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difficultés nouvelles qui pourraient surgir de ce chef, en plaçant la cour de Hué plus directement et plus complètement sous notre influence.

:

L'établissement d'un protectorat nettement défini me paraît devoir être l'objectif principal que nous devons nous efforcer d'atteindre le règlement définitif de la question des relations extérieures de la cour de Hué en sera la conséquence naturelle, c'est-à-dire qu'à l'avenir ces relations devront être exclusivement et expressément soumises à notre contrôle et à notre intermédiaire. Il est nécessaire, en effet, d'éviter le retour des incidents qui se sont produits lors de l'envoi à Pé-King d'une ambassade annamite, de la tentative qui a été faite par le cabinet de Madrid pour accréditer auprès du roi Tu-Duc un représentant, etc. De plus, le Gouvernement Espagnol étant complètement désintéressé par suite du paiement par anticipation des dettes de l'Annam, le produit des Douanes pourra nous être totalement acquis au Tong-King. Il y aura également lieu de se préoccuper de la mesure dans laquelle l'administration générale du pays pourra être placée sous le haut contrôle d'agents commissionnés par le gouvernement français. En un mot il conviendra que la cour de Hué soit tenue de remplir vis-à-vis de nous toutes les obligations d'une puissance vassale envers son Suzerain.

Je vous communique ci-joint une lettre dans laquelle M. le Ministre des Affaires Étrangères exprime le désir de connaitre votre avis sur la marche générale à suivre pour arriver plus facilement au but que nous poursuivons. Je ne puis, par suite, que vous prier de me faire parvenir un plan exposant les modifications que vous croirez utiles d'introduire dans nos relations avec l'Annam.

Je m'empresserai de m'entendre avec M. le Ministre des Affaires étrangères sur la ligne de conduite qu'il conviendra d'adopter, de manière à préparer des instructions précises qui vous permettront d'appliquer en toute connaissance de cause les nouveaux principes qui régiront notre protectorat.

LE MINISTRE D D'ESPAGNE

Un nouvel incident espagnol surgit tout à coup. Don Tiburcio Rodriguez notifie à M. Bourée qu'il est nommé ministre plénipotentiaire en Chine, Siam et Annam.

LEGACION DE ESPAÑA

EN

CHINA, SIAM Y ANNAM

Shang-haï, le 9 juillet 1881.

MONSIEUR LE MINISTRE,

J'ai l'honneur d'informer Votre Excellence que Sa Majesté le roi d'Espagne, mon Auguste Souverain, ayant daigné me nommer son Ministre plénipotentiaire en Chine, Siam et Annam, je viens de prendre, à mon arrivée d'Europe, la gestion de la Légation d'Espagne, M. Agar ayant pour tant cessé dans ses fonctions de Chargé d'Affaires.

Je me félicite des excellents rapports officiels qui heureusement existent entre nos deux pays, et dans l'espoir que Votre Excellence voudra me prêter sa bienveillante coopération pour ceux que j'aurai à entretenir avec Elle, je saisis avec empressement cette occasion pour vous offrir, Monsieur le Ministre, les assurances de ma considération la plus distinguée.

Signé Tiburcio Rodriguez.

Son Excellence M. A. BoURÉE,

Ministre plénipotentiaire de France.

M. Bourée n'élève pas d'objection, mais il prévient du fait le gouverneur intérimaire de la Cochinchine'.

Notre ambassade à Madrid fut chargée d'interroger le gouvernement espagnol au sujet de la mission de M. Rodriguez en Annam.

Notre Chargé d'Affaires à Madrid, le vicomte de Bresson, écrivait à M. Barthélemy Saint-Hilaire, ministre des Affaires étrangères de Madrid, le 24 octobre 1881:

« M. le Ministre d'État [Marquis de la Vega de Armijo] s'est trouvé en mesure de m'autoriser à adresser le 14 de ce mois à Votre Excellence le télégramme dans lequel je lui annonçais que

1. M. Le Myre de Vilers était parti le 4 mars 1881 pour la France, en mission; l'intérim du gouvernement avait été fait par le général de brigade d'infanterie de marine, de Trentinian, jusqu'au 31 octobre 1881, époque du retour de M. Le Myre de Vilers.

