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Après la conquête de la Flandre en 1668, un des premiers soins du roi Louis XIV fut de faire réparer et augmenter les fortifications des places qu'il venait de prendre. L'enceinte de la ville de Lille fut immédiatement agrandie sous la direction de Vauban, et, peu d'années après, les travaux étaient entièrement terminés.

On n'avait pas, à cette époque, de loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le gouvernement commençait par prendre les terrains dont il avait besoin, sauf à indemniser ultérieurement les propriétaires. Comment Comment se réglait cette indemnité? C'est ce que nous apprennent les pièces suivantes conservées aux archives du département du Nord (Papiers de l'intendance de Lille). Elles nous font connaître une procédure administrative qui n'est décrite nulle part.

Remarquons d'abord qu'en 1720, c'est-à-dire cinquante-deux ans après l'expropriation, les propriétaires n'avaient encore rien reçu de l'indemnité qui leur était due. Ce retard provenait d'abord des guerres continuelles qui avaient rempli le règne de Louis XIV et des embarras financiers que ces guerres avaient amenés. Il provenait aussi de la résistance des Etats de Flandre à la charge desquels

le roi voulait mettre la dépense et qui s'efforçaient de se soustraire au fardeau.

Enfin l'Etat s'occupa de payer ses dettes. Dès 1706, le travail de liquidation avait été entrepris, mais il n'était pas encore terminé en 1720. A cette époque, une instruction fut rédigée au conseil du roi et envoyée à tous les intendants pour leur tracer la marche à suivre dans la liquidation des indemnités. Nous croyons utile de donner intégralement le texte de cette instruction:

Instruction concernant ce que l'on doit observer en dressant les procès-verbaux d'estimation des héritages qui ont été ou seront compris dans les fortifications.

« Le Roi voulant pourvoir au dédommagement des propriétaires des maisons et héritages qui ont été compris dans les fortifications des places jusques à présent, et qui n'ont point encore été remboursés, l'intention de S. M. est que MM. les intendants prennent des mesures pour en faire faire les procès-verbaux ;

» Que, pour cet effet, ils obligent les ingénieurs de faire des plans justes, sur lesquels ils observeront de marquer, sait par des lignes, soit par des couleurs différentes, l'étendue des ouvrages et de leurs glacis, et les maisons ou héritages qui auront été pris;

» Qu'ils nomment des experts pour le Roi, qui, conjointement avec les ingénieurs et d'autres experts choisis par les propriétaires, dresseront des procès-verbaux de l'étendue, de la consistance et de la valeur des héritages ou maisons. Si les propriétaires faisaient difficulté d'en choisir, il en sera nommé d'office par MM. les intendants, lesquels observeront de faire quoter les maisons ou héritages, dans les procès-verbaux, des mêmes chiffres ou numéros qu'ils auront été marqués sur les plans.

» Ils expliqueront, dans ces procès-verbaux, si la totalité des maisons ou héritages est comprise dans les ouvrages et glacis, ou s'il n'y en a qu'une partie, et si l'on peut laisser aux propriétaires ce qui est hors de l'étendue des ouvrages et glacis, ce qui reste dehors pouvant être si petit que le propriétaire n'en pourrait faire aucun usage. » Suivant l'ordonnance, les glacis ne doivent avoir que quinze toises d'étendue. Néanmoins, la nature des ouvrages ou du terrain peut quelquefois obliger à leur en donner davantage. En ce cas, on peut laisser aux propriétaires la jouissance de ce qui est au delà des quinze toises, le Roi s'étant expliqué plusieurs fois que son intention n'est pas que les officiers majors en jouissent au delà de cette étendue; mais l'on doit observer que si, pour former les glacis, on avait été obligé de recharger le fonds des héritages de cailloux, gravier, ou autre chose qui pût empêcher de les cultiver, en ce cas il serait juste de rembourser les propriétaires, ou, du moins, de les dédommager de la détérioration.

» L'on doit aussi observer la même chose, en cas que l'on fût obligé d'enlever le bon terrain au delà des glacis pour en former la pente, en sorte qu'il ne restât que du roc, gravier ou terrain infructueux.

