Images de page
PDF
ePub

ARRET.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Cahier, avocat général ;-ATTENDU qu'en ne condamnant la veuve Thermeau à payer à Louvet sa créance de 1,591 fr. 35 cent. que jusqu'à concurrence de son émolument dans la communauté qui avait existé entre elle et son mari, l'arrêt attaqué, loin de contrevenir aux lois invoquées, en a fait, au cas particulier, une juste application;-REJETTE.

[ocr errors]

Du 18 juin 1817.-Section des requêtes. M. le baron Henrion-dePensey, président.-M. le conseiller Lepicard, rapporteur.-M. Champion,

avocat.

JUIFS.-DÉCRET DU 17 MARS 1808.-OBLIGATION.

Le décret du 17 mars 1808, concernant les Juifs, peut-il encore étre invoqué aujourd'hui à l'égard des obligations souscrites avant la restauration?

Rés. aff.

La Cour de cassation a déjà jugé cette question dans le même sens, par arrêt du 23 janvier 1817 (1).

Le 18 prairial an 13, acte notarié, passé à Metz, et par lequel le sieur Prince et sa femme reconnaissent devoir à Mayer-Samuel, Juif d'origine, la somme de 3,650 fr.

Des biens appartenant aux sieur et dame Prince ayant été vendus en justice, un ordre est ouvert pour en distribuer le prix.

Mayer-Samuel se présente à cet ordre, en vertu de l'acte dont on vient de parler.

On lui oppose le décret du 17 mars 1808, et on lui demande, en vertu de l'art. 4 de ce décret, de prouver qu'il avait fourni la valeur entière et sans fraude de la créance qu'il réclamait.

Ces faits se passaient en 1812, époque ou l'inconstitutionnalité du décret n'aurait pu être opposée avec succès, et même sans danger. Mayer-Samuel essaya, par d'autres moyens, d'en écarter l'application; mais aucun de ces moyens ne fut accueilli, et il fut condamné, par jugement du tribunal civil de Metz, du 31 janvier 1812, à fournir la preuve qu'on exigeait de lui.

Il appelle; et, avant que la cause soit jugée, le Roi fait son entrée dans la capitale. Mayer ne craint plus alors d'opposer l'inconstitutionnalité du décret, et il en fait même son unique moyen de défense.

Pour prouver que ce décret est inconstitutionnel, il cite la constitution de l'an 8, qui n'attribue le droit de faire des lois qu'au corps-législatif, et lesénatus-consulte du 28 floréal an 12 qui, en donnant à Buonaparte le titre d'empereur, ne lui confère nullement la puissance législative. Or, dit-il, le décret de 1808 est une véritable loi qui change l'état des Juifs, qui abroge à leur égard ce principe consacré dans toutes les constitutions qu'a reçues la France, savoir que tous les Français sont égaux devant la loi; il déroge, envers eux, à l'art. 8 du Code civil, qui porte que tout Français jouira des droits civils; et l'art. 4, dont il s'agit spécialement ici, est contraire au titre entier du même Code sur l'effet et la preuve des obligations.

(1) Voyez ce Recueil, vol. de 1817, p. 366.

Une fois qu'il est reconnu, ajoute-t-il, que ce décret est inconstitutionnel, non seulement d'après la Charte, qui a consacré de nouveau le principe que tous les Français sont égaux devant la loi, mais encore d'après les lois qui existaient à l'époque où il a été porté, il faut décider qu'il est sans force aujourd'hui, tant à l'égard des obligations antérieures à la Charte, qu'à l'égard de celles qui ont été souscrites postérieurement; car si ce décret a été appliqué pendant quelque temps par les tribunaux, c'est parce qu'on était alors forcé d'obéir à celui qui en est l'auteur. Mais, du moment que le règne de l'oppression a pris fin, ce décret est censé n'avoir jamais existé et les lois rendues dans les formes constitutionnelles qui existaient avant la Charte doivent seules être consultées, s'il s'agit d'une obligation antérieure. Le 26 janvier 1816, arrêt de la Cour royale de Metz qui confirme la décision des premiers juges. Cette cour a considéré que,dans tous les temps, les Juifs avaient été soumis à une législation particulière; que le chef du gouvernement, en 1808, avait bien pu remettre en vigueur les anciennes lois qui les concernaient, en les appropriant à l'état actuel des choses; qu'en cela, il n'avait point excédé les bornes du pouvoir que les lois constitutionnelles lui attribuaient; qu'ainsi le décret du 17 mars doit encore être considéré aujourd'hui comme une loi ou un règlement maintenu par l'art. 68 de la Charte, et continuer à recevoir son application jusqu'à ce qu'il ait été rapporté par des dispositions formelles (1).

