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A NOS LECTEURS.

Les cruels événements des années 1870 et 1871 nous ont forcés d'interrompre notre publication. Pendant plus de six mois, la moitié de nos collaborateurs a été enfermée dans Paris et privée de toute communication avec le reste de la France, tandis que l'autre moitié était dispersée dans les départements ou présente sur les champs de bataille. Tout ce que nous avons pu faire a été de remplir nos engagements vis-à-vis de nos souscripteurs de 1870, en publiant dans les derniers mois de 1871 les deux livraisons qui leur étaient encore dues.

Nous reprenons aujourd'hui le cours de nos travaux, et nous avons la ferme espérance qu'aucun nouveau deuil public ne viendra les interrompre.

Nos forces se sont d'ailleurs doublées par l'accession de deux savants professeurs, MM. Gide et Boissonade, qui, par amitié pour les personnes et par dévouement pour la science, ont bien voulu consentir à partager avec nous la direction de la Revue. Nos deux nouveaux collègues sont connus de tous nos lecteurs par leur enseignement à la Faculté de Droit de Paris, par leurs succès dans les

concours académiques, par la collaboration qu'ils nous avaient depuis longtemps accordée, et chacun appréciera comme nous le profit que notre recueil doit tirer de leur codirection.

Nous nous sommes particulièrement préoccupés de développer la partie de la Revue qui laissait peutêtre le plus à désirer, la partie bibliographique. En dehors de la Bibliographie proprement dite, dans laquelle nous continuerons à donner l'analyse critique d'un certain nombre d'ouvrages, chacune de nos livraisons contiendra à l'avenir l'indication des nouvelles publications relatives à la science du droit ainsi que le dépouillement des recueils périodiques, français ou étrangers, avec lesquels nous sommes en rapports.

Nos efforts tendront de plus en plus à répandre dans le public la connaissance des législations anciennes et celle des législations étrangères. Cette double étude emprunte aux événements contemporains un intérêt qu'aucun esprit sérieux ne saurait méconnaître; elle devient pour la jeunesse française une impérieuse nécessité. Depuis dix-huit ans bientôt que nous sommes entrés dans cette voie, nous avons recueilli les plus honorables sympathies; nous en exprimons ici toute notre gratitude, et nous en sollicitons avec confiance la continuation.

LA DIRECTION.

Février 1872.

ANCIENNE & MODERNE

FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE

LA TABLE DE CLES

INSCRIPTION DE L'AN 46 APRÈS J.-C. CONCERNANT LE DROIT DE CITÉ
ROMAINE DES ANAUNI, DES TULLIASSES ET DES SINDUNI.

Le 29 avril 1869, il fut découvert dans le Tyrol, aux
environs de Cles, chef-lieu de la vallée de Non (val
di Non, Naunia, Anaunia), à peu de distance au
nord-ouest de Trente, une table de bronze portant
une inscription latine dont l'importance fut immédia-
tement signalée dans les journaux et revues de l'Ita-
lie, puis de l'Allemagne (1). C'est d'après ces recueils

(1) La découverte de la Table fut d'abord annoncée dans un journal

de Trente, la Voce cattolica, du 1er mai 1869 (no 53); puis dans une

autre feuille de la même ville, il Trentino, du 5 mai (no 101). Peu après,

M. Filippo Serafini, directeur de l'Archivio giuridico, y publia le pro-

cès verbal de la découverte (Bologne, juin 1869, t. III, fasc. 3,

p. 360-364). Le même Archivio donna, en août 1869 (t. III, fasc. 5,

p. 559-591), la Tavola Clesiana, studi archeologici, de M. Francesco
Schupfer, professeur de droit romain à l'Université de Padoue.

En Allemagne, M. Théodore Mommsen publia le texte de cette in-

scription dans deux Revues: 1° dans l'Hermès, Zeitschrift für clas-

sische Philologie, t. IV, 1o cahier, p. 99-120, Berlin, 1869; 2o dans la

Zeitschrift für Rechtsgeschichte, t. IX. 1er cahier, p. 179-181, Wei-

mar, 1869.

que je reproduis ci-après le procès verbal de la découverte, tel qu'il a été dressé par l'autorité locale, puis le texte de l'inscription dont je donnerai la traduction en français. J'y ajouterai quelques observations dont la meilleure partie est empruntée aux savantes études de MM. Schupfer et Th. Mommsen.

Je n'ai pas la prétention de traiter ni même d'indiquer toutes les questions de droit, d'histoire, de géographie antique, d'épigraphie, de philologie qui peuvent se rattacher à cette inscription. Je connais trop mon incompétence dans toutes ou presque toutes ces sciences. J'ai voulu seulement livrer à une revue française les matériaux que je voyais dans les recueils publiés à l'étranger.

:

La table de Cles, tabula Clesiana ou tabula Anaunensis, contient un édit de Claude, par lequel cet empereur concède le droit de cité romaine à trois peuples des environs de Trente les Anauni, les Tulliasses et les Sinduni. Le nom de ces deux derniers peuples apparaît pour la première fois. Il en est de même de celui des Bergalei, dont l'inscription mentionne une vieille querelle avec les gens de Côme. L'édit se présente comme rendu à la suite d'une nunciatio ou delatio ad fiscum. Il signale une étroite union entre le municipe de Trente, d'une part, et les Anauni, les Tulliasses et les Sinduni, d'autre part: cette étroite union est présentée comme un des principaux motifs qui déterminent l'empereur à la concession du droit de cité.

La table de Cles est loin d'avoir l'importance des tables d'Héraclée, de Malaga et de Salpensa; elle n'est cependant pas sans intérêt, soit pour l'histoire générale de Rome, soit en particulier pour celle du pays Trente. Elle n'opère pas, sans doute, de révolution de

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