» L'on ne doit employer, dans les procès-verbaux d'estimation, que les fonds actuellement compris dans les ouvrages et les maisons actuellement démolies et dont les propriétaires sont dépossédés, observant de marquer précisément la date de leur dépossession pour régler les intérêts qui leur sont dus pour la non-jouissance.

» Lorsque les procès-verbaux seront achevés avec les plans relatifs, il sera nécessaire que MM. les intendants vérifient, autant qu'il leur sera possible, si les estimations auront été bien faites; qu'ils se fassent même rapporter tous les titres qui pourront justifier la propriété et la valeur des héritages ou des maisons, et qu'ils se donnent la peine de marquer leur avis par apostille sur chaque article.

» L'on observera de joindre aux plans et procès-verbaux un bordereau par colonnes, sur la première desquelles l'on marquera le numéro de la maison ou héritage, sur la seconde le nom du propriétaire, sur la troisième l'estimation du fonds, sur la quatrième les intérêts dus depuis la dépossession, et sur la cinquième le total tant du capital que des intérêts, jusques à la clôture des procèsverbaux.

L'on observera aussi de faire tous les ans de semblables procès-verbaux lorsqu'il aura été pris de nouveau quelques héritages, parce qu'en différant davantage on perd les idées de la nature des fonds et de la valeur des maisons que l'on fait démolir. »

Conformément à cette instruction, l'intendant de Flandre, M. Méliand, prit l'ordonnance suivante :

Antoine François Méliand, chevalier, conseiller du Roi en ses Conseils, maître des requêtes honoraire de son hôtel, intendant de justice, police et finances en Flandres.

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« L'intention du Roi étant de pourvoir au dédommagement des propriétaires des maisons et héritages qui ont été compris dans les fortifications des places de notre département, depuis qu'elles sont sous sa domination et qui n'ont point encore été remboursés, nous ordonnons ce qui ensuit:

» Les propriétaires qui prétendent des dédommagements seront avertis, par des affiches qui seront apposées par les soins de nos subdélégués, du temps dans lequel on travaillera aux plans desdites maisons et héritages et à l'estimation de leur valeur.

» L'ingénieur en chef ou l'un des autres ingénieurs de chaque place lèvera le plan des dehors de ladite place, dans lequel il observera de marquer, par des lignes ou des couleurs différentes, l'étendue des ouvrages et de

leurs glacis, et les maisons ou héritages qui auront été pris pour les fortifications.

» Les maisons ou héritages de chaque propriétaire seront marqués sur le plan par des numéros.

» Il sera fait sur chaque plan une table qui contiendra les mêmes numéros, avec les noms des propriétaires et le nombre des mesures de terre, bonniers, mencaudées ou rasières dont chaque héritage sera composé.

» Lesdits plans nous seront envoyés par l'ingénieur qui les aura levés et par nous remis à nos subdélégués, par-devant lesquels les propriétaires représenteront les titres de la propriété desdits héritages, desquels il sera dressé procès-verbal, ensemble de l'étendue, de la consistance et de la valeur des héritages ou maisons, dont l'estimation sera faite sur lesdits titres autant que faire se pourra, et, à leur défaut, par des experts nommés par nos dits subdélégués pour le Roi, et par lesdits propriétaires, et en cas qu'ils fissent refus de les nommer, ils le seront d'office par nos dits subdélégués.

» Les héritages et maisons seront compris dans lesdits procès-verbaux sous les mêmes chiffres ou numéros qui auront été marqués sur les plans.

» Lesdits procès-verbaux expliqueront si la totalité des maisons ou héritages est comprise dans les ouvrages ou glacis, ou s'il n'y en a qu'une partie, et, en ce cas, quelle sera l'étendue de ladite partie.

» On n'emploiera dans lesdits procès-verbaux que les fonds actuellement compris dans les ouvrages et les maisons actuellement démolies, et dont les propriétaires sont dépossédés, observant de marquer précisément la date de la dépossession pour régler les intérêts qui leur sont dus pour la non-jouissance.

» On joindra aux plans et procès-verbaux un bordereau séparé par colonnes, sur la première desquelles on marquera le numéro des maisons ou héritages, sur la seconde le nom des propriétaires, sur la troisième l'estimation du

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