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Pourquoi l'afpic affreux, le tigre, la pantére,
N'ont jamais adouci leur cruel caractère ;
Et que reconnaissant la main qui le nourrit,
Le chien meurt en léchant le maître qu'il chérit?
D'où vient qu'avec cent piés, qui femblent inutiles,
Cet infecte tremblant traîne fes pas débiles?
Pourquoi ce ver changeant se bâtit un tombeau,
S'enterre, & reffufcite avec un corps nouveau,
Et le front couronné, tout brillant d'étincelles,
S'élance dans les airs en déployant ses aïles?
Le très-fage Dufay * parmi ses plans divers,
Végétaux rassemblés des bouts de l'Univers
Me dira-t-il pourquoi la tendre fenfitive
Se flétrit fous nos mains, honteufe & fugitive!
Malade & dans un lit, de douleurs accablé,
Par l'éloquent Sylva vous êtes confolé;

Il fçait l'art de guérir autant que l'art de plaire;
Demandez à Sylva par quel fecret mystère
Ce pain, cet aliment dans mon corps digéré,
Se transforme en un lait doucement préparé ;
Comment toujours filtré dans ces routes certaines,
En longs ruiffeaux de pourpre il court enfler mes veines;
A mon corps languiffant rend un pouvoir nouveau,
Fait palpiter mon corps & penfer mon cerveau?
Il léve au Ciel les yeux, il s'incline, il s'écrie :
Demandez-le à ce Dieu qui nous donna la vie.

* M. Dufay étoit Directeur du Jardin du Roi, cr avoit été très-négligé jufqu'à lui, & qui a été enfuite porté par M. de Buffon à un point qui fait l'admira tion des Etrangers. On y conferve, outre les Plantes beaucoup d'autres raretés.

Revole Maupertuis de ces déferts glacés,
Où les raïons du jour font' six mois éclipsés;
Apôtre de Newton, digne appui d'un tel maître
Né pour la vérité, vien la faire connaître.

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Qui franchiffez les monts, qui traversez les eaux,
Dont le travail immenfe & l'exacte mesure,
De la terre étonnée ont fixé la figure;
Dévoilez ces refforts qui font la pefanteur.
Vous connaiffez les loix qu'établit fon Auteur:
Parlez; enfeignez-moi comment fes mains fécondes
Font tourner taut de Cieux, graviter tant de mondes ?
Pourquoi vers le Soleil notre globe entraîné
Se meut autour de foi fur fon axe incliné?
Parcourant en douze ans les célestes demeures,
D'où vient que Jupiter a fon jour de dix heures ?
Vous ne le fçavez point. Votre fçavant compas
Mefure l'Univers & ne le connaît pas.

Je vous vois deffiner, par un art infaillible,
Le dehors d'un Palais à l'homme inacceffible,
Les angles, les côtés font marqués par vos traits,
Le dedans à vos yeux eft fermé pour jamais.
Pourquoi donc m'affliger, fi ma débile vûe
Ne peut percer la nuit fur mes yeux répandue.
Je n'imiterai point ce malheureux fçavant,
Qui des feux de l'Etna fcrutateur imprudent,
Marchant fur des monceaux de bitume & de cendre,
Fut confumé du feu qu'il cherchoit à comprendre.

OR

OXFORD

* Meffieurs de Maupertuis, Clairaut, le Monnier, &c. allérent en 1736. à Termo, mefurer un degré du Méciten.

Modérons-nous fur-tout dans notre ambition, C'est du cœur des humains la grande passion. L'empefé Magistrat, le Financier fauvage, La Prude aux yeux dévots, la Coquette volage, Vont en pofte à Versaille effuyer des mépris, Qu'ils reviennent foudain rendre en poste à Paris. Les libres habitans des rives du Permeffe Ont faifi quelquefois cette amorce traîtreffe ; Platon va raisonner à la Cour de Denis ; Racine Janfénifte eft auprès de Louis. L'Auteur voluptueux, qui célébra Glicère,' Prodigue au fils d'Octave un encens mercénaire. S'ils ont cherché la Cour, ils ont porté des fers; Mais leur sagesse au moins les rendit plus légers. Horace modéré, vécut riche & tranquile. Qui veut tout, n'obtient rien; le difcret eft l'habile.

