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la province et de tenir solidement les voies conduisant à nos confins. Cependant, ce gouverneur, sans avoir reçu aucun ordre de Nous, est retourné dans la province, sans se préoccuper aucunement des frontières, et, les troupes Impériales s'étant retirées, la ville de So'ntay a été prise.

Une telle méconnaissance des nécessités de la situation, de la part de T'ang Kiong et sa retraite à l'approche du danger, sont dignes de toute notre indignation. Nous avons déjà ordonné secrètement à Tehang Kai-song1 de se rendre sans délai dans le Yun-Nan pour y porter nos commandements destituant Tang Kiong et ordonnant qu'il soit arrêté et mis en jugement. Tchang Kai-song doit déjà être arrivé dans le Yun-Van, nous lui enjoignons, en conséquence, de désigner des fonctionnaires pour amener à Pé-king, aussi promptement que possible, l'officier destitué, et le livrer au Ministère de la Justice, qui statuera sur son châtiment.

Les fonctions de gouverneur du Yun-Van seront remplies par Tchang K'ai song, tandis que Li Yong-tsing prendra la gérance de celles de gouverneur du Koueï-tchéou2.

Respect à ceci!

DÉCRET.

La guerre entre la France et l'Annam ayant donné une grande importance à la défense de nos frontières du Kouang-Si, Nous avons ordonné à Siu Yèn-sin de conduire, hors des défilés, l'armée destinée à la protection de la province et de s'y maintenir solidement, afin de garantir les voies conduisant à nos confins. Néanmoins, ce Gouverneur a sans cesse retardé son entrée en campagne, et s'est retranché dans Lang-So'n, se bornant à envoyer le Général Houang Kouï-lan et le Tao-taï Tchao-Wo avec des troupes pour occuper la ville annamite de Bac-ninh. Quand les Français se sont lancés contre cette place, le Général et son collègue ne l'ont pas défendue vigoureusement; puis ont battu en retraite; si bien que Bac-ninh a été pris. Ces faits sont bien dignes de notre indignation. Siu Yen-Sin et Tchang Choucheng nous ont, l'un après l'autre informé par des Rapports des circonstances dans lesquelles la ville avait été perdue, le premier

3

1. Gouverneur du Koueï-tchéou.

2. Trésorier du Koucï-tchéou.

3. Vice-Roi des deux Kouang; à Canton, 26 octobre 1884.

Nous priant de lui infliger un châtiment sévère, et Tchang Choucheng Nous demandant d'user de rigueur avec lui. Aussi avons Nous secrètement enjoint à P'an Ting-sin de se rendre sans délai au-delà de la passe Tchèn-nan Kouan, au Kouang-Si, pour y porter nos ordres destituant Siu Yèn-sin et le faisant arrêter pour être jugé, et à Wang To-pang de transmettre Nos Volontés à Houang Koui-lan et à Tchao-Wo destitués aussi, et mis en état d'arrestation pour être jugés.

Calculant que P'an Ting-sin doit être présentement arrivé dans le Kouang-Si, nous commandons à ce gouverneur de désigner des délégués pour conduire Siu Yen-sin à Pé-King, et le livrer au Ministère de la Justice, chargé de le punir. Nous ordonnons, de plus, au mème P'an Ting-sin et à Wang To-pang d'examiner de la façon la plus sérieuse dans quelles conditions se sont effectuées la retraite et la défaite de Houang Koui-lan et de Tchao-Wo et, s'il s'agit d'un abandon du pays et d'une fuite, de Nous le rapporter aussitôt, nous priant de rendre un Décret châtiant les coupables, qu'il est inutile d'envoyer au Ministère de la Justice.

Le Général de brigade déjà dégradé Tchèn To-Koui qui avait la garde du fort de Fou-leang pris le premier, et le Colonel T'ang Min-hiuan, qui, après s'être retiré avec ses hommes, ne s'est pas reporté en avant, doivent être aussitôt décapités devant l'armée. Que l'on recherche aussi tous les autres officiers qui ont fui, et qu'ils soient l'objet de sentences proportionnées à leurs fautes, en demandant un Décret qui les rende exécutoires. Que rien ne Nous soit caché.

Tehang Chou-cheng ayant autorité sur les deux provinces a mérité nos reproches. Il ne nous semble pas capable de gouverner une région aussi vaste. Par grâce, cependant, Nous ordonnons que son châtiment soit atténué en une simple décision du Ministère contre lui.

Que les fonctions de gouverneur du Kouang-Si soient remplies par P'an Ting-sin, et que P'ang Tsi-yun prenne la gérance

de celle du Hou-Nan.

Que Wang To-pang devienne, en outre, par intérim, Général du Kouang-Si.

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Respect à ceci »>!

1. Trad. de M. A. Vissière.

Un décret du 28 avril 1884 (4° jour, 4 lune, 10 année Kouang-Siu) nommait Siù King-tch'èng' ministre en France, en Allemagne, en Italie, en Hollande et en Autriche. Pendant son voyage, Li Foung-pao était chargé provisoirement de l'intérim de la légation de Chine en France. Siù, qui remplaçait le marquis Ts'êng, quitta Chang-Haï sur le paquebot du 7 septembre 1884.

