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à mort pour crime de trahison. Il demanda un prêtre à l'insu du Roi, pour l'admettre à la pénitence. On lui accorda cette grâce: après quoi il fut exécuté. Ce trait prouve qu'on recevait une pénitence secrète, et qu'on se confessait à la mort (4). Il est encore une preuve de l'usage barbare où étaient anciennement les cours de justice en France, de refuser aux criminels mourans la facilité de se réconcilier avec Dieu.

Saint Grégoire défendit la divinité de Jésus-Christ contre les juifs, les ariens, et autres hérétiques. Il confondit les différens ennemis de l'Eglise, et en convertit plusieurs. Chilpéric, qui se piquait de savoir la théologie, fit un écrit où il détruisait quelques articles fondamentaux de notre foi. Il le fit voir à Grégoire, qui eut le courage de lui dévoiler ses erreurs et de les combattre (5). Il en témoigna le plus grand mécontentement : mais le saint évêque ne rebattit rien de sa fermeté. On ajoute que ce prince avait rédigé le projet d'un édit en faveur du sabellianisme, qui anéantissait la distinction des personnes divines de la Trinité; mais que S. Grégoire de Tours et S. Salvi d'Albi s'armerent d'un zèle intrépide, et l'obligèrent à le supprimer (6). Notre Saint savait allier la douceur avec le zèle. Tous ses diocésains étaient l'objet de sa sollicitude pastorale. Sa charité s'étendait à tous, et ses ennemis en éprouvaient les effets les plus sensibles. Les malheureux, ceux mêmes qui paraissaient les moins dignes de compassion, trouvaient en lui un père et un défenseur. Des voleurs ayant pillé l'église de Saint-Martin, on les arrêta, et on leur fit leur

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(4) S. Greg. Turon. Hist. l. 5, c. 26; Mabil. præf. in sec. 3, Ben. part. I, obs. 24, n. 98.

(5) Greg. Turon. loc. cit. c. 45.

(6) Voyez Velly, Hist. de Fr. t. I, p. 122, édit. de 1757.

procès. Grégoire demanda leur grâce au Roi; et comme personne ne se présentait pour suivre l'affaire, Chilpéric leur laissa la vie.

Les Rois Childebert et Gontran donnèrent de grandes marques de confiance au saint évêque de Tours; il s'en servit pour assurer, autant qu'il était en lui, la paix entre ces deux princes. Il remplit toujours, avec autant de zèle que de capacité, les commissions importantes dont il fut chargé, et ne se proposa jamais que le bien de l'Etat et la gloire de la Religion.

Sainte Radegonde avait beaucoup d'estime pour Grégoire. Cette princesse étant morte en 587, dans le monastère de Sainte-Croix de Poitiers, qu'elle avait fondé, l'évêque de Tours fit la cérémonie de ses funérailles en l'absence de l'évêque diocésain. Sa mort fit naître un schisme dans le monastère. Clotilde, fille du Roi Caribert, qui y était simple religieuse, voulut faire déposer l'abbesse pour se mettre en sa place. Elle avait plusieurs religieuses dans son parti, entre autres Basine, fille de Chilpéric; les choses furent portées à un point, qu'il fallut nommer une commission composée de plusieurs évêques pour terminer cette affaire. Grégoire fut du nombre des commissaires. L'innocence de l'abbesse qu'on voulait déposer fut reconnue. On condamna les religieuses qui s'étaient soustraites à son obédience, et on prononça contre elles la peine d'excommunication.

Saint Grégoire eut aussi de grandes liaisons de piété avec Ingoberge, veuve de Caribert, Roi de Paris. C'était une princesse aussi vertueuse que charitable. L'évêque de Tours l'assista dans sa dernière maladie, et elle le nomma son exécuteur testamentaire. Elle mourut en 589.

La même année saint Grégoire obtint la conservation des priviléges de son église, qu'on attaquait; il sut en maintenir les exemptions par son zèle et sa fermeté.

L'auteur de l'ancienne vie de saint Grégoire rapporte que ce saint évêque fit, en 594, un voyage de dévotion à Rome (7); que le Pape saint Grégoire-le-Grand le reçut avec honneur, et qu'il lui fit présent d'une chaîne d'or. Le Pape, continue-t-il, en admirant les rares vertus de son âme, fut surpris de la petitesse de sa taille : « Nous sommes tels que Dieu nous a faits, répondit l'évêque » de Tours; il est le même dans les petites et dans les grandes choses; » donnant à entendre par-là que Dieu est l'auteur de tout le bien qui est en nous, et que c'est à lui seul qu'il faut en rapporter la gloire.

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La sainteté de l'évêque de Tours fut attestée par divers miracles, dès son vivant. Il les attribuait par humilité à saint Martin et aux autres Saints dont il avait coutume de porter des reliques. Il mourut le 17 Novembre 595, après plus de vingt ans d'épiscopat. Il ordonna, avant de mourir, qu'on enterrât son corps dans un lieu par où passaient tous ceux qui entraient dans l'église. Son but était qu'en foulant aux pieds son tombeau, on en perdit insensiblement le souvenir. Mais son clergé érigea un monument en son honneur, à la gauche du tombeau de S. Martin (8).

