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<< mander l'ouverture dans la province du Yun-Nan d'un nou<< veau port de commerce à Man-Hao sur les bords du So'ngKoy. >>

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Dans le courant du mois de mai, j'ai reçu la dépêche dans laquelle vous m'entreteniez de l'établissement dans le Yun-Nan d'un port sur les bords du fleuve, où les bateaux puissent atterrir.

J'ai répondu à cette dépêche que le Yun-Nan n'était pas ouvert au commerce, que, devant votre désir, je croyais devoir écrire aux autorités du Yun-Nan à ce sujet et que dès l'arrivée de leur réponse, je m'empresserais de régler cette affaire.

Maintenant que votre Gouvernement veut l'ouverture d'un nouveau port de commerce, je dois vous faire observer que la province du Yun-Nan est très éloignée de Pé-King, qu'il est urgent d'aviser aux moyens de régler tout ce qui touche aux frontières de cette province et que dès lors je ne puis rien préjuger ni décider.

S. Exc. Li [Han-tchang] ayant été envoyé par S. M. pour procéder à une enquête sur l'affaire Margary et la régler, il lui sera possible dès que ce règlement aura eu lieu, de faire une enquête sur la situation des différents points de la province et des frontières, d'étudier et de régler cette question. J'écris à S. Exc. Li de faire immédiatement après le règlement de l'affaire Margary une enquête minutieuse sur la possibilité de donner suite (à votre projet). Dès que j'aurai reçu la réponse de ce fonctionnaire, je m'empresserai de vous la communiquer.

Telle est la communication que j'ai cru devoir vous envoyer en réponse.

(Le sceau du Tsoung-li Yamen 1.)

La réponse était dilatoire; la Chine était dans la période aiguë de ses négociations avec l'Angleterre au sujet du meurtre de Margary. M. de Rochechouart pouvait écrire le 15 septembre 1875, au Duc Decazes :

A mon avis, le gouvernement chinois attend le résultat de ses négociations avec M. Wade pour prendre une décision, et je

1. Traduction certifiée conforme : le 1er interprète p. i., F. SCHERZER.

ne doute pas un instant que s'il accorde l'ouverture de la route de Bhamo, il n'ouvre également le So'ng-Koy.

M. Hart est venu me voir hier, et, dans la conversation, il m'a demandé si, le cas échéant, le gouvernement français accorderait aux croisières de la Douane le droit de passage dans les eaux annamites, c'est-à-dire si le gouvernement chinois pourrait faire venir de Canton dans le So'ng-Koy chinois ses petites canonnières.

C'était se bercer d'illusions; la Chine ne cherchait qu'à gagner du temps; elle avait assez d'une affaire à la fois. On n'a pas remarqué et admiré avec quelle rare habileté, elle at joué les hommes d'État d'Occident; elle a pris son temps pour régler successivement ses différends avec l'Angleterre (Margary), la Russie (Kouldja) et la France (Tong-King) et les diplomates européens ont, sans s'en douter, attendu que la Chine, malgré les menaces ou l'emploi des armes, ait choisi son heure pour mettre fin à des difficultés qu'elle a fait durer tout le temps qu'elle a désiré.

CHAPITRE XIV

L'AFFAIRE DU TONG-KING (Suite).

MISSION DE M. DE KERGARADEC, 1876-1877

Le 18 juillet 1876, l'amiral Victor Duperré adressait au Ministre de France à Pé-king une demande de renseignements sur le sud du Yun-Nan et le priait de solliciter du Tsoung-li Yamen des lettres de recommandation et des passeports pour M. de Kergaradec, consul à Ha-noï', et quinze soldats ou marins qui devaient l'accompagner dans une mission d'exploration dans le So'ng-Koy et le Yun-Nan méridional que l'amiral désirait confier à ce fonctionnaire. M. Brenier en référa à Paris, car il craignait d'essuyer un refus: la Chine sachant que sa responsabilité était engagée dès qu'elle avait remis des passeports, - l'affaire Margary lui avait servi de leçon, et que son autorité dans le Sud

1. Kergaradec, Alexandre-Camille-Jules-Marie Le Jumeau, comte de, né le 1er janvier 1841; élève à l'École navale, 1er octobre 1857; aspirant de 2o classe, 1er août 1859; de 1re classe, 1er septembre 1861; enseigne de vaisseau, 1er septembre 1863; lieutenant de vaisseau, 7 mars 1868; attaché à l'état-major du ministre de la marine, 2 juin 1874; chargé du consulat de France à Ha-noï, 16 mai 1875; administrateur principal des affaires indigènes, 1er janvier 1882; capitaine de frégate, 13 avril 1883; en mission à Hué, 13 avril 1883; consul de re classe et commissaire du gouvernement à Bang-Kok, 5 juillet 1883; consul général et chargé d'affaires, 5 août 1887; consul général à Moscou, 5 janvier 1891; mort 2 octobre 1894, à Berlin, où il était de passage.

du Yun-Nan n'était que nominale; elle avait récemment refusé à M. Butzov des passeports pour des voyageurs russes se rendant au Tibet avec sept cosaques en mission scientifique.

