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liens, en fait ce furent toujours ces derniers qui furent portés sur les listes; on ne trouve que quatre juges dans les inscriptions de la Gaule Narbonnaise (de Herzog); dans les inscriptions de Lyon (de Boissieu), il n'y en a pas un; et dans celles d'Espagne (de Hübner), on n'en voit que six d'origine espagnole assurée ou vraisemblable (103). La mention de notre table, en ce qui concerne à ce sujet les Anauni, les Tulliasses et les Sinduni, peut donc, jointe à celle qui concerne le service parmi les prétoriens, être invoquée comme une preuve que ces peuples, et à plus forte raison la ville de Trente, étaient considérés comme faisant partie de l'Italie et non comme des provinciaux de Rhétie.

Lignes 34-35: quæcumque tanquam cives romani gesserunt egeruntque. Allusion à tous les actes juris civilis proprement dits, par exemple à la mancipatio (à moins qu'ils n'eussent déjà le commercium, comme Latins ou comme pérégrins favorisés) (104), à la stipulation, dans la forme dari spondes, au testament, et au mariage, en tant que produisant tous les effets du droit civil et, notamment, la puissance paternelle (105).

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Lignes 34 et 37 tanquam. M. Mommsen signale comme remarquable cette manière dont est écrit le mot tanquam (106).

Ligne 36 rata esse jubeam. Au lieu de ratam esse jubeat que porte le texte : c'est encore une correction qui ne saurait faire difficulté.

(103) Mommsen, Hermès, p. 117, note 4.

(104) Cp. Ulpien, XIX, 4.

(105) Mommsen, p. 116.

(106) V. p. 104.

Lignes 36-37 nominaque ea quæ habuerunt... ita habere. Un non-citoyen ne pouvait prendre un nom romain; Claude lui-même le défendit (107). Les noms de ces contrées donnent lieu à des questions difficiles que M. Mommsen déclare ne pouvoir traiter que lorsque les inscriptions des pays alpestres auront été publiées. On y trouve, à côté de noms purement pérégrins, des noms romains revêtus d'une forme pérégrine; quant aux inscriptions propres à la vallée de Non, elles présentent presque sans exception des noms purement romains; il en est ainsi notamment de celle dont l'époque est certainement postérieure à Claude (108), ce qui concorde parfaitement avec les dispositions de notre table (109).

Il me semble superflu, après les observations qui précèdent, de montrer l'importance de la table de Cles et l'intérêt des questions qu'elle permet de trancher ou qu'elle soulève.

Dirons-nous, pour finir, un mot de son authenticité? Elle ne paraît pas pouvoir être contestée. Tout concourt à l'établir, au point de vue de la forme comme à celui du fond. Ce qu'elle nous apprend est conforme aux données de l'histoire générale et de l'histoire du droit qu'elle confirme, complète ou rectifie, sans les bouleverser. La langue que l'on y

(107) Suétone, Claude, 25 : Peregrinæ conditionis homines vetuit usurpare romana nomina, duntaxat gentilitia.

(108) Orelli, no 4915 (de l'an 103 ou 104).

(109) Mommsen, p. 115-116: Ilcite plusieurs de ces noms d'après des inscriptions qu'il a vues lui-même à Trente, aux environs de Trente et dans le Val di Non.

trouve est bien celle du temps; la composition et le style portent d'une manière évidente le cachet de Claude, dont on revoit une fois de plus, surtout dans la première partie de son édit, qui était sans doute aussi plus particulièrement son œuvre, ses phrases enchevêtrées, sa manie de placer le sujet principal dans une proposition incidente, et ses constructions de phrases irrégulières ou incohérentes (110).

Au point de vue épigraphique, il faut noter la bonne distribution de l'inscription (111), l'absence totale d'abréviations dans le corps de la disposition, (on trouve seulement, dans l'intitulé de l'édit, les sigles ordinaires), l'emploi de belles capitales rustiques, et enfin, pour me servir de l'expression de M. Schupfer, la maestria de la gravure (112). Cette gravure est si bonne et si régulière, que M. Mommsen (113) ne croit pas qu'elle ait été faite sur les lieux que l'édit concernait, comme cela arrivait souvent, c'est-à-dire dans le pays de Trente, mais bien à Rome même ou en Campanie, et par un des meilleurs graveurs du temps. Aussi trouve-t-il que les fautes de gravure y sont en nombre relativement surprenant. Elles sont cependant peu de chose, eu égard aux fautes énormes et innombrables dont sont ordinairement remplies les inscriptions, et s'il est vrai, comme l'a dit un savant maître, que l'absence même de toute

(110) Cp. Mommsen, Hermès, p. 106-107.

(111) Le nombre de lignes finissant par des mots coupés est de 8 sur 37; c'est une proportion moindre que dans la table de Malaga, où il y en a 157 sur 350, mais plus forte que celle qu'indique M. Asher, Revue historique, t. XII, 1866, p. 126.

(112) Archivio, p. 586.

(113) Hermès, p. 104.

incorrection serait une singularité (114), » c'est une singularité que ne présente pas notre table.

Ernest DUBOIS,

Professeur à la Faculté de droit de Nancy.

(114) Ch. Giraud, La lex Malacitana (Revue historique, t. XII, 1866, p. 333); Cp., sur les fautes de gravure anciennes ou même modernes, Les tables de Salpensa et de Malaga, du même auteur, 1856, p. 17-18, 58-59.

COURS D'HISTOIRE DES LÉGISLATIONS
COMPARÉES.

Leçon d'ouverture.

(16 décembre 1871.)

Messieurs,

Ce qui distingue l'enseignement du Collége de France de celui des Facultés, c'est que, n'étant lié par aucun programme et ne poursuivant aucun but professionnel, il peut s'étendre en toute liberté dans le champ des spéculations scientifiques. Mais cette indépendance, qui fait sa dignité, lui impose des devoirs de l'ordre le plus élevé. Or, dans le temps où nous sommes, après les douloureuses épreuves que nous avons subies, le premier de tous les devoirs, celui qui oblige le savant aussi bien que le soldat, c'est l'amour, c'est le culte de la patrie. Comme ces familles éprouvées par le malheur, dont les membres se groupent autour du même foyer et trouvent leur consolation à s'entretenir de ceux qu'ils ont aimés et perdus, les Français d'aujourd'hui ne doivent connaître d'autre préoccupation que celle de leur pays, d'autre sujet d'entretien que ses grandeurs passées, ses revers et ses espérances. Cette année, Messieurs, il ne pouvait entrer dans ma pensée de vous parler d'autre chose que de la France.

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