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Puis tout à coup réchauffant ma pensée
Par l'eau déjà quasi toute glacée,

Il rappela, par ses douces vapeurs,
Muses et vers, aimables rêveries,

Les fleurs, les bois, les ruisseaux, les prairies,
L'enchantement de cent autres erreurs;
Mieux fit encor, me rappela tes charmes,
De nos plaisirs le tendre souvenir:
Lors je laissai doucement revenir

Cet autre enfant qu'autrefois tant de larmes
Entre nous deux n'avaient pu retenir;
Et jurai bien, soit folie ou sagesse,
Que passerais avec ces fripons-là
Quelques beaux jours qu'encor me laissera
Ce triste hiver qu'on appelle vieillesse.

Par CHAULIEU.

A MADAME ***.

Mon rival attendait de vous

LON

Un mot d'amour, un billet tendre,
Peut-être même un rendez-vous.
Mon rival est fait pour attendre:
C'est une espèce de Clitandre;
Dieu le bénisse... Mais, pour nous,
Nous sommes nés pour nous entendre;
Tout en nous semble s'accorder,
Aussi novice à me défendre
Que vous l'êtes à résister,
Nous serons ravis de nous prendre,
Et trop heureux de nous quitter.
Mettez-moi donc sur les tablettes
Où vous inscrivez tour à tour
Les heureux ingrats que vous faites,
Et que vous ne gardez qu'un jour.
Aux doux hommages qu'ils vous rendent
Je veux ajouter un desir;

Je veux ajouter un plaisir

Aux voluptés qui vous attendent.

Mourir un moment dans tes bras,

C'est vivre un siècle en un quart-d'heure. Friponne!... adieu; tu m'écriras

Le jour où tu veux que je meure.

Par MARGUERIT,

LA CHARTREUSE.

A M. D. D. N.

Pourquoi de ma sage indolence
Interrompez-vous l'heureux cours?
Soit raison, soit indifférence,
Dans une douce négligence,
Et loin des muses pour toujours,
J'allais racheter en silence
La perte de mes premiers jours;
Transfuge des routes ingrates
De l'infructueux Hélicon,
Dans les retraites des Socrates
J'allais jouir de ma raison,

Et m'arracher, malgré moi-même,

Aux délicieuses erreurs

De cet art brillant et suprême

Qui, malgré ses attraits flatteurs,
Toujours peu sûr et peu tranquille,
Fait de ses plus chers amateurs
L'objet de la haine imbécille
Des pédans, des prudes, des sots,
Et la victime des cagots.
Mais votre épître enchanteresse,
Pour moi trop prodigue d'encens,
Des douces vapeurs du Permesse
Vient encore enivrer mes sens.
Vainement j'abjurais la rime;
L'haleine légère des vents
Emportait mes faibles sermens:
Aminte, votre goût ranime
Mes accords et ma liberté;
Entre Uranie et Therpsicore
Je reviens m'amuser encore
Au Pinde que j'avais quitté.
Tel, par sa pente naturelle,
Par une erreur toujours nouvelle,
Quoiqu'il semble changer son cours,
Autour de la flamme infidelle
Le papillon revient toujours.

Vous voulez qu'en rimes légères
Je vous offre des traits sincères
Du gîte où je suis transplanté:
Mais comment faire, en vérité?
Entouré d'objets déplorables,

Pourrai-je de couleurs aimables

Egayer le sombre tableau

De mon domicile nouveau?

Y répandrai-je cette aisance,
Ces sentimens, ces traits diserts,
Et cette molle négligence

Qui, mieux que l'exacte cadence,
Embellit les aimables vers?

Je ne suis plus dans ces bocages
Où, plein de riantes images,
J'aimai souvent à m'égarer;

Je n'ai plus ces fleurs, ces ombrages,
Ni vous-même pour m'inspirer.
Quand, arraché de vos rivages
Par un destin trop rigoureux,
J'entrai dans ces manoirs sauvages,
Dieux, quel contraste douloureux!
Au premier aspect de ces lieux,
Pénétré d'une horreur secrète,
Mon cœur, subitement flétri,
Dans une surprise muette
Resta long-tems enseveli.
Quoi qu'il en soit, je vis encore;
Et, malgré vingt sujets divers
De regrets et de tristes airs,
Ne craignez point que je déplore
Mon infortune dans ces vers.

De l'assoupissante élégie

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