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exécuter tous les décrets qui y avaient été formés pour la

placer, les cardinaux Morone et Navagier, qui se rendirent sur-le-champ à Trente.

Le concile finit par les acclamations, qui furent composées par le cardinal de Lorraine, à l'imitation de celles des anciens conciles. Les présidens défendirent ensuite à tous les Pères, sous peine d'excommunication, de partir sans avoir souscrit ou approuvé par instrument public tous les décrets du concile. Les souscriptions montèrent au nombre de deux cent cinquante-cinq. On désirait ardemment que les ambassadeurs des princes souscrivissent aussi les décrets du concile, pour en mieux assurer l'acceptation dans leur pays; mais cela n'était pas facile, à cause des contestations sur la prééminence. Voici comment on s'y prit. On dressa quatre instrumens publics. Le premier contenait l'acceptation des ambassadeurs ecclésiastiques, c'est-à-dire, des ambassadeurs de Ferdinaud, comme Empereur, comme Roi, et comme prince héréditaire de Pologne, de Savoie, de Florence et de Malte. Sigismond de Thown, laïque, aussi ambassadeur de l'Empereur, souscrivit sur la même feuille. Le second instrument contenait l'acceptation de Joachim, abbé de Vaud, comme ambassadeur de tout le clergé suisse. Le troisième renfermait l'acceptation des ambassadeurs de Portugal et de Venise; et le quatrième, celle de Melchior Lussi, ambassadeur des cantons suisses catholiques. Le comte de Lune, ambassadeur d'Espagne, ne voulut signer que sur cette restriction, pourvu que le Roi catholique y consentit. Il ne manqua que la signature des ambassadeurs de France, qui quelque temps auparavant s'étaient retirés à Venise, sous prétexte de mécon

tentement.

Il ne restait plus, pour mettre la dernière main à cet ouvrage, que la confirmation du Pape. Les Pères, à l'exception de l'archevêque de Grenade, avaient chargé les légats de la demander, ce qu'ils firent à leur retour à Rome. Le Pape, dans le consistoire du 26 Janvier 1564, approuva et confirma les décrets du concile, après avoir pris, selon la coutume, l'avis du sacré collége. La bulle fut signée de tous les cardinaux; et pour éviter les interprétations arbitraires, elle faisait défense d'imprimer tous les décrets avec des glosses, le Pape se réservant le droit d'éclaircir tout ce qui pourrait fournir matière à quelques doutes.

Si la troisième convocation n'eut pas la même célébrité que la première, on ne sait trop à quoi en attribuer la cause : car elle fut beaucoup plus nombreuse; d'ailleurs les prélats et les théologiens qui la composaient, étaient des hommes du premier mérite.

Tous les légats, si on en excepte Altemps, qui était jeune encore,

réformation de la discipline. Ce fut par son conseil que le

étaient l'élite du sacré collége. Le cardinal de Mantoue joignait à une illustre naissance, l'élévation du génie, l'étendue et la variété des connaissances. Il était d'ailleurs si aimé, que quand il parla de quitter la présidence du concile, toute l'assemblée et tous les princes de la chrétienté s'y opposèrent; l'Empereur descendit jusqu'aux prières, et le Pape lui ordonna de rester à Trente. A sa mort, toutes les personnes qui composaient le concile, le pleurèrent, comme si chacun eût perdu son père.

Les cardinaux Séripand et Hosius étaient deux des plus célèbres théologiens de leur siècle. Le second avait de plus un talent rare pour la controverse on voit par ses écrits, qu'il avait une connaissance profonde de l'Écriture et des Pères, et qu'il joignait la solidité du jugement à la pénétration de l'esprit et à la netteté des idées. On admirait dans Simonette un grand canoniste; mais il était un peu trop attaché aux intérêts des Papes. Morone et Navagier s'étaient fait connaître par leur prudence, et le premier était de plus fort versé dans les affaires du concile, en ayant été chargé plusieurs fois dans les diètes de l'empire. Il serait trop long de nommer tous les évêques et tous les théologiens qui se distinguèrent dans le concile par leurs vertus et leurs lumières.

Si le cardinal de Lorraine ne fut pas le plus savant, il était au moins le plus éloquent. Il amena à Trente avec lui quatorze évêques, trois abbés, et dix-huit théologiens, parmi lesquels on en comptait plusieurs d'un rare mérite; tels que Baucaire, évêque de Metz, Eustache du Bellai, évêque de Paris, Pierre Danès, évêque de Lavaur, Nicolas Maillard, doyen de la faculté de théologie de Paris, Simon Vigor, Claude d'Espence, Claude de Saintes, etc.

