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Au fond, les défendeurs ont soutenu qu'en matière de saisie immobilière ou de vente en justice, on ne pouvait refuser aux tribunaux le droit de passer outre à l'adjudication définitive, toutes les fois que l'appel dirigé contre un jugement antérieur était évidemment non recevable. Décider le contraire, disent-ils, c'est rendre illusoires toutes les mesures que la loi a prises pour que des débiteurs de mauvaise foi ne puissent arrêter, par des incidens continuels, le cours de la justice. Ainsi, par exemple, vainement les art. 735 et suivans du Code de procédure et le décret du 2 février 1811 auront-ils pris tant de précautions pour que rien ne vienne retarder l'adjudication définitive; vainement, pour atteindre ce but, le législateur aura-t-il fixé des délais de rigueur au saisi pour présenter ses derniers moyens de nullité, et aux tribunaux pour statuer sur ces moyens, si l'appel d'un jugement antérieur que le saisi peut interjeter le jour même de l'adjudication, doit suspendre à l'instant le pouvoir des juges, et empêcher une vente tant de fois annoncée?

Et qu'on ne croie pas que l'inconvénient se borne à une seule remise. Dès qu'on admet que la non recevabilité évidente d'un appel n'autorise pas les juges de première instance à passer outre, c'est en vain qu'un premier appel interjeté le jour de l'adjudication définitive, aura été déclaré non recevable à l'audience où l'adjudication aura été renvoyée, il en pourra être interjeté un second, fondé sur de nouveaux ou sur les mêmes moyens, et les juges seront, comme la première fois, obligés de surseoir jusqu'à la décision de la Cour royale. Après ce second sursis, le saisi pourra de la même manière en obtenir un troisième, puis un quatrième, et ainsi de suite tant qu'il en désirera.

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On sent combien tout cela est déraisonnable, et l'on est forcé de convenir qu'en cette matière, lorsque, par l'expiration des délais ou par toute autre raison, l'appel d'un jugement est évidemment non recevable, cet appel ne peut empêcher les juges de procéder à l'adjudication,

Or, dans l'espèce, l'appel du sieur Gravet contre le jugement d'adjudication préparatoire était écarté par une fin de non recevoir évidente, tant parce qu'il n'avait été interjeté que la veille de l'adjudication définitive, que parce que Gravet avait expressément acquiescé au jugement qu'il attaquait.

Quant à l'appel du jugement du 17 janvier, il ne pouvait arrêter un seul instant le juge qui tenait l'audience des criées. Gravet n'avait droit à aucun délai, autre que ceux que la loi ordonnait de laisser entre l'adjudication préparatoire et l'adjudication définitive. Le juge pourtant a consenti à lui en accorder de plus longs; c'est donc une faveur qu'il lui a faite. Or, Gravet ne peut se plaindre de ne pas avoir obtenu cette faveur aussi grande qu'il la demandait,

D'ailleurs le jugement qui, en définitif, a accordé à Gravet un délai de huit semaines, n'est qu'une simple remise de la cause, après que tous les délais prescrits par la loi étaient expirés. Or, à quelle critique un pareil jugement peut-il être soumis? A aucune. Un tribunal n'est-il pas toujours le maître absolu de renvoyer une cause à l'audience qu'il juge convenable? L'appel

