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l'autre le droit de trancher la question, sans, cependant, jamais parvenir à la régler dans le sens de l'affirmative.

MAGLIARDI.

M. Dunn faillit triompher; Mr Agliardi', archevêque de Césarée, fut désigné comme légat en Chine; il répondit de Bergame qu'il acceptait cette nomination. Dunn déclarait qu'il partirait avec le légat le 26 novembre 1886 ou plutôt le 4 décembre par malle anglaise; aux escales, disait-il, on devait faire une réception au légat et, à Chang-Haï, les autorités chinoises avaient donné des ordres pour qu'il fût reçu en grande cérémonie. Le zèle de l'agent de Li Houngtchang devait être récompensé par la place de secrétaire dans les bureaux de l'organisation de l'armée chinoise; on annonçait, en effet, qu'en cinq ans, 18 corps d'armée de 42 000 hommes chaque, seraient organisés, avec cavalerie régulière et artillerie de 3 pièces par mille hommes.

M. Dunn avait compté sans son hôte.

Le Pape après avoir songé à nommer à Pé-King un représentant permanent, revêtu du caractère diplomatique, dut céder aux représentations de la France se plaignant d'une grave atteinte à l'exercice de son protectorat traditionnel; la France lui proposait d'autre part d'envoyer à Pé-King un commissaire pontifical chargé d'étudier sur place. avec notre ministre les conditions dans lesquelles certaines affaires d'ordre purement spirituel pouvaient être traitées par un délégué apostolique, ainsi que cela a lieu à Constantinople. Le Pape aima mieux ajourner sine die l'envoi de tout représentant (sept. 1886).

D'autre part, les Chinois avaient demandé le déplacement

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1. Agliardi, Antonio, né à Cologno in Serio, diocèse de Bergame, 4 sep. 1832; cardinal au titre des SS. Nérée et Achille, le 22 juin 1896.

du Pé-Tang, la cathédrale catholique de Pé-King, et en octobre 1886, notre ministre, M. Constans, avait entamé des négociations à ce sujet avec Li. Le marquis Ts'êng allait rentrer en Chine; il était bon de terminer avant son arrivée. L'affaire du légat fut enterrée par la Chine comme par le Pape.

En réalité, Li ne tenait pas beaucoup à l'envoi d'un représentant diplomatique du Pape en Chine: « C'est, disait-il, le Mi Ts'êng, aidé de Puissances européennes, qui a poussé son Gouvernement dans ce sens ; il sera bientôt en Chine, fera vraisemblablement partie du Tsoung-li Yamen et il travaillera plus que jamais à la réalisation de son projet.

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CHAPITRE XXIX

TRANSFERT DU PÉ-T'ANG

LE PÉ-T'ANG

La cathédrale catholique de Pé-King, l'église du Nord, le Pé-T'ang, construite dans l'intérieur de la ville impériale, avait toujours été pour les Chinois, à cause de la hauteur de ses tours, considérée d'un œil fort hostile. A la pose, le 1er mai 1865', de la première pierre du nouveau Pé-T’ang, construit sur l'emplacement de la vieille église des jésuites, M. Berthemy, notre ministre, avait dit : « C'est la France qui la pose, malheur à qui y touchera. » Et cependant, à diverses reprises, l'église avait été menacée dans son exis

tence.

M DELAPLACE, 1874

En octobre 1874, les missionnaires de Pé-King ainsi d'ailleurs que notre Légation, eurent une chaude alarme. Le prince Koung fit appeler le vicaire apostolique, Mgr Delaplace, et lui déclara que la cathédrale gênait l'Empereur dans les agrandissements qu'il projetait de faire de ses jardins vers l'Ouest. Il fallait donc quitter le Pé-T'ang; on donnerait un autre emplacement et des compensations

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en conséquence du dérangement et des ennuis causés à la mission catholique. Mr Delaplace demanda à réfléchir, puis il adressa la lettre suivante au Tsoung-li Yamen :

Pé-T'ang, 6 octobre 1874 (26 de la 8o lune).

