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Mer. père. Volontiers, belle Mer. père. Ma fille! un peu Emilie. Il met la main de son fils trop d'art peut-etre— dans celle d'Emilie.) Soyez heu Em. Vous vous trompez, monreuse, et comptez sur le père le plusieur; ce n'est point ce dénouetendre et le plus reconnaissant. ment heureux que j'avais envisagé,

Em. Mon bonheur et sûr, etlen exigeant de votre fils qu'il ne le vôtre aussi, monsieur, et le vôtre parlât que lorsqu'il en recevrait mère charmante d'un fils à qui jel'ordre de moi. Je voulais éprouvais ordonner de sécher vos larmes. ver son amour, et surtout m'assuOui, Mervain, oui, je suis satis-rer qu'il savait se taire, et dompter faite, oui, vous méritez mon cœur un penchant que je lui soupçonnais oui, vous savez aimer-parlez. à l'indiscrétion. Le succès a passé Mer. fils. (avec transport) Ahmon attente

mon père! oh! mère adorable! Mer. fils. Il a comblé la mienne, oh! divine Emilie! vous le savez, Emilie: je suis à vous, et j'y suis si je sais me soumettre, et vous pour la vie; je n'ai point trop obéir. cheté le plus grand des bonheurs. La Ro. Miracle! Mais laissez-moi parler désormais, Mde. Mer. Oh! mon fils! olour vous dire sans cesse combien moment délicieux! Je respire à je vous adore.

peine.

SCÈNES CHOISIES, TIRÉES DE MOLIÈRE,

ET D'AUTRES AUTEURS CÉLÈBRES.

Scène de l'Amour Médecin.

Nos conseils sont souvent plus conformes à nos intérêts qu'à ceux des personnes qui nous les demandent.

Sganarelle, riche bourgeois, A-n'étais pas fort satisfait de sa conminte, Lucrèce, M. Guillaume, duite, et nous avions le plus souM. Josse. vent dispute ensemble. Mais enfin la mort rajuste toutes choses. Elle Sga. Ah! l'étrange chose que est morte, je la pleure. Si elle la vie! et que je puis bien dire était en vie, nous nous querelleriavec ce grand philosophe de l'an-ons. De tous les enfans que le tiquité que «qui terre a, guerre ciel m'avait donnés, il ne m'a laissé a," et qu'un malheur ne vient qu'une fille, et cette fille est toute jamais sans l'autre ? Je n'avais ma peine: car enfin je la vois dans qu'une femme qui est morte. June mélancolie la plus sombre du M. Gui. Et combien donc en monde, dans une tristesse épouvouliez-vous avoir? vantable, dont il n'y a pas moyen

Sga. Elle est morte, monsieur de la retirer, et dont je ne saurais Guillaume. Mon ami, cette perte même apprendre la cause. Pour m'est très-sensible, et je ne puis moi j'en perds l'esprit, et j'aurais m'en ressouvenir sans pleurer. Jelbesoin d'un bon conseil sur cette

matière. (A Lucrèce) Vous êtes chère nièce, ce n'est pas mon desma nièce, (à Aminte) vous, ma voi-sein, comme on sait, de marier ma sine, (à M. Guillaume et à M.Josse fille avec qui que ce soit, et j'ai et vous, mes compères et mes amis;mes raisons pour cela; mais le je vous prie de me conseiller tout conseil que vous me donnez de la ce que je dois faire. faire religieuse est d'une femme

M. Jo. Pour moi, je tiens que qui pourrait bien souhaiter charila braverie, que l'ajustement est la tablement d'être mon héritière unichose qui réjouit le plus les filles; verselle. Ainsi, messieurs et meset, si j'étais que de vous, je lui dames, quoique tous vos conseils acheterais dès aujourd'hui une belle soient les meilleurs du monde, garniture de diamans, ou de rubis, vous trouverez bon, s'il vous plaît, ou d'émeraudes. que je n'en suive aucun. (Seul.)