(7) Le voyage de saint Grégoire de Tours à Rome est douteux, selon M. Levesque de la Ravallière. Suivant cet auteur, on ne cite point de garant de ce fait. 2o Si saint Grégoire eût fait ce voyage, n'en aurait-il pas parlé, puisqu'il n'a point manqué de marquer ceux qu'il fit dans la Gaule. 3o C'est de lui qu'on sait qu'il envoya un diacre à Rome; s'il y eût été lui-même, pourquoi n'en aurait-il rien dit?

(8) Saint Grégoire de Tours nous a laissé plusieurs ouvrages dont voici la liste 1o Deux livres de la Gloire des Martyrs : le second regarde principalement les miracles de saint Julien de Brioude.

2o Un livre de la Gloire des Confesseurs. C'est le récit des miracles opérés par l'intercession et les reliques de ces Saints dans les différentes parties de la France.

3o Quatre livres des Miracles de saint Martin.

4° Un livre des Vies des Pères. On trouve dans ce recueil la vie de saint

Voyez les œuvres de saint Grégoire de Tours, publiés par D. Ruinart; avec sa vie qui est à la tête de cette édition, et qui a été écrite par saint Odon, abbé de Cluni. Voyez aussi D. Rivet, Hist. Lit. de la France, t. III, p. 372, et t. V, Avertissement, p. 111; Ceillier, t. XVII; Maan, Hist. Eccl. Turon. ; le P. Longueval, Hist. de l'Eglise Gallicane, t. III, et la vie de saint Grégoire de Tours, par M. Levesque de la Ravalière ; Mém. de l'Académie des Inscriptions, t. XXVI, p. 598, édit. in-4o.

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S. HUGUES, ÉVÊQUE DE LINCOLN EN ANGLeterre.

L'AN 1200.

NULLE part on ne jette avec plus de sûreté les fondemens de la vie intérieure que dans la solitude; nulle part on ne se prépare mieux aux fonctions de la vie active et à conserver l'esprit de piété au milieu des distractions qu'entraîne le commerce des hommes. Ce fut dans le désert de la grande Chartreuse que saint Hugues apprit à maîtriser. ses penchans, et qu'il amassa ce trésor de vertu qui firent de lui un digne ministre de Jésus-Christ.

Gal, et celle de plusieurs autres Saints français. On a reproché à saint Grégoire de Tours d'avoir quelquefois rapporté des miracles dont la certitude n'était fondée que sur des bruits ou traditions populaires.

5o L'histoire des Français. C'est le principal ouvrage de saint Grégoire de Tours. Cette histoire est divisée en 16 livres. Elle comprend un intervalle de 174 ans, depuis l'établissement fixe des Français dans quelques villes de la Gaule, sur les rives du Rhin. Elle est tout à la fois ecclésiastique et civile. On y trouve plusieurs traces des anciennes lois et coutumes des Gaulois et des Français, qu'on chercherait inutilement ailleurs. Elle sera toujours lue avec plaisir par ceux qui veulent bien connaître l'origine et les commencemens de notre monarchie, et qui ne se laissent rebuter ni par le défaut de méthode, ni par la négligence du style. Voyez les remarques de D. Ruinart, qui a donné une excellente édition des œuvres de saint Grégoire de Tours, laquelle parut à Paris en 1699, in-fol.

Il était d'une des meilleures familles de Bourgogne, et vint au monde en 1140. Il n'avait point encore huit ans lorsqu'il perdit sa mère. On le mit alors dans une maison de chanoines réguliers, voisine du château de son père, qui avait servi avec distinction, et qui depuis se retira dans le même monastère, où il mourut dans le saint exercice de la pénitence. Hugues avait les plus heureuses dispositions, et il fit de grands progrès dans toutes les sciences auxquelles il s'appliqua. L'abbé du monastère le mit spécialement sous la conduite d'un prêtre vénérable qui le dirigeait dans ses études et dans les voies de la vertu. Les leçons qu'il recevait firent sur son âme une impression profonde.

L'abbé était dans l'usage de visiter tous les ans la grande Chartreuse. Hugues, à l'âge de dix-neuf ans, fut nommé pour l'accompagner. La retraite et le silence de ce saint désert, la vie tout angélique des moines qui l'habitaient, lui inspirèrent un désir ardent d'embrasser leur institut. Les chanoines réguliers voulurent inutilement à son retour le dissuader d'exécuter la résolution qu'il avait prise; persuadé que Dieu l'appelait à un genre de vie plus parfait, il partit secrètement pour la grande Chartreuse, et y prit l'habit. Les combats intérieurs qu'il éprouva d'abord, ne servirent qu'à purifier son âme, qu'à augmenter sa ferveur et sa vigilance. Mais au milieu de ces épreuves, il recevait quelquefois des consolations qui en adoucissaient l'amertume. Enfin, la pratique de la mortification, jointe à une prière continuelle, éteignit les traits enflammés de l'ennemi du salut.

Le temps où il devait être élevé au sacerdoce approchant, un ancien père qu'il servait, suivant l'usage des Chartreux, lui demanda s'il voulait être prêtre. Il répondit avec simplicité que c'était la chose du monde qu'il désirait le plus. Le vieillard, qui craignait que cette réponse

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