Mayer-Samuel s'est pourvu en cassation pour contravention aux lois qu'il invoquait devant la Cour royale..

ARRET.

LA COUR,- -sur les conclusions de M. Lebeau, avocat général;-ATTENDU que l'acte dont il s'agit au procès étant du 18 prairial an 13, la Cour de Metz a pu, sans contravention, y appliquer les dispositions du décret du 17 mars 1808;-REJETTE.

Du 25 juin 1817.-Section des requêtes.-M. le baron Henrion de Pensey, président.-M. le conseiller Brillat de Savarin, rapporteur.-M. Guichard,

avocat..

ÉMIGRÉS. LISTE.-AUTORITÉ JUDICIAIRE.-COMPÉTENCE.

Les tribunaux sont-ils compétens pour décider que telle ou telle personne doit ou ne doit pas être considérée comme émigrée, d'après la liste dressée par l'autorité administrative? Rés. aff.

Dans une contestation existante entre le sieur Jacques Duchailloux et le sieur Nicolas Richard, marquis d'Ivry, au sujet d'une substitution, la question principale, dont dépendait le sort du procès, consistait à savoir si le sieur Richard avait été porté sur la liste des émigrés.

Le sieur Richard qui avait intérêt à prouver l'affirmative, produisait la liste des émigrés de son département, dans laquelle on trouvait trois Ri

(1) On voit que la Cour royale de Metz a considéré le décret du 17 mars 1808 comme encore existant, nonobstant la Charte constitutionnelle. Nous ne pouvons qu'appeler sur ce point important l'attention de l'autorité législative.

chards, sans néanmoins que les noms et le domicile d'aucun d'eux fussent entièrement conformes aux siens. Cependant, il n'en soutenait pas moins qu'il était une des trois personnes désignées.

Le sieur Jacques Duchailloux a essayé, de son côté, de prouver le contraire. Il a soutenu principalement que la personne dont le sieur Richard prenait la place, était le sieur Jean-Baptiste Richard, son père.

Mais les raisons du sieur Richard ont prévalu en première instance et en appel. Le tribunal civil de Beaune, par jugement du 28 juillet 1815, et la Cour royale de Dijon, par arrêt du 16 mars 1816, ont successivement décidé que le sieur Richard, partie au procès, était un de ceux que renfermait la liste des émigrés.

Le sieur Jacques Duchailloux s'est pourvu en cassation pour contravention aux lois qui interdisent aux tribunaux la connaissance des actes administratifs.

Il soutenait que la liste des émigrés étant l'ouvrage de l'autorité administrative, ne pouvait être expliquée et interprétée que par elle.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Lebeau, avocat général;-ATTENDU que l'arrêt attaqué a reconnu en fait que le sieur Nicolas Richard avait été inscrit sur la liste des émigrés le 5 juillet 1792, et que le sieur Jean-Baptiste Richard son père, grevé de substitution à son profit, est décédé le 30 du même mois; qu'en jugeant ainsi, la Cour royale de Dijon n'a aucunement usurpé la compétence de l'autorité administrative, puisqu'elle n'a fait que l'application d'une liste d'émigrés arrêtée par cette même autorité....;—Rejette.

Du 24 juin 1817.-Section des requêtes.-M. le baron Henrion-de-Pensey, président.-M. le conseiller baron Favard de l'Anglade, rapporteur.M, Champion, avocat.