MOLIÈRE.

M. Gui. Et moi, si j'étais à Voilà de mes donneurs de conseils votre place, j'acheterais une belle à la mode. tenture de tapisserie de verdure, ou à personnages; que je ferais mettre dans sa chambre, pour lui réjouir l'esprit et la vue.

Am. Pour moi, je ne ferais pas tant de façons; je la marierais fort bien, et le plutôt que je pourrais, Les avec cette personne qui vous la fit, dit-on, demander il y a quelque a quelque temps.

Scènes du Mariage Forcé.

hommes sont quelquefois la dupe des conseils qu'ils demandent, parce qu'ils n'en veulent que de conformes à leurs propres

sentimens.

Lu. Et moi, je tiens que votre fille n'est point du tout propre pour le mariage. Le monde n'est point Sga. (parlant à ceux qui sont du tout son fait; et je vous con-dans sa maison.) Je suis de retour seille de la mettre dans un cou-dans un moment. Que l'on ait vent, où elle trouvera des diver-bien soin du logis, et que tout aille tissemens qui seront mieux de son comme il faut. Si l'on m'apporte humeur. de l'argent, que l'on me vienne

Sga. Tous ces conseils sont ad-quérir vite chez le seigneur Géromirables, assurément: mais je lesnimo; et si l'on vient m'en detrouve un peu intéressés, et trouve mander, qu'on dise que je suis sorque vous me conseillez fort bien ti, et que je ne dois revenir de pour vous. Vous êtes orfèvre, toute la journée. monsieur Josse, et votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise. Vous vendez des tapisseries, monsieur Guillaume, et vous avez la mine]

Scène suivante.

Sganarelle, Géronimo.

d'avoir quelque tenture qui vous Gér. (ayant entendu les derniincommode. Celui que vous aimez, ères paroles de Sganarelle.) Voilà ma voisine, a, dit-on, quelque in-un ordre fort prudent.

clination pour ma fille; et vous ne Sga. Ah! seigneur Géronimo, seriez pas fâchée de la voir femme je vous trouve à-propos; et j'allais d'un autre. Et quant à vous, mafchez vous vous chercher.

VOL. I.

II

1

Gér. Et pour quel sujet, s'il Gér. Oui. vous plaît?

Sga. Ma foi, je ne sais; mais Sga. Pour vous communiquer je me porte bien.

une affaire que j'ai en tête, et vous Gér. Quoi! vous ne savez pas àprier de m'en dire votre avis. peu-près votre âge ?

Gér. Très-volontiers. Je suis Sga. Non; est-ce qu'on songe à bien aise de cette rencontre; et cela?

liberté.

nous pouvons parler ici en toute Gér. Hé! dites-moi un peu, s'il vous plaît, combien aviez-vous d'anSga. Mettez donc dessus, s'il nées, lorsque nous fimes connaisvous plaît. Il s'agit d'une chose sance?

de conséquence que l'on m'a pro- Sga. Ma foi, je n'avais que vingt posée; et il est bon de ne rien ans alors.

faire sans le conseil de ses amis. Gér. Combien fûmes-nous enGér. Je vous suis obligé de m'a-semble à Rome? voir choisi pour cela. Vous n'avez Sga. Huit ans. qu'à me dire ce que c'est.

Sga. Mais, auparavant, je vous conjure de ne me point flatter du tout, et de me dire nettement votre pensée.

Gér. Je le ferai, puisque vous le voulez.

Gér. Quel temps avez-vous demeuré en Angleterre ? Sga. Sept ans.

Gér. Et en Hollande, où vous fûtes ensuite?

Sga. Cinq ans et demi.

Gér. Combien y a-t-il que vous

Sga. Je ne vois rien de plus con-êtes revenu ici? damnable qu'un ami qui ne nous

parle point franchement.

Gér. Vous avez raison.

Sga. Je revins en cinquantedeux.