O vous, qui ramenez dans les murs de Paris, Tous les excès honteux des mœurs des Sibaris, Qui plongés dans le luxe, énervés de molleffe, Nourriffez dans votre ame une éternelle ivreffe, Apprenez, insensés, qui cherchez le plaisir, Et l'art de le connaître, & celui de jouir; Les plaifirs font les fleurs que notre divin Maître Dans les ronces du monde autour de nous fait naître. Chacune a sa saison, & par des foins prudens On peut en conferver dans l'hyver de nos ans. Mais s'il faut les cueillir, c'eft d'une main légere; On flétrit aisément leur beauté paffagére. N'offrez pas à vos feus de molleffe accablés, Tous les parfums de Flore à la fois exhalés,

Il ne faut point tout voir, tout fentir, tout entendre.
Quittons les voluptés pour fçavoir les reprendre:
Le travail eft fouvent le pere du plaifir.

Je plains l'homme accablé du poids de fon loifir.
Le bonheur eft un bien que nous vend la nature.
Il n'eft point ici-bas de moissons fans culture.
Tout veut des foins, fans doute, & tout est acheté.
Regardez Lucullus, de fa table entêté,

Au fortir d'un spectacle, où de tant de merveilles
Le fon perdu pour lui frappe en vain fes oreilles ;
Il fe traîne à fouper plein d'un fecret ennui,
Cherchant en vain la joie, & fatigué de lui.
Son efprit offufqué d'une vapeur groffiére,

Jette encor quelques traits fans force & fans lumiére';

Parmi les voluptés dont il croit s'enyvrer,

Malheureux ! il n'a pas le tems de défirer.

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Jadis trop careffé des mains de la molleffe,

Le plaifir s'endormit au fein de la pareffe;
La langueur l'accabla ; plus de chants, plus de vers,
Plus d'amour; & l'ennui détruifoit l'Univers.
Un Dieu qui prit pitié de la nature humaine,
Mit auprès du plaifir le travail & la peine ;
La crainte l'éveilla, l'efpoir guida fes pas,
Ce Cortége aujourd'hui l'accompagne ici-bas.
Semez vos entretiens de fleurs toujours nouvelles,
Je le dis aux amans, je le répéte aux belles.
Damon, tes fens trompeurs & qui t'ont gouverné,
T'ont promis un bonheur qu'ils ne t'ont point donné ;
Tu crois dans les douceurs qu'un tendre amour aprête,
Soutenir de Daphné l'éternel tête-à-tête.

Mais ce bonheur usé n'est qu'un dégoût affreux,

Et vous avez besoin de vous quitter tous deux.

Ah! pour vous voir toujours fans jamais vous déplaire,
Il faut un cœur plus noble, une ame moins vulgaire,
Un esprit vrai, sensé, fécond, ingénieux,

Sans humeur, fans caprice, & fur-tout vertueux.
Pour les cœurs corrompus l'amitié n'eft point faite
O divine amitié ! Félicité parfaite!

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Seul mouvement de l'ame où l'excès foit permis,
Change en bien tous les maux où le Ciel m'a foumis
Compagne de mes pas dans toutes mes demeures,
Dans toutes les faifons & dans toutes les heures.
Sans toi, tout homme eft feul; il peut, par ton appui,
Multiplier fon être & vivre dans autrui.

Idole d'un cœur jufte, & paffion du fage,

Amitié, que ton nom couronne cet ouvrage,

Qu'il préfide en mes vers, comme il regne en mon cœur! Tu m'appris à connaître, à chanter le bonheur.

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