--

COMPÉTENCE. FAILLITE. VENTE PRÉTENDUE FAITE EN FRAUDE DES CRÉANCIERS.

L'action intentée par les syndics d'une faillite, en nullité d'un acte prétendu fait en fraude des droits des créanciers, doit-elle étre portée devant les juges naturels de l'assigné, et non devant le tribunal du lieu de l'ouverture de la faillite? Rés. aff.

Le 15 février 1814, les sieurs Rousseau et Benoit, commissionnaires à Paris, et consignataires de 268 pièces de perkale, appartenant aux sieurs Wetter, Thierry et Grosmann, fabricans de toiles de coton à Mulhausen, donnent avis à ces derniers qu'ils ont vendu leurs marchandises le 7 du

mois courant.

Le 30 juillet de la même année, la maison Wetter, Thierry et Grosmann dépose son bilan, et un jugement du tribunal de commerce de Belfort fixe l'ouverture de la faillite de cette maison au 12 février précédent, c'est-à-dire à cinq jours seulement après celui où la vente des perkales aurait eu lieu.

Les créanciers unis de la faillite induisent de là que la vente a été faite en fraude de leurs droits; en conséquence, ils font assigner le sieur Rousseau, en sa qualité de liquidateur de la société qui avait existé entre lui et le sieur Benoit, pour entendre prononcer la nullité de cette vente.

La demande est portée devant le tribunal du lieu de l'ouverture de la faillite, devant le tribunal de Belfort.

Le sieur Rousseau propose un déclinatoire tendant à être renvoyé à Paris devant ses juges naturels, sur le fondement que l'action dirigée contre lui est personnelle, et qu'aux termes de l'art. 59 n.o 1er du Code de procédure civile, le défendeur, en matiere personnelle, doit être assigné devant le

tribunal de son domicile.

Le 11 mai 1816, jugement qui rejette ce déclinatoire, par le motif que le §. 7 du même art. 59 du Code de procédure porte qu'en matière de faillite, le defendeur sera assigné devant le tribunal du domicile du failli.

Mais, sur l'appel, ce jugement est infirmé par arrêt de la Cour royale de Colmar, du 13 août de la même année, dont voici les motifs : « Vu les art. 59 du Code de procédure civile et 653 du Code de commerce; considérant que ces articles ont circonscrit les cas où la faillite attribue la juridiction; que l'action exercée par les syndics à la faillite contre un débiteur de cette même faillite n'est pas du nombre de ces cas; que, lorsque cette action est personnelle, ces syndics doivent, comme tout autre demandeur, assigner le défendeur devant le juge de son domicile; que, dans l'espèce, l'action ne cessait pas d'être purement personnelle, parce que les demandeurs la fondaient sur la présomption légale de la fraude des opérations faites avec le failli dans les dix jours qui avaient précédé l'ouverture de la faillite ou postérieurement. >>

Pourvoi en cassation de la part des syndics, pour violation de l'art. 59 du Code de procédure civile.

Les demandeurs cherchaient à établir que le S. 7 de cet article ayant disposé, d'une manière indéfinie, qu'en matière de faillite, le défendeur doit être assigné devant le juge du domicile du failli, cette locution générale et absolue de la loi embrassait nécessairement les actions exercées par les syndics, aussi bien que les actions passives de la faillite; que restreindre à ces dernières une telle disposition, ce serait évidemment la rendre vide de sens, puisqu'aux termes du S. 1. du même article, les actions doivent en général être portées devant les juges du domicile du défendeur, par conséquent les actions dirigées contre la faillite doivent l'être devant le tribunal du lieu où la faillite est ouverte. Les syndics ajoutaient que l'action par eux exercée étant fondée sur la fraude pratiquée à leur préjudice, ne pouvait pas être considérée comme purement personnelle; que l'action paulienne était mélangée de réalité, et que les auteurs la mettaient au nombre des actions qu'ils appelaient in rem scriptæ (Heinec cius, Recit. de Act., §. 1147, sub fin.)