On distinguait parmi les évêques espagnols, Covarruvias, évêque de Castel-Rodrigue, Guerrero, archevêque de Grenade, Ayala, évêque de Ségovie, Antoine Augustin, évêque de Lérida, puis archevêque de Tarragone, qui s'est sur-tout rendu célèbre par un excellent ouvrage sur la correction de Gratien. On peut dire à peu près la même chose des évêques portugais, à la tête desquels on mettra Barthélemi-desMartyrs, archevêque de Brague, connu par sa science et sur-tout par ses vertus. Les bornes de cette note ne nous permettent pas de faire une mention distincte de tous les théologiens de ces deux royaumes. Mais nous ne pouvons nous dispenser de nommer au moins Pierre Fontidonio, Pierre Soto, Jean Villeta, Gaspard Cardillo, Alphonse Salmeron, François de Torres, Diego Payva, François Forero, George d'Ataïde, Melchior Cornelio, etc. Salmeron et de Torres étaient théo

Pape exhorta fortement les évêques à fonder des séminai

logiens du Pape, et le premier s'était trouvé aux trois ouvertures du

concile.

Il était aussi venu à Trente des évêques et des théologiens distingués des autres royaumes et pays soumis à la domination espagnole, comme de Sicile, de Naples, de Sardaigne, et des Pays-Bas. François Richardot, évêque d'Arras, Antoine Havet, évêque de Namur, et Martin Rithovius, évêque d'Ipres, amenèrent avec eux à Trente des théologiens habiles, entre autres Cornélius Jansénius l'ancien, qui devint ensuite évêque de Gand, Jean Hessels, etc. Fra-Paolo et le Courrayer, sont donc des calomniateurs, quand ils disent que les Pères et les théologiens du concile de Trente n'étaient que des scolastiques.

Les évêques italiens, qui excellaient dans la positive et dans le droit, en fournissent une nouvelle preuve. Tels étaient Sébastien Vanzio, évêque de Rimini; Jean-Baptiste Osio, évêque de Riéti; Commendon, évêque de Zante; Campege, évêque de Feltri, et beaucoup d'autres sur lesquels on peut consulter Raynaldi et Pallavicini; Jean-Baptiste Castelli, Scipion Lancelloti, Hercule Sévérole, Hugues Boncompagno, et Gabriel Paleotti, officier du Pape, dont plusieurs parvinrent aux premières dignités ecclésiastiques. Les généraux d'ordre, qui avaient voix délibérative dans le concile, étaient aussi versés dans la théologie, et savaient bien la positive. Il s'en trouva sept à Trente, qui tous souscrivirent les décrets du concile.

Il n'y vint que quelques évêques allemands; plusieurs envoyèrent quelques théologiens avec leurs procurations. Le concile admit leurs excuses. Ils représentèrent qu'ils ne pouvaient s'éloigner de leurs diocèses, à cause des séditions et des troubles qui régnaient dans le pays et parce qu'ils ne pouvaient laisser leur troupeau à l'abandon, dans une circonstance où il y avait tout à craindre de la part des ennemis de l'Eglise. Il se trouva au concile six évêques de la Grèce, deux de Pologne, deux de Hongrie, un de Bohême, un de Croatie, trois d'Irlande, d'Angleterre, savoir Thomas Godwel, évêque de Saint-Asaph, et trois d'Illyrie. Ces prélats étaient regardés par leurs collègues absens, comme les représentans de ceux qui n'avaient pu assister en personne au concile, et tous ensemble reçurent les décisions doctrinales émanées de cette auguste assemblée.

un

On suivit dans plusieurs royaumes l'exemple que le Pape avait donné en recevant les décrets du concile. Ils furent solennellement acceptés par le sénat de Venise, par la diète de Pologne et par le Roi de Portugal. Mais le Roi Philippe II, en les publiant dans l'Espagne, dans

res, conformément au vœu du concile; et pour leur don

les Pays-Bas, en Sicile et à Naples, y mit une clause relative à certains points de discipline, pour conserver ses droits et ceux de son royaume (*). La réception des décrets en Espagne et en Portugal, soumit au concile les pays occidentaux des deux mondes, une partie du Septentrion, les Indes orientales, et plusieurs contrées de 1 Afrique. Quant à l'Allemagne, le Pape obtint de l'Empereur Maximilien, que les décrets du concile de Trente y seraient publiés ; ils furent solennellement reçus dans la diète d'Augsbourg, à l'exception de certains points de discipline, dont les Allemands souhaitaient d'être dispensés. Ils l'ont pareillement été par les principales églises de la nation, et par les différens conciles qui s'y sont tenus; de sorte que la réformation y est presqu'entièrement observée, excepté la défense de posséder plusieurs bénéfices incompatibles. On a prétendu par cette tolérance rendre les évêques-princes plus puissans, afin de les mettre en état de résister aux violences des hérétiques.