Gér. De cinquante-deux à soi

Sga. Et dans ce siècle on trouve xante-quatre il y a douze ans, ce

peu d'amis sincères.

Ger. Cela est vrai.

Sga. Promettez-moi donc,

me semble; cinq ans en Hollande font dix-sept; sept ans en Anglesei-terre font vingt-quatre; huit dans

gneur Géronimo, de me parler avec notre séjour à Rome font trente

toute sorte de franchise.

Gér. Je vous le promets.
Sga. Jurez-en votre foi.
Gér. Oui, foi d'ami.

seulement votre affaire.

deux; et vingt que vous aviez lorsque nous nous connumes, cela fait justement cinquante-deux: si

Dites-moi bien, seigneur Sganarelle, que, sur

votre propre confession, vous êtes

Sga. C'est que je veux savoir de environ à votre cinquante-deuxivous si je ferai bien de me marier. ème ou cinquante-troisième année. Gér. Qui? vous? Sga. Qui? moi? cela ne se peut

Sga. Oui, moi-même, en propre pas. personne. Quel est votre avis làdessus?

Gér. Mon Dieu! le calcul est juste; et là-dessus je vous dirai

Gér. Je vous prie auparavant de franchement et en ami, comme me dire une chose.

Sga. Et quoi?

vous m'avez fait promettre de vous parler, que le mariage n'est guère

Gér. Quel âge pouvez-vous bien votre fait. C'est une chose à laavoir maintenant?

Sga. Moi?

quelle il faut que les jeunes gens pensent bien mûrement avant que

de la faire; mais les gens de votre tre ses dents.) Ne fais-je pas viâge n'y doivent point penser du goureusement mes quatre repas tout; et si l'on dit que la plus par jour? Et peut-on voir un esgrande de toutes les folies est celle tomac qui ait plus de force que le de se marier, je ne vois rien de mien? (Il tousse.) Hem, hem, plus mal-à-propos que de la faire, hem! Hé, qu'en dites-vous? cette folie, dans la saison où nous Gér. Vous avez raison. Je m'édevons être plus sages. Enfin, tais trompé. Vous ferez bien de je vous en dis nettement ma pen-vous marier.

sée: je ne vous conseille point de Sga. J'y ai répugné autrefois; songer au mariage, et je vous trou-mais j'ai maintenant de puissantes verais le plus ridicule du monde, raisons pour cela. Outre la joie si, ayant été libre jusqu'à cette que j'aurai de posséder une belle heure, vous alliez vous charger femme qui me dorlotera, et me vimaintenant de la plus pesante des endra frotter lorsque je serai las; chaînes. outre cette joie, dis-je, je considère,

Sga. Et moi, je vous dis que je qu'en demeurant comme je suis, suis résolu de me marier, et que je je laisse périr dans le monde la ne serai point ridicule en épousant race des Sganarelles, et, qu'en me la fille que je recherche. mariant, je pourrai me voir revivre

Gér. Ah! c'est une autre chose. en d'autres moi-mêmes. Que Vous ne m'aviez pas dit cela. j'aurai de plaisir à voir de petites Sga. C'est une fille qui me plaît figures qui me ressembleront et que j'aime de tout mon cœur. comme deux gouttes d'eau, qui se Gér. Vous l'aimez de tout votre joueront continuellement dans la cœur? maison, qui m'appelleront leur pa

Sga. Sans doute; et je l'ai de-pa quand je reviendrai de la ville, mandée à son père. et me diront de petites folies les Gér. Vous l'avez demandée ? plus agréables du monde! Tenez, Sga. Oui, c'est un mariage que il me semble déjà que j'y suis, et je dois conclure ce soir, et j'ai don-que j'en vois une demi-douzaine né ma parole. autour de moi.

Gér. Oh, mariez-vous donc; je Gér. Il n'y a rien de si agréable ne dis plus mot. que cela; et je vous conseille de Sga. Je quitterais le dessein que vous marier le plus vite que vous j'ai fait! Vous semble-t-il, sei-pourrez.

gneur Géronimo, que je ne sois Sga. Tout de bon, vous me le plus propre à songer à une femme ? conseillez?

