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amitié, que le moindre fétu n'est jamais venu troubler, et aussi à la façon pacifique, dont vous vous êtes acquitté de vos fonctions, et qui a surtout inspiré à notre Yamen, une profonde estime pour vous, M. le Chargé d'Affaires, le Prince à ressenti un vif regret, lorsque Votre Dépêche lui a été remise.

En effet, la Chine a fait tout ce qu'elle devait faire touchant les relations actuelles entre la Chine et la France, et la question annamite, quand elle a rendu un décret ordonnant le rappel de ses garnisons.

Si l'on fait abstraction des négociations à intervenir pour la conclusion du traité détaillé, la Chine n'a plus — si l'on tient compte du droit, et de la conduite observée jusqu'ici par nos deux grandes nations dans leurs affaires communes, matière

à discussion.

Si vous nous parlez de l'indemnité, la Chine possède la preuve qu'elle n'a en aucune façon, violé la convention. Elle n'a donc pas à payer, et son refus n'est pas dicté par l'avarice. Nous vous l'avons nettement dit, à maintes reprises; il est inutile d'y revenir. Mais au milieu des regrets que nous cause votre départ, nous ne pouvons nous dispenser de vous exposer sans détour, le fond de notre pensée.

Dans cette question (de l'indemnité), il y a un égal déshonneur pour celui de nos deux grands pays qui doit donner et pour celui qui doit recevoir. La Chine ne voulant pas porter une semblable atteinte à son honneur, n'a pas voulu non plus offenser l'honneur de la France en disant que Votre Gouvernement, dans la guerre qu'il fait à la Chine, n'avait en vue qu'une somme d'argent. Nous vous prions de vous en rendre compte, M. le Chargé d'Affaires.

Nous vous serons obligés également de vouloir bien en faire part à votre gouvernement ainsi qu'à tous les Ministres accrédités en Chine, pour qu'ils comprennent bien notre pensée.

Telle est la façon dont nous répondons en termes bienveillants, à vos communications.

Quant au passeport que vous nous avez demandé, M. le Chargé d'Affaires, dans votre dépèche et votre lettre, nous n'avons pu que le faire préparer, suivant votre désir, et nous vous l'adressons ci-joint'.

1. Pour traduction conforme, sign. : A. VISSIÈRE,

M. de Semallé quittait Pé-King, pour Chang-Haï, emportant les archives de la légation et confiant au ministre de Russie la protection de nos nationaux. M. Ristelhueber restait à Tien-Tsin.

CHAPITRE XXIV

L'AFFAIRE DU TONG-KING (Suite). M. PATENOTRE A HUÉ

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PRISE DE SO'N-TAY, 16 DÉCEMBRE 1883

Le 18 septembre 1883', le général Bouet, à la suite d'un désaccord avec le commissaire civil, rentrait en France laissant provisoirement le commandement supérieur des troupes au Tong-King, au colonel Bichot', qui prit le lieutenantcolonel Badens comme chef d'état-major. Le colonel Bichot s'empara de Ninh-binh, et l'amiral Courbet de Quang-yen (26 nov.) près de la mer. Le 25 octobre, sur l'ordre du gouvernement, l'amiral Courbet prenait le commandement effectif du corps expéditionnaire au Tong-King, et la situation. du commissaire étant par suite modifiée, M. Harmand demanda à rentrer en France (20 octobre); il y fut autorisé le 1 décembre, et il quitta le Tong-King le 24, laissant la direction des affaires civiles à M. Silvestre, administrateur des affaires indigènes.

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L'amiral Courbet ayant concentré ses forces et soigneusement préparé l'offensive, quittait Ha-noï le 11 décembre; le 14, il attaquait les forts de Phu-sa et les enlevait le 15; et après un assaut meurtrier, le 16, dans la soirée, il entrait dans la place forte de So'n tay, principal rempart de la

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1. Affaire du Tonkin. Exposé de la situation. Octobre 1883. Paris, Imp. nat., 1883, in-fol.