Le défendeur à la cassation reproduisait d'abord les motifs de l'arrêt attaqué; puis il ajoutait qu'il était absurde de prétendre que les tiers qui n'élèvent aucune réclamation contre la faillite, mais qui sont au contraire actionnés par elle, puissent être distraits de leurs juges naturels et traduits devant le tribunal du lieu où elle s'est ouverte; que telle n'avait pu être l'intention du législateur, et qu'en donnant au §. 7 de l'art. 59 l'interprétation qu'il avait reçue devant la Cour royale, ce n'etait point le rendre vide de sens, parce qu'il fallait bien dire que le failli ou les syndics ne peuvent

être assignés que devant le tribunal du lieu de l'ouverture de la faillite, qui peut souvent n'être pas celui de leur domicile personnel.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Joubert, avocat général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil;-ATTENDU que la Cour de Colmar, en appréciant, d'après les faits et les circonstances de la cause, la nature de l'action intentée par les syndics de la faillite Wetter et compagnie contre Rousseau, n'a considéré ce dernier que comme défendeur à une action purement personnelle, et sans que l'allégation d'une prétendue fraude de sa part ait pu, par elle-même et avant toute discussion ultérieure, dénaturer le caractère de cette action;-ATTENDU qu'en faisant résulter de cette première décision sur la nature de l'action, la conséquence qu'elle devait, aux termes du premier alinéa de l'art. 59 du Code de procédure civile, être portée devant les juges du domicile de Rousseau, l'arrêt attaqué n'a fait qu'une juste application de cette disposition de la loi et n'a aucunement violé le septième alinéa de ce même article;-REJETTE.

Du 13 juillet 1818.- Section civile.-M. le comte Desèze, pair de France, premier président.-M. le conseiller Boyer, rapporteur.-MM. Delagrange et Leroy de Neufvillette, avocats.

ÉPOUX COMMUNS EN

BIENS.

COPIE D'ARRÊT D'ADMISSION.
POURVOI EN CASSATION.-INTÉRÊT.-SAISIE IMMOBILIÈRE.—Huissier.
-POUVOIR SPÉCIAL.

Lorsque deux époux vivent en communauté, suffit-il de leur signifier au
domicile commun une seule copie de l'arrêt d'admission? Rés. aff.
L'huissier qui est condamné personnellement aux frais d'une saisie immo-
bilière annullée sur le fondement d'un prétendu défaut de pouvoir
spécial, est-il recevable à se pourvoir en cassation de l'arrêt qui le
condamne, et à citer sur son pourvoi la partie dans l'intérêt de laquelle
la nullité de la saisie a été prononcée, encore que cette partie n'ait pas
demandé la condamnation personnelle de l'huissier? Rés. aff.
Lorsqu'une saisie immobilière a été faite à la requête de deux créanciers
la saisie est-elle valable, quoique le pouvoir spécial exigé par la loi
n'ait été signé que par l'un d'eux? Rés. aff.

[ocr errors]

Le 31 décembre 1813, une saisie immobilière est pratiquée sur les sieurs Weylet Marx, à la requête des deux frères Sultzberger, leurs créanciers. Les tiers détenteurs des immeubles saisis sont mis en cause. Alors les parties intéressées se réunissent pour demander la nullité de la saisie, sur le fondement que l'huissier Houssmann y a procédé sans être porteur du pouvoir spécial dont parle l'art. 556 du Code de procédure civile; ou que du moins le pouvoir, en vertu duquel il a instrumenté, n'a été signé que par deux frères Sultzberger, créanciers poursuivant la saisie.

l'un des

Le 2 décembre 1814, jugement du tribunal civil de Schlestatt, qui ordonne la mise en cause de l'huissier Houssmann.

Le 2 mars 1815, jugement définitif par lequel ce tribunal, sans s'arrêter aux moyens de nullité proposés contre la saisie, qu'il déclare mal fondés, met hors de cause l'huissier Houssmann, attendu qu'il a agi en vertu d'un pouvoir suffisant.

« PrécédentContinuer »