Tu fers la Juftice éternelle,
Sans l'âcreté de cè faux-zéle De tant de Dévots * mal-faifans, Tel qu'un fujet fincére & jufte Sçait approcher d'un Trône auguste, Sans les vices des Courtifans.
Ce Fanatifme facrilége Eft forti du fein des Autels; Il les profane, il les affiége, 11 en écarte les mortels. O Religion bien-faisante! Ce farouche ennemi fe vante D'être né dans ton chafte Blanc. Mere tendre, Mere adorable! Croira-t-on qu'un fils fi coupable Ait été formé de ton fang?
On a vu du moins des Athées Sociables dans leurs erreurs ; Leurs opinions infectées
N'avoient point corrompu leurs mœurs. Des Barreaux fut doux, juste, aimable ; † Le Dieu que fon efprit coupable
tl étoit Confeiller au Parlement; il paya à des Plaideurs les frais de leur Procès, qu'il avoit trop différé de rapporter.
Avoit follement combattu, Prenant pitié de fa faiblesse, Lui laissa l'humaine sagesse, Et les ombres de lavertu.
Je fentirois quelque indulgence Pour un aveugle audacieux, Qui nieroit l'utile existence
De l'aftre qui brille à mes yeux. Ignorer ton Etre suprême,
Grand Dieu ! c'est un moindre blasphême, Et moins digne de ton courroux, Que de te croire impitoyable, De nos malheurs insatiable, Jaloux, injufte comme nous.
Lorsqu'un mortel atrabilaire Nourri de superstition, A, par cette affreuse chimére, Corrompu fa Religion; Le voilà stupide & farouche, Le fiel découle de fa bouche, Le Fanatifme arme fon bras, Et dans fa piété profonde, Sa rage immoleroit le monde A son Dieu qu'il ne connaît pas.
Ce Sénat profcrit dans la France, Cette infâme Inquifition,
Ce Tribunal, où l'ignorance Traina fi fouvent la raifon;
Ces Midas, en mitre, en foutane, Au Philofophe de Toscane, Sans rougir ont donné des fers; Aux piés de leur docte affemblée Abjurez, fage Galilée, Le fyftême de l'Univers.
Ecoutez ce fignal terrible Qu'on vient de donner dans Paris; Regardez ce carnage horrible; Entendez ces lugubres cris.
Le frere eft teint du fang du frere; Le fils affaffine fon pere;
La femme égorge fon époux;
Leurs bras font armés par des Prêtres. O Ciel font-ce là les Ancêtres De ce peuple léger & doux ?
Janfénistes & Molinistes, Vous qui combattez aujourd'hui Avec les raifons des Sophistes,
Leurs traits, leur bile & leur ennui ;
Tremblez qu'enfin votre querelle Dans vos murs un jour ne rappelle Ces tems de vertige & d'horreur. Craignez ce zéle qui vous preffe ; On ne fent pas dans fon yvresse Jufqu'où peut aller fa fureur.
Vous riez des Sages d'Athénes, Que la terre a trop respectés; Vous diffipez leurs ombres vaines Par vos immortelles clartés;
Mais au moins, dans leur nuit profonde, Conducteurs aveuglés du monde,
Ils n'étoient point perfécuteurs ; Imitez l'efprit pacifique
Et du lycée, & du portique, Quand vous condamnez leurs erreurs.
Malheureux, voulez-vous entendre La loi de la Religion?
Dans Marseille il falloit l'apprendre
Au fein de la contagion,
Lorsque la tombe étoit ouverte, Lorfque la Provence couverte Par les femences du trépas, Pleurant fes Villes défolées, Et fes campagnes dépeuplées, Fit trembler tant d'autres Etats. Tome III.
Sauvoit fon peuple périffant ; Langeron, guerrier secourable, Bravoit un trépas renaiffant. Tandis que vos lâches Cabales, Dans la molleffe & les fcandales, Occupoient votre oifiveté De la difpute ridicule
Et fur Quênel & fur la Bulle, Qu'oubliera la postérité.
Pour inftruire la race humaine, Faut-il perdre l'humanité ?
Faut-il le flambeau de la haine
Pour éclairer la vérité?
Un ignorant, qui de fon frere Soulage en fecret la mifére, Eft mon exemple & mon Docteur; Et l'esprit hautain qui dispute, Qui condamne, qui perfécute,
N'eft qu'un déteftable impofteur.
* M. de Belzuns, Evêque de Marfeille, & M. de Lan geron, Commandant, alloient porter eux-mêmes les fecours & les remédes aux peftiférés moribonds, dont les Médecins & les Prêtres n'ofoient approcher.
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