Le 8 mai 1884 (14° jour, 4o lune, 10° année Kouang-Siu), un décret impérial répartissait l'administration des côtes entre les trois commissaires suivants :

Le Grand Référendaire près la Cour de Cassation Ou Ta-tch'en est désigné pour collaborer (avec Li Houng-tchang) à l'administration des Affaires du Commissariat Général des ports du Nord;

Le docteur au Grand Secrétariat Tehen Pao-chen est désigné pour collaborer (avec Ts'èng Kouo-ts'iuan) à l'administration des Affaires du Commissariat Général des ports du Sud;

Le Docteur expliquant à l'Académie Impériale, Tchang Peiloun est désigné pour collaborer (avec les hautes autorités de la province) à l'administration des Affaires relatives au littoral du Fou-kien.

Ces fonctionnaires sont autorisés à adresser directement des rapports au Trône.

Respectez ceci!

La nomination de Tchang Peï-loun faisait sortir du Tsoung-li Yamen ce personnage agité dont les légations, à leur grande joie, se trouvaient débarrassées.

1. Ne pas le confondre avec Siù Keng-chèn, membre du Tsoung-li Yamen (supra), qui est mort en janvier 1894; tous les deux étaient du Tché-Kiang.

Siù King-tch'èng, trois ans auparavant, avait été nommé ministre au Japon, mais la mort de sa mère survenue inopinément alors qu'il attendait à Chang-Haï son ordre d'embarquement, l'avait obligé de rentrer dans la vie privée pour passer la période de deuil réglementaire de trois ans.

CHAPITRE XXII

L'AFFAIRE DU TONG-KING (Suite). — CONVENTION FOURNIER, 11 mai 18841.

Le 26 mars 1884, M. Fournier, commandant du Volta, rencontrait à Hong-Kong, M. Detring3, des Douanes chinoises, grand ami de Li, qui rentrait d'Europe. M. Detring reconnaissait que Ts'èng était poussé par son conseiller anglais qui parlait des grandes forces chinoises et d'une coalition européenne inspirée par l'Allemagne ; nous serions abandonnés par l'Angleterre; dès son premier entretien, avec le commandant Fournier, M. Detring aborda la question d'un arrangement possible avec Li.

M. Detring remonta vers le Nord, tandis que le commandant Fournier visitait, avec le Volta, Swatow, Amoy, Ki-loung, et arrivait enfin à Chang-Haï; là, Ma Kien-tchong lui remit une dépêche de Li le priant d'aller à Tien-Tsin conférer en

1. Ministère des Affaires étrangères. Documents diplomatiques. AFFAIRES DU TONKIN, Convention de Tien-Tsin du 11 mai 1884. Incident de Lang-Son. Paris, Imp. Nat., 1884, in-fol. Diplomatie chinoise. Li-Hung-Chang et le commandant Fournier. Par A. Gervais (Revue pol, et litt., 11 octobre 1884, p. 449-457).

2. Fournier, François-Ernest, né le 23 mai 1842; entré au service, 1859; aspirant, 1er août 1861; enseigne de vaisseau, 1er septembre 1865; lieutenant de vaisseau, 22 mai 1869; capitaine de frégate, 1er octobre 1879; capitaine de vaisseau, 24 mai 1884; contre-amiral, 27 mai 189122 juillet 1891; vice-amiral, 16 septembre 1897.

3. G. Detring, allemand, entré en avril 1865 dans les Douanes; commissaire depuis mars 1872.

ami avec lui, et comme gage de sa sincérité, il lui annonçait le rappel de Ts'èng. L'amiral Lespès, commandant l'escadre d'Extrême-Orient, autorisa le commandant Fournier à se rendre à Tien Tsin, en informa le Gouvernement (29 avril) qui l'approuva (30 avril), et lui donna carte blanche pour conduire des négociations officieuses sur les bases suivantes :

ART. I. La France s'engage à respecter et à protéger dans le présent et dans l'avenir contre toute agression et dans toutes circonstances, les frontières du Tong-King limitrophes de la Chine.

ART. II. Le Céleste Empire, rassuré par les garanties formelles de bon voisinage qui lui sont données par la France, quant à l'intégrité et à la sécurité des frontières méridionales de la Chine s'engage:

1o A retirer immédiatement toutes les garnisons chinoises du Tong-King;

2o A respecter dans le présent et dans l'avenir les traités directement intervenus ou à intervenir entre le Gouvernement Français et la Cour de Hué;

3o A admettre sur toutes les frontières du Tong-King, le libre trafic entre l'Annam et la France, d'une part, et la Chine, de l'autre, dans les conditions d'un traité de commerce assurant aux deux parties des avantages réciproques'.

Le commandant Fournier quitta Chang-Haï, le 1er mai, sur le Volta et il retrouva M. Detring à Tché-fou. Sur l'invitation de l'Impératrice, Li conviait M. Fournier à venir conférer avec lui.

«Ma mission a un caractère tout-à-fait officieux, écrivait M. Fournier 2, qui me laisse d'autant plus de liberté et de latitude que je ne puis m'engager ni compromettre le gouverne

ment. >>>

1. Lettre à M. de Semallé du commandant Fournier, 6 mai 1884. 2. A M. de Semallé, Tien-Tsin, 6 mai 1884.

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