da jugement du 17 janvier était donc absolument sans objet et une pure chicane, et dès-lors c'est avec raison que le juge qui tenait l'audience ne s'y est pas arrêté.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocat général; sur la première fin de non recevoir; —ATTENDU qu'aucune loi n'exige qu'il soit donné plus d'une copie d'assignation à la partie qu'on assigne sous diverses qualités, dès-lors surtout qu'il est déclaré, dans l'exploit comme dans l'espèce, que cette partie est assignée sous les diverses qualités dans lesquelles elle procéde;-sur la secoude fin de non recevoir, ATTENDU que le permis d'assiguer porté dans l'arrêt d'admission de la chambre des requêtes, se référant naturellement aux qualités énoncées dans l'arrêt attaqué, il s'ensuit, dans l'espèce, que la permission d'assigner le défendeur Marcy, portée dans l'arrêt de la Cour du 30 avril dernier, s'applique nécessairement à toutes les qualités dans lesquelles ledit Marcy avait procédé devant la Cour royale de Paris, et par conséquent à celle de tuteur de l'interdite Geneviève-Françoise Louis, en sorte que le pourvoi est valablement dirigé et poursuivi contre cette dernière;-REJETTE les fins de non recevoir;-Et statuant au principal, vu l'art. 457 du Code de procédure civile, ainsi conçu :..... (vide suprà);-ATTENDU qu'aux termes de cet article, l'appel interjeté par le demandeur, le 12 mars 1816, des jugemens des 20 décembre 1815 et 17 janvier 1816, ne permettait pas au juge tenant l'audience des criées de passer outre à l'adjudication définitive de l'immeuble saisi, et que c'est néanmoins au préjudice dudit appel, et sous le vain prétexte de sa non recevabilité, qu'il n'appartenait qu'aux juges supérieurs d'apprécier, que ce juge a procédé à ladite adjudication, en quoi il a évidemment excédé ses pouvoirs, et violé l'article précité; d'où il suit que l'arrêt attaqué, en confirmant cette décision irrégulière, s'en est approprié le vice, et à contrevenu à la même loi;-CASSE, etc.

Du 7 janvier 1818.-Section civile.-M. Brisson, président.-M. le conseiller Boyer, rapporteur.-MM. Champion et Coste, avocats.

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CONSCRIPTION MILITAIRE. REMPLACEMENT. CONVENTIONS.DÉSERTION. GRACES. DISPENSE DU SERVICE MILITAIRE.

Pour que le contrat passé entre un conscrit remplacé et son remplaçant soit annullé, suffit-il que la désertion du remplaçant soit constante en fait, sans qu'il soit besoin que ce dernier ait été arrêté et condamné comme déserteur, en suivant les formalités prescrites par le décret du 14 octobre 1811 ? Rés. aff.

L'ordonnance du roi du 15 mai 1814, d'après laquelle on doit considérer comme étant en congé limité les militaires qui ont quitté leurs drapeaux par une fausse interprétation de l'arrêté du gouvernement provisoire du 4 avril de la même année, a-t-elle relevé ces militaires du fait de désertion à l'égard des conventions de remplacement qu'ils pouvaient avoir faites? Rés nég.

Un conscrit remplacé peut-il se prévaloir de la désertion de son remplaçant pour refuser de lui payer la somme promise, lors même que ce conscrit, par des circonstances fortuites, telles que le licenciement du corps auquel appartenait le remplaçant, se trouverait également dispensé du service militaire ? Rés. aff.

Par acte du 27 septembre 1813, Jean-Michel Guénot consentit, moyennant N.° II.-Année 1818.

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8000 fr., à remplacer Demptos fils, conscrit de 1814, dans la compagnie de réserve du département de la Gironde, où celui-ci s'était enrôlé avant le tirage de sa classe, afin d'avoir le choix du corps auquel il voulait appartenir.

Le contrat qui fut passé à ce sujet entre Guénot et Demptos père, porte que, si Guénot était appelé à servir pour son propre compte, ou s'il désertait, non seulement il n'aurait rien à demander, mais qu'il serait encore obligé à rendre ce qu'il aurait reçu.

Le 15 mars 1814, Guénot déserta. Ce fait est attesté par une déclaration du conseil d'administration de la compagnie de réserve dans laquelle il servait. Le 30 juin suivant, en vertu d'une ordonnance du Roi du 31 mai précédent, la compagnie de réserve de la Gironde fut licenciéé, sans que Guénot y eût reparu.

Quelque temps après, Guénot réclama. l'effet de la convention passée entre lui et Demptos père, et le poursuivit en paiement des sommes qui ne lui avaient point encore été payées.

Demptos répondit que la convention avait été résolue par l'effet de la désertion de Guénot, et que, d'après les termes de cette convention, comme d'après les dispositions de l'art. 58 du décret du 8 fructidor an 13, loin de pouvoir réclamer les sommes qui restaient dues, Guénot était obligé à la restitution de celles qu'il avait touchées.