2. Né à Arras, le 29 octobre 1835; promu général de brigade, le 3 janvier 1884, après la prise de So'n-tay.

résistance des Pavillons Noirs, dont le chef, Lieou Yen-fou, fut blessé. La baisse des eaux empêcha l'amiral de marcher immédiatement sur Houng-hoa. La prise de So'n-tay est certainement le plus brillant et le plus sérieux fait d'armes de toute notre campagne au Tong-King; les succès qui ont suivi n'ont été que la conséquence de la capture de cette ville et des préparatifs faits par l'amiral Courbet dans le but d'en tirer tous les avantages qui devaient en résulter.

MISSION DE M. TRICOU. MORT DE HIEP-HOA.-K’IỀN-PHUOC

Avant de rentrer en Europe, M. Tricou, malgré son état de santé, fut chargé d'une mission à Hué pour appuyer notre résident, M. de Champeaux, et faire accepter définitivement notre traité de protectorat. So'n-tay était entre nos mains depuis le 16 décembre 1883. M. Jules Ferry lui télégraphiait le 14 décembre 1883:

Après avoir vu l'Amiral Courbet et vous être exactement renseigné sur sa situation et ses intentions, veuillez me télégraphier. Vous partirez ensuite le plus tôt possible pour Hué où l'assassinat du Roi peut nous créer de nouveaux dangers. Le résident a reçu instructions de faire accepter par tous les moyens possibles, même par menace d'occupation le traité par le nouveau Roi. L'adhésion aux bases du traité nous suffirait, car nous avons l'intention d'en remanier les détails et d'en adoucir les rigueurs. Voyez ce qui aura été fait, donnez conseils au besoin et renseignez-moi.

Arrivé à Thuan-an le 27 décembre, M. Tricou remonta aussitôt à Hué. La situation était difficile; suivant les termes du traité, M. de Champeaux avait insisté pour être reçu en audience par le roi; après des délais nombreux causés par les manda

1. Les Chinois perdirent un millier d'hommes; nous eûmes 68 tués et 249 blessés le 14; 15 tués et 70 blessés le 16; dont 4 officiers tués et 22 blessés.

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CORDIER.

II.

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rins, Hiep-hoa se décida à recevoir notre résident en audience le 27 novembre; le lendemain matin, on le trouva dans son lit, mort empoisonné. On avait profité de la lenteur de l'action du poison, pour faire signer au malheureux roi, un acte d'abdication par lequel il se déclarait indigne de vivre, et désignait son successeur Tai-phu. La Régence essaya de faire partir M. de Champeaux qui répondit à cette tentative en faisant venir cent hommes de Thuan-an. Nguyên van Thuong fit choix pour remplacer Hiep-hoa d'un enfant, Tai-phu, neveu de Tu-Duc, qui prit le nom de règne de K'iên-phu'o'c. Après une première entrevue avec M. Tricou, Thu'o'ng, vaincu par la fermeté de notre ministre, venait lui remettre en audience solennelle, le 1er janvier 1884, la déclaration suivante, revêtue du sceau royal :

Sa Majesté le Roi de l'Annam et son Gouvernement déclarent solennellement, par le présent acte, donner leur adhésion pleine et entière au traité du 25 août 1883, s'en remettant au bon vouloir du Gouvernement de la République quant aux adoucissements qui pourraient y être ultérieurement introduits. Le texte français seul fera foi.

Fait au Palais royal à Hué, le 1er janvier 1884.
Le sceau royal a été apposé sur la présente déclaration.

Le 5 janvier 1884, M. Tricou fut reçu en audience solennelle par le nouveau roi. Sa mission était terminée, puisque le traité était reconnu; notre agent avait seulement promis de recommander quelques adoucissements avant que le traité ne fût ratifié; ils furent en effet accordés lors des négociations avec M. Patenôtre, comme on le verra plus loin. M. Tricou s'embarqua pour l'Europe le 13 janvier.

BAC-NINH (12 MARS 1884) ET HOUNG-HOA (12 AVRIL 1884)

Toutefois, il ne fallait pas se faire d'illusions la sur situa

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