Excellences, le 22 de la présente lune vous m'avez appelé au Tsoung-li Yamen; et m'avez dit, de la part du prince Koung, qu'il y avait à craindre que le Pé-T'ang ne fût occupé par les constructions à faire sur le San-Haï : D'où vous m'engagiez à céder ledit Pé-T'ang, moyennant compensation en échange.

Je ne vous ai donné aucune réponse sur-le-champ: il me fallait quelques jours de réflexions. Or, ces réflexions sont faites; et, par la présente lettre, j'ai l'honneur de les porter à votre con

naissance.

1° Je ne puis me persuader qu'on veuille, en ce temps de paix, nous chasser du Pé-T'ang où la main du Grand Empereur k'ang Hi nous a jadis placés.

2o Une cession du Pé-T’ang librement consentie de notre part, ne me semble pas non plus possible.

Occupation violente du Pé-T'ang; cession volontaire du PéT'ang: Plus je considère ces deux choses en elles-mêmes et dans leurs conséquences, plus je les trouve également pleines de périls, impraticables sous tous les rapports.

3o La question du Pé-T'ang ne concerne pas les seuls missionnaires de Pé-King. La France et toute l'église catholique y sont intéressées. Je dois partir bientôt pour l'Europe; là je m'entendrai sur ce sujet avec mes supérieurs ecclésiastiques et le Gouvernement français.

4° Je ne dis encore rien à la Légation de France. Ce n'est pas à moi à lui parler maintenant de cette affaire, d'autant que, me parait-il, la Légation ne pourra pas plus que moi, aboutir par elle-même à une solution.

5o Enfin, rien ne saurait compenser pour nous le Pé-T'ang. Aussi quoi qu'il arrive, nous n'accepterons jamais ni indemnité ni échange.

Mon très sincère désir a toujours été et sera toujours de vivre en bonne harmonic; pour cela, je ferai et sacrifierai tout ce qu'il sera possible de faire et de sacrifier. Mais il est des droits qu'on ne sacrifie jamais; il est des devoirs qu'on remplit jusqu'à la

mort; or, tels sont nos droits et nos devoirs à l'égard du Pé–

T'ang.

Daignez agréer, etc., etc.

Signé L. G. DELAPLACE,

Évêque d'Andrinople, Vicaire apostolique de Pé-King.

Le Tsoung-li Yamen répondit :

RÉPONSE DU TSOUNG-LI YAMEN A M" DELAPLACE

Vous nous avez envoyé une lettre en caractères européens. Déjà nous avons mandé qu'on en traduisit le sens général (en gros, à peu près), d'où nous avons appris qu'au sujet du Pé-T'ang vous soupçonnez qu'on veut profiter de l'occasion pour vous chasser, etc., etc.

A examiner l'origine du Pé-T'ang, c'est bien le clément Empereur [K'ang Hi] qui a donné le terrain et a permis la construction. Tout le monde autrefois savait cela; mais beaucoup d'années se sont écoulées ; et à la longue on a oublié [ce fait].

Quant à la restitution opérée du temps de Hien-Foung, et quant à la bâtisse faite du temps de Toung-Tché, personne n'ignore que tout cela ayant eu lieu après l'échange des traités n'a pas été libre de notre part. Non seulement dans les Provinces on l'a compris de la sorte, mais même dans Pé-King les notables et les mandarins en ont ainsi jugé.

Aujourd'hui, si, par une nouvelle faveur on vous donne un autre endroit, ce sera faire connaître partout, en Chine comme en Europe que la construction de cette église est due au bienfait de l'Empereur actuel; et ainsi cette nouvelle condition vous relèvera de beaucoup. Par là les traces du premier bienfait (bienfait primitif) qui s'étaient effacées avec le temps, redeviendront plus resplendissantes. Par là, le fait passé de la restitution, qui a toujours laissé du louche, comme non librement consentie, sera mis hors de toute espèce de doute. Ainsi on le verra, ainsi on l'entendra en Chine et en Europe. Dans nos 18 Provinces, il ne surgira aucun résultat malheureux; de là, au contraire fleurira l'harmonie de la paix. Donc, avantages; point de perte: profit, rien qui nuise.

L'Evêque comprend ordinairement bien les choses. Touchant

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