Le 5 janvier 1815, jugement du tribunal de première instance de Bordeaux, qui déclare la convention résiliée, et accueille toutes les conclusions de Demplos: « Attendu, porte ce jugement, que le contrat passé entre les parties, le 27 septembre 1813, établit qu'il fût dans la volonté des parties que le sieur Jean-Michel Guénot demeurât chargé du service dont pouvait être tenu Jean Demptos fils, et que ce fût dans l'objet formel d'affranchir ledit Demptos des chances auxquelles il pouvait être exposé en qualité de militaire, qu'il fût promis audit Guénot, son remplaçant, une somme de 8,000 fr.; qu'il est constant que Guénot a déserté, et, que par sa désertion, il a violé les obligations qu'il s'était imposées par ledit contrat ; au surplus, que l'art. 58 du décret du 8 fructidor an 13 dispose que, toutes les fois qu'un suppléant désertera ou sera réformé pour des causes non provenant du service, les engagemens contractés envers lui par le remplacé seront déclarés comme non avenus, et il sera tenu à rendre toutes les sommes

par lui reçues du remplacé. »

Le 12 décembre 1815, arrêt de la Cour royale de Bordeaux qui confirme ce jugement, en adoptant les motifs qu'il renferme.

Le sieur Eymeric, cessionnaire des droits de Guénot, s'est pourvu en cassation contre cet arrêt pour contravention au décret du 14 octobre 1811 et fausse application du décret du 8 fructidor an 13.

Nous raisonnerons, disait le demandeur, dans l'hypothèse où il serait constant, en fait, que Guénot a déserté, ou plutôt qu'il a abandonné ses drapeaux ; et nous prouverons que cette désertion où cet abandon de drapeaux n'a pu avoir pour effet de résoudre la convention passée entre les sieurs Demptos et Guénot, le 27 septembre 1813.

1.o La désertion de fait ou l'abandon des drapeaux imputé à Guénot n'avait pas le caractère légal de désertion.

L'art. 1.er du décret du 14 octobre 1811 porte: « Il ne sera plus rendu de » jugement par contumace pour le délit de désertion; mais tout chef de » corps et de détachement devra signaler le déserteur, dans les vingt-quatre » heures de son absence, au directeur général des revues et de la cons»cription militaire, et au premier inspecteur général de la gendarmerie, » pour qu'il soit recherché et arrêté. »

Ainsi, avant qu'un militaire qui a quitté ses drapeaux soit arrêté et jugé, il ne peut être regardé comme déserteur; il ne doit être considéré que comme prévenu de désertion. L'art. 5 du même décret le prouve bien mieux encore, en disant que l'officier qui est chargé de la plainte a le droit de refuser l'autorisation d'informer, et peut se contenter d'infliger une simple peine de discipline, lorsque des circonstances particulières militent en faveur de l'individu prévenu de désertion.

Or, dans l'espèce actuelle, Guénot n'a jamais été arrêté ni jugé ; son abandon des drapeaux qu'il aurait justifié dans la suite, s'il en avait eu besoin, ne peut donc être considéré comme une désertion proprement dite, et dès-lors ce fait ne peut entraîner la résolution du contrat du 27 sep

tembre 1813.

2.0 En supposant que le départ de Guénot ait pu, dans le principe être considéré comme une véritable désertion, il a perdu ce tère par l'effet de l'art. 2 de l'ordonnance du 15 mai 1814, qui porte: « Les militaires en activité de service (autres que les conscrits de 1815) qui, par une fausse interprétation de l'arrêté du gouvernement provisoire du » 4 avril 1814, ont quitté leurs drapeaux pour se rendre dans leurs familles, » sans en avoir obtenu la permission légale, sont considérés comme en » congé limité. »

Ainsi, tous les militaires qui avaient abandonné leurs drapeaux, n'ont plus été sous le poids de la loi; le Roi les a relevés de toute faute en les déclarant en congé.

Cet article, il est vrai, ne semble s'appliquer qu'aux militaires qui ont abandonné leurs corps depuis l'arrêté du 4 avril 1814; mais une instruction postérieure du ministre de la guerre, en date du 8 juin 1814, adressée à tous les préfets, les a avertis que l'intention de Sa Majesté était de comprendre dans la même disposition tous les autres militaires qui s'étaient absentés de leurs corps sans permission.

