Mais quoi ! cet indigent, ce mortel famélique, D'un cadavre vivant traînant le reste affreux, Ne fût point mort de faim, digne mort d'un Auteur. Le malheur eft par-tout; mais le bonheur auffi. Jadis le pauvre Irus, honteux & rebuté, Que d'honneurs ! difoit-il ; que d'éclat! que de bien! Que Créfus eft heureux ! Il a tout, & moi rien. Comme il difoit ces mots, une armée en furie Attaque en fon Palais le Tyran de Carie. De ses vils Courtisans il est abandonné ; 11 fuit; on le poursuit : il est pris, enchaîné ; On pille fes trésors, on ravit ses maîtreffes; Il pleure; il apperçoit au fort de ses détreffes, Irus, le pauvre Irus, qui parmi tant d'horreurs, Sans fonger aux vaincus boit avec les vainqueurs. O Jupiter! dit-il; O fort inexorable! Irus eft trop heureux, je fuis feul miférable. Ils fe trompoient tous deux; & nous nous trompons tous, Quand du deftin d'un autre, avidement jaloux, Nous cédons à l'éclat qu'un beau dehors imprime. Tous les cœurs font cachés; tout homme eft un abysme. La joie eft paffagére, & le rire eft trompeur. Hélas! Où donc chercher, où trouver le bonheur ? En tous lieux, en tout tems, dans toute la nature; Nulle part tout entier, par-tout avec mesure; Et par-tout paffager, hors dans fon seul Auteur. Il eft femblable au feu, dont la douce chaleur Dans chaque autre élément en fecret s'infinue, Defcend dans les rochers, s'élève dans la nue, Va rougir le corail dans le fable des mers, Et vit dans les glaçons qu'ont durci les hyvers. Mortel, en quelque état que le Ciel t'ait fait naître, Sois foumis, fois contens, & rend grace à ton Maître. 109 II. DISCOURS. DAN DE LA LIBERTÉ. AN s le cours de nos ans, étroit & court paffage, Si le bonheur qu'on cherche est le prix du vrai sage, Qui pourra me donner ce trésor précieux? Dépend-il de moi-même ? Eft ce un préfent des Cieux! Mes yeux chargés de pleurs fe tournoient vers le Ciel: Ecoute, me dit-il, prompt à me consoler, Ce que tu peux entendre, & qu'on peut révéler. J'ai pitié de ton trouble, & ton ame sincére, Puifqu'elle fçait douter, mérite qu'on l'éclaire. Oui, l'homme sur la terre est libre ainsi que moi ; C'est le plus beau présent de notre commun Roi. La liberté qu'il donne à tout Erre qui pense, Fait des moindres efprits & la vie & l'effence. Qui conçoit, veut, agit, est libre en agissant C'est l'attribut divin de l'Etre Tout-puissant. Il en fait un partage à ses enfans qu'il aime. Nous fommes fes enfans, des ombres de lui-même. Il connut, il voulut, & l'Univers nâquit. Ainfi, lorfque tu veux, la matiére obéit. Nos vœux, nos actions, nos plaisirs, nos dégoûts, Dans les Cieux, fur la terre, il n'est plus de justice, Pucelle eft fans vertus * Desfontaines fans vice. Le deftin nous entraîne à nos affreux penchans, J'étois, à ce discours, tel qu'un homme enivré, Pourquoi, fil'homme eft libre, a-t-il tant de faibleflet Il le fuit, il s'égare; & toujours combattu, Pourquoi ce Roi du monde, & fi libre & fi fage, L'Abbé Pucelle célèbre Confeiller au Parlement. L'Abbé Desfontaines, homme fouvent repris de Juftice, & qui tenoit une boutique ouverte, où il vendoit des louanges & des fatires. |