vapeurs, Muses et vers, aimables rêveries,
Les fleurs, les bois, les ruisseaux, les prairies, L'enchantement de cent autres erreurs; Mieux fit encor, me rappela tes charmes, De nos plaisirs le tendre souvenir: Lors je laissai doucement revenir
Cet autre enfant qu'autrefois tant de larmes Entre nous deux n'avaient pu retenir; Et jurai bien, soit folie ou sagesse, Que passerais avec ces fripons-là Quelques beaux jours qu'encor me laissera Ce triste hiver qu'on appelle vieillesse.
Mon rival attendait de vous
Un mot d'amour, un billet tendre, Peut-être même un rendez-vous. Mon rival est fait pour attendre: C'est une espèce de Clitandre; Dieu le bénisse... Mais, pour nous, Nous sommes nés pour nous entendre; Tout en nous semble s'accorder, Aussi novice à me défendre Que vous l'êtes à résister, Nous serons ravis de nous prendre, Et trop heureux de nous quitter. Mettez-moi donc sur les tablettes Où vous inscrivez tour à tour Les heureux ingrats que vous faites, Et que vous ne gardez qu'un jour. Aux doux hommages qu'ils vous rendent Je veux ajouter un desir;
Je veux ajouter un plaisir
Aux voluptés qui vous attendent.
Mourir un moment dans tes bras,
C'est vivre un siècle en un quart-d'heure. Friponne!... adieu; tu m'écriras
Le jour où tu veux que je meure.
Pourquoi de ma sage indolence Interrompez-vous l'heureux cours? Soit raison, soit indifférence, Dans une douce négligence, Et loin des muses pour toujours, J'allais racheter en silence La perte de mes premiers jours; Transfuge des routes ingrates De l'infructueux Hélicon, Dans les retraites des Socrates J'allais jouir de ma raison,
Et m'arracher, malgré moi-même,
Aux délicieuses erreurs
De cet art brillant et suprême
Qui, malgré ses attraits flatteurs, Toujours peu sûr et peu tranquille, Fait de ses plus chers amateurs L'objet de la haine imbécille Des pédans, des prudes, des sots, Et la victime des cagots. Mais votre épître enchanteresse, Pour moi trop prodigue d'encens, Des douces vapeurs du Permesse Vient encore enivrer mes sens. Vainement j'abjurais la rime; L'haleine légère des vents Emportait mes faibles sermens: Aminte, votre goût ranime Mes accords et ma liberté; Entre Uranie et Therpsicore Je reviens m'amuser encore Au Pinde que j'avais quitté. Tel, par sa pente naturelle, Par une erreur toujours nouvelle, Quoiqu'il semble changer son cours, Autour de la flamme infidelle Le papillon revient toujours.
Vous voulez qu'en rimes légères Je vous offre des traits sincères Du gîte où je suis transplanté: Mais comment faire, en vérité? Entouré d'objets déplorables,
Pourrai-je de couleurs aimables
Egayer le sombre tableau
De mon domicile nouveau?
Y répandrai-je cette aisance, Ces sentimens, ces traits diserts, Et cette molle négligence
Qui, mieux que l'exacte cadence, Embellit les aimables vers?
Je ne suis plus dans ces bocages Où, plein de riantes images, J'aimai souvent à m'égarer;
Je n'ai plus ces fleurs, ces ombrages, Ni vous-même pour m'inspirer. Quand, arraché de vos rivages Par un destin trop rigoureux, J'entrai dans ces manoirs sauvages, Dieux, quel contraste douloureux! Au premier aspect de ces lieux, Pénétré d'une horreur secrète, Mon cœur, subitement flétri, Dans une surprise muette Resta long-tems enseveli. Quoi qu'il en soit, je vis encore; Et, malgré vingt sujets divers De regrets et de tristes airs, Ne craignez point que je déplore Mon infortune dans ces vers.
De l'assoupissante élégie
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