M. Brenier ayant néanmoins fait une demande, il arriva ce qu'il avait prévu; le Yamen refusa les passeports de M. de Kergaradec; sur l'insistance de notre ministre, ils finirent toutefois par être accordés.

LE PRINCE KOUNG ET LES MEMBRES DU TSOUNG-LI YAMEN AU VICE-ROI DU YUN-NAN

Le 14 jour de la 9o lune, nous avons reçu une lettre de M. le Vte Brenier de Montmorand, ministre de France, nous annonçant que M. le Capitaine de Kergaradec, consul par intérim à Ha-noï, au Sud du Yun-Nan, se proposait d'aller par cau examiner les conditions de navigabilité de la Rivière Rouge, de Lao-Kay à Man-hao et à Mong-tseu, la lettre ajoutait : Lao-Kay est sur la frontière de l'Annam et de la Chine; le capitaine de Kergaradec doit avoir une escorte de quinze matelots, et je prie Vos Excellences de donner des lettres de recommandation, si l'état troublé des lieux ne vous permet pas d'accorder des passeports, etc.

Nous, Prince et Grands Dignitaires, considérant que M. le Capitaine de Kergaradec, qui se rend au Yun-Nan, ne connaît ni la contrée ni les habitants; que M. Brenier de Montmorand a insisté vivement auprès de nous, nous donnons la présente lettre qui vous sera remise par M. de Kergaradec en personne. Nous désirons que Votre Excellence, quand M. de Kergaradec sera arrivé au Yun-Nan, ordonne aux autorités sous ses ordres de lui accorder, selon notre désir, leur bienveillante protection, et V. E. nous sera agréable; C'est très important. Nous présentons nos compliments à Votre Excellence.

(Suivent les noms du Prince et des Membres du Tsoung-li Yamen.)

19 jour de la 9 lune (4 novembre 1876)'.

1. Pour traduction conforme: le 1er interprète p. i., signé : J. ARÈNE.

M. de Kergaradec se mit en route de Ha-noï, le 23 novembre 1876, accompagné de douze soldats d'infanterie de marine, commandés par un sergent, et il arriva à Lao-kay, le 1er janvier après un voyage de quarante jours; revenu à Ha-noï, sans avoir pénétré au Yun-Nan, il en repartit le 18 février, et plus heureux que la première fois, il entra en Chine, passa à Man-hao, remonta à Mong-tseu, et visita les mines de Ko-kieou. M. de Kergaradec était de retour à Ha-noï le 18 avril, après un voyage de deux mois. Il résumait ainsi son rapport:

Au point de vue politique, la paix est partout rétablic. Le Yun-Nan est parfaitement tranquille. Les provinces annamites du haut du fleuve le sont également; seulement, la présence des drapeaux noirs, formant à Lao-Kay un petit État, indépendant de fait, rend le passage incertain et dangereux. D'un autre côté, la navigation, facile jusqu'au pied des rapides, est possible jusqu'à la frontière de Chine, c'est-à-dire jusqu'à Lao-Kay pour des bateaux à vapeur d'un très faible tirant d'eau et d'une construction spéciale. Mais au-dessus de ce point, les rapides deviennent trop difficiles pour qu'on puisse espérer de les faire jamais franchir à des bateaux à vapeur. A Man-Hao s'arrête toute navigation du fleuve. Quant au commerce, il semble qu'on se soit singulièrement exagéré, non pas certes les ressources naturelles du YunNan, mais le mouvement auquel elles pourraient actuellement. donner lieu... 1.

TRIBUT ANNAMITE, 1877

Les Annamites dans leurs relations avec la Chine tenaient le traité de 1874 comme non avenu. En 1877, ils envoyèrent P'ei Wen-i, avec une mission, porter le tribut ordinaire à Pé-king. La mission annamite passa la frontière le 18 sep

1. Rapport sur la reconnaissance du fleuve du Tonkin, par M. de Kergaradec... Paris, 1877, in-8. (Ext. de la Revue maritime et coloniale.)

2. En 1873, le tribut annamite avait passé la frontière le 27 avril.

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