le représentant espagnol en Chine n'avait ni la mission, ni l'intention de se rendre à Hué. Je sais en outre que des ordres ont été donnés au même moment à M. Rodriguez pour le confirmer dans le projet de limiter son voyage à une visite à Bangkok. Il n'y a donc plus à redouter aujourd'hui aucune des difficultés auxquelles aurait pu donner lieu l'arrivée inopinée du Ministre d'Espagne à la Cour du roi Tu-Duc. Mais la question se trouvant posée par suite de notre intervention, M. le Ministre d'État n'a pas cru pouvoir abandonner tout-à-coup la thèse qu'il avait précédemment soutenue avec moi, à savoir qu'il ne voit dans le traité de 1874 aucun article qui interdise à l'Espagne de se faire représenter à Hué, et qu'il ne peut de son propre mouvement aliéner un droit qui lui paraît exister pour son Gouvernement, bien qu'il n'ait pas été exercé depuis 1874. Quant à l'assentiment de son prédécesseur, M. Ulloa, au traité de 1874, formulé dans une lettre du 1er juin de la même année à M. de Vernouillet, M. de la Vega de Armijo soutient qu'il n'a été précisément accordé que parce que la renonciation de l'Espagne au droit d'avoir une représentation diplomatique en Annam ne résultait nullement des dispositions de cet acte international. Il a ajouté d'ailleurs que M. Ulloa avait donné cette approbation sans consulter les Cortès, ce qui constituait une irrégularité qui pourrait avoir des conséquences graves pour cet homme d'État s'il vivait encore. J'ai fait observer à M. Vega de Armijo que c'était là un détail d'ordre intérieur dans lequel nous n'avions pas à entrer et qui ne pouvait avoir aucun poids à nos yeux pour infirmer la signature de M. Ulloa. M. le Ministre d'État a répété aussi que le fait relevé par M. Bourée à l'égard de M. Rodriguez n'était pas une innovation, car de tout temps les Ministres d'Espagne en Chine avaient été munis de lettres de créance qui les accréditaient à la fois à Siam et en Annam, même depuis 1874. Tel était, paraît-il, le cas des deux agents qui ont précédé M. Rodriguez à Péking, MM. Faraldo et España, à l'égard desquels nous n'avions élevé cependant aucune réclamation.

En résumé, malgré les réserves que M. le Ministre d'État a cru de son devoir de formuler pour dégager sa responsabilité, je ne pense pas qu'en présence de l'espèce de veto que j'ai nettement prononcé au nom du Gouvernement français, il puisse sérieusement entrer dans les intentions du cabinet de Madrid de revendiquer au sujet de sa représentation en Annam un pré

tendu droit qui restera sans doute pour l'avenir à l'état de lettre-morte, ainsi que cela a eu lieu depuis 1874.

L'effet de notre démarche ne tarda pas à se faire sentir à Pé-King et le 28 novembre 1881, M. Bourée, alors à ChangHaï, put écrire au ministre des Affaires étrangères :

Depuis huit jours, M. Rodriguez est en possession d'un télégramme de son gouvernement qui lui défend de se rendre à Hué jusqu'à nouvel ordre. Ce fait seul m'a prouvé très clairement que le Cabinet de Madrid avait été saisi de notre réclamation. Je n'en ai pas moins demandé à M. Rodriguez s'il savait à quoi attribuer un aussi étrange malentendu. Son explication a été fort simple et je la crois parfaitement sincère. Bien avant nos traités de 1874 avec l'Annam et depuis l'installation même d'un agent diplomatique espagnol en Chine, le représentant de Sa Majesté Catholique près la Cour de Péking, a toujours porté le titre de « Ministre en Chine, en Annam et à Siam ». Cette désignation a été conservée par une pure inadvertance, quand la Direction du Protocole à Madrid a préparé les lettres de créance de M. Rodriguez: on aurait recopié, dans un bureau mal renseigné, de vieilles formules qui n'étaient plus de saison. De là l'imbroglio que Votre Excellence connaît et qui évidemment n'aura pas d'autre suite.

DÉCLARATION DE LA CHINE

Le 29 septembre 1881, le ministre des Affaires étrangères transmettait à M. Bourée la lettre du marquis Ts'êng (24 sept.) dont l'objet était de faire savoir que le gouvernement chinois ne reconnaissait pas le traité conclu en 1874 entre la République française et le roi d'Annam.

Dans la séance du 21 juillet 1881, fut discuté à la Chambre des Députés le projet de loi portant ouverture d'un crédit supplémentaire de 2 400 000 francs au ministre de la Marine et des Colonies, sur l'exercice 1881, pour le renforcement des forces navales au Tong-King, qui, malgré une vive opposition de M. George Périn, fut adopté par 390 votants contre 82.

CORDIER.

II.

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L'impératrice de l'Est, Ts'eu-ngan', mourut le 9 avril 1881, presque subitement, dans sa quarante-cinquième année; cette mort était due sans doute à une maladie de cœur, mais l'amour du scandale fit courir le bruit de la maladie et de la grossesse de l'impératrice de l'Ouest, d'où émotion mortelle chez l'impératrice de l'Est; le mot de poison fut même prononcé; il n'avait rien de surprenant dans cette cour qui rappelait Byzance par beaucoup de

côtés2.

Le Prince Koung fit part de la mort de Ts'eu-ngan à M. Bourée par la lettre suivante:

Le 11 avril 1881.

(13 de la 3o lune de la 7 année Kouang Siu).

Le 9 avril (11 de la 3o lune) la Chancellerie Impériale a eu l'honneur de recevoir le Décret suivant dont nous croyons devoir donner communication à Votre Excellence :

I. I, p. 130; II, p. 9.

2. Sur le titre canonique de l'impératrice, voir la Gazette de Pé-King, 19 avril 1881.

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