Ne parlons pas de l'âge que je puis Gér. Assurément. Vous ne sauavoir; mais regardons seulement riez mieux faire.

les choses. Y a-t-il homme de Sga. Vraiment, je suis ravi que trente ans qui paraisse plus frais et vous me donniez ce conseil en véplus vigoureux que vous me voyez? ritable ami.

allez

N'ai-je pas tous les mouvemens de Gér. Hé! quelle est la personne, mon corps aussi bons que jamais ?s'il vous plaît, avec qui vous all Et voit-on que j'aie besoin de car-vous marier ? rosse ou de chaise pour cheminer? Sga. Dorimène.

N'ai-je pas encore toutes mes dents Gér. Cette jeune Dorimène si les meilleures du monde? (Il mon-galante et si bien parée ?

Sga. Oui.

cier! de quoi s'avise-t-il de nous

Gér. Fille du seigneur Alcan venir demander de l'argent? et que

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?

ne lui disais-tu que monsieur n'y est pas ?

La Vio. Il y a trois quarts d'heure

cidas qui se mêle de porter l'épée que je le lui dis; mais il ne veut

Sga. C'est cela.

Gér. Vertu de ma vie!

pas le croire, et s'est assis là-dedans pour l'attendre.

Sga. Qu'il attende tant qu'il

Sga. Qu'en dites-vous?
Gér. Bon parti!

Mariez-vous voudra.

promptement.

Don Ju. Non; au contraire,

Sga. N'ai-je pas raison d'avoir faites-le entrer. C'est une fort fait ce choix? mauvaise politique que de se faire Gér. Sans doute. Ah! que vous céler aux créanciers. Il est bon serez bien marié ! Dépêchez-vous de les payer de quelque chose; et de l'être. j'ai le secret de les renvoyer satisSga. Vous me comblez de joie faits sans leur donner un double. de me dire cela. Je vous remercie de votre conseil, et je vous invite ce soir à mes noces.

Scène suivante.

Gér. Je n'y manquerai pas; et Don Juan, M. Dimanche, Sganaje veux y aller en masque, afin de relle, La Violette, Ragotin.

les mieux honorer.

Sga. Serviteur.

Don Ju. Ah! monsieur Di

Gér. (à part) La jeune Dori-manche, approchez. Que je suis mème, fille du seigneur Alcantor, ravi de vous voir! et que je veux avec le seigneur Sganarelle, qui n'a de mal à mes gens de ne vous pas que cinquante-trois ans ! ô le beau faire entrer d'abord! J'avais donmariage! (ce qu'il répète plusieurs né ordre qu'on ne me fît parler à fois, en s'en allant.) personne: mais cet ordre n'est pas Sga. (seul) Ce mariage doit être pour vous, et vous êtes en droit de heureux; car il donne de la joie à ne trouver jamais de porte fermée tout le monde, et je fais rire tous chez moi.

ceux à qui j'en parle. Me voilà M. Di. Monsieur, je vous suis maintenant le plus content des fort obligé. hommes !

1

Le même.

Scènes du Festin de Pierre.

Don Juan; Sganarelle, La Violette,
Ragotin, ses valets.

La Vio. Voilà votre marchand, monsieur Dimanche, qui demande à vous parler.

Don Ju. (parlant à La Violette et à Ragotin) Parbleu, coquins, je vous apprendrai à laisser monsieur Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connaître les gens.

M.Di. Monsieur, cela n'est rien. Don Ju. (à M. Dimanche) Comment! vous dire que je n'y suis pas, à monsieur Dimanche, au meilleur de mes amis !

M. Di. Monsieur, je suis votre serviteur. J'étais venu

Sga. Bon! voilà ce qu'il nous Don Ju. Allons, vite, un siége faut qu'un compliment de créan-pour monsieur Dimanche.

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