En France, la Reine Catherine de Médicis en empêcha la publication légale, sous prétexte qu'on y condamnait les commendes, et plusieurs autres coutumes autorisées par la discipline établie dans le royaume. (Pallavicini, 1. 24, c. 11; de Thou, 1. 35 et 37). Le clergé de France, dans son assemblée générale de l'année 1567, demanda la publication et l'exécution des décrets du concile. (Rec. général des affaires du clergé, Vitré, 1636, in-4o, t. II, p. 14, etc. ) Il réitéra ses sollicitations en 1596, 1597, 1598, 1600, 1602, 1605, 1606, 1609, etc. Henri IV envoya un édit au parlement de Paris sur cet objet, mais cette cour refusa de l'enregistrer. Toutes ces difficultés ne venaient que de certains décrets de discipline qui ne sont point conformes aux usages du royaume. Ce n'est pas qu'on n'observe en France la plupart des décrets de discipline faits à Trente; mais ils n'y ont force de loi, que parce qu'il a plu au

(*) Pour ce qui regarde la publication et l'acceptation du concile de Trente dans les Pays-Bas, on peut consulter une dissertation latine : De gemino opusculo circa jura Belgarum quod viro Cl. Petro Stockmans adscribitur, qui se trouve à la fin des Acta Z. B. Van Espen, auct. Backhusio, Malines 1827, deuxième édit. ; le Synodicon Belgicum, t. I, p. 3-28, et la Réfutation des Observations sur les libertés de l'Eglise belgique, par un catholique belge, Alost, 1827, p. 19-35. Ce n'est pas dans l'écrit attribué à Stockmans, ni dans ceux de Van Espen, de Le Plat, ou de leurs copistes qu'on pourrait approfondir cette question. (Note de la prés. édit.)

ner l'exemple, il en fonda un à Rome, dont la conduite

Roi de les insérer dans ses ordonnances. Les conciles provinciaux ont aussi reçu la très-grande partie des réglemens de discipline, et en ont recommandé l'exacte observation. Il paraît que la dernière tentative du clergé de France, pour en obtenir une publication légale, a été dans les états de 1614 et 1615; ou du moins c'est la dernière qui ait eu l'éclat de la publicité (*).

Quant aux décisions dogmatiques, elles ont toujours été reçues en France avec le même respect que celles des conciles généraux : ainsi répondaient nos Rois aux représentations du clergé. C'est aussi ce que prouvent invinciblement les théologiens français d'après les écrits des évêques du royaume, et de plusieurs autres graves auteurs. Charles du Moulin, successivement calviniste et luthérien, qui eut enfin le bonheur d'être converti par Claude d'Espence, et qui mourut entre les bras de ce docteur en 1566, convient même (dans ses consultations sur la réception du concile de Trente) qu'il n'y a point eu d'exception pour les décrets relatifs à la foi, à la doctrine, aux constitutions de l'Église et à la réformation des mœurs. Mais néanmoins, dit de Thou, 1. 36, « ceux qui étaient d'avis de laisser au concile l'affaire de la religion à décider, comme il était juste, offensés de cette consultation, » obtinrent du parlement de Paris, que du Moulin fût mis en prison, comme ayant de mauvais sentimens en matière de religion, et comme » ayant voulu porter les peuples à la sédition par son écrit; » et dans la suite, il ne fut élargi par ordre du Roi, qu'à condition qu'il ne pourrait plus rien faire imprimer sans la permission de S. M. Les objections de du Moulin contre le concile ont été solidement refutées par Pierre Grégoire de Toulouse, professeur en droit à Pont-à-Mouson. Cette réponse est à la tête de l'édition des œuvres de du Moulin, donnée à Paris en 1681, 5 vol. in fol.

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Nous avons parlé plus haut du mérite de la plupart de ceux qui assistèrent au concile de Trente. Au reste, on ne doit pas considérer simplement en elle-même l'autorité des théologiens de ce concile, il faut la considérer comme unie à celle des autres docteurs absens, qui

(*) Voyez Exposition de la conduite tenue par le clergé de France relativement à l'acceptation des décrets de discipline du concile de Trente, dans le tom. II, pag. 397-418 de l'Echo des Vrais Principes, et la Dissertation sur la réception du concile de Trente dans l'Eglise de France, par M. l'abbé Boyer, dans son Examen du pouvoir législatif de l'Église sur le mariage, Paris, 1817. (Note de la prés. édit.)

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