Ainsi donc, il importe peu que Guénot ait quitté sa compagnie avant le 4 avril 1814, il n'a pas moins le droit d'invoquer l'ordonnance du 15 mai. Or, si, d'après cette ordonnance, il est réputé avoir été en congé limité jusqu'au moment où il a été affranchi de son service militaire par le licenciement de sa compagnie, il est évident que son départ trop précipité du régiment ne peut avoir aucun effet sur la convention qu'il a faite avec Demptos. 3. Enfin, quand aucun motif particulier ne pourrait justifier le départ de Guénot, Demptos ne pourrait s'en prévaloir pour refuser de payer les sommes qu'il a promises, attendu que son fils n'a point été obligé de rentrer au service militaire, ni de fournir un second remplaçant, cas unique pour lequel il avait été convenu, que la désertion de Guénot entraînerait la résolution du contrat.

Le défendeur a répondu qu'il suffisait que la désertion de Guénot fût constante en fait, pour que la convention fût résolue; que les formalités prescrites par le décret du 14 octobre 1811 n'étaient nécessaires que pour l'application des peines prononcées contre les déserteurs, mais qu'elles étaient étrangères aux conventions où la désertion avait été prévue comme clause résolutoire; que l'ordonnance du 15 mai 1814, en la supposant applicable à un militaire qui a quitté les drapeaux avant le 4 avril de la même année, n'a fait qu'affranchir les individus qu'elle concerne, des peines encourues par eux, mais qu'elle n'a pu apporter aucun changement aux effets que leur désertion avoit produits quant aux contrats qu'ils avaient passés, et cela par la raison que jamais les grâces du prince ne sont ni ne peuvent être accordées au préjudice des droits acquis à des tiers; que telle est la doctrine enseignée par tous les auteurs, et qu'on trouve notamment rappelée dans un avis du conseil d'état du 3 janvier 1807, rapporté par M. Merlin, dans son Répertoire, au mot Gráce; qu'enfin il est indifférent que Demptos fils n'ait pas été obligé de partir ou de fournir un second remplaçant; qu'il en a couru les risques par l'effet de la désertion de Guénot, qui devait le garantir de toute absence; et que ce dernier ayant ainsi manqué à ses engagemens, l'événement heureux qui avait affranchi Demptos de tout service ne pouvait profiter qu'à lui seul.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocat général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ;-ATTENDU qu'il a été reconnu en fait par la Cour royale de Bordeaux, sur le fondement de la déclaration du conseil d'administration et des autres actes du procès, que Guénot avoit déserté; que ladite Cour a prononcé, par suite de cette désertion légalement établie, la résolution du contrat qui avoit prévu le fait de désertion; que le décret du 14 octobre 1811 est sans application à la cause, puisqu'il ne s'agit ni d'instruction ni de poursuites pour crime de désertion, mais simplement de la résolution d'un contrat pour le fait de désertion prévu par ce contrat; que le demandeur n'est pas fondé à se prévaloir de l'ordonnance du roi du 15 mai 1814, puisque cette ordonnance présuppose la désertion, puisqu'en outre les actes de clémence qui émanent de la puissance royale ne peuvent être opposés à des tiers dont les intérêts et les droits sont fixés par des contrats réguliers; qu'enfin la Cour royale de Bordeaux n'a fait qu'interpréter les conventions des parties et reconnaitre le fait de désertion légalement attesté par le conseil d'administration; qu'il a été fait, par suite de cette interprétation, une juste application de l'article 58 du décret du 8 fructidor an 13;REJETTE.

Du 25 novembre 1817.-Section civile.-M. le comte Desèze, pair de France, premier président.-M. le conseiller Vergès, rapporteur. MM. Grané et Darrieux, avocats.

VENTE. PACTE COMMISSOIRE. ACTION EN RÉSOLUTION. TIERSACQUÉREUR.-PURGEMENT D'HYPOTHÈQUE.-PRIX.-RENTE FONCIÈRE. Est-il nécessaire que le pacte commissoire ait été stipulé, pour que la résolution d'une vente à défaut de paiement du prix puisse être demandée? Rés. nég.

La résolution de la vente peut-elle être prononcée, bien que l'objet vendu

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