DE BUSSI
EVÊQUE DE LUÇON.
ORNEMENT
RNEMENT de la bergerie,
Et de l'Eglife & de l'amour;
Auffi tôt que Flore, à fon tour
Peindra la campagne fleurie, Revoyez la Ville chérie ;
Eft-il pour vous d'autre patrie? Et feroit-il dans l'autre vie
Un plus beau Ciel, un plus beau jour j Si l'on pouvoit de ce féjour
Exiler la TRACASSERIE? Evitons ce monftre odieux Monftre femelle, dont les yeux Portent un poison gracieux Et que le Ciel, en fa furie,
De notre bonheur envieux,
A fait naître dans ces beaux lieux Au fein de la galanterie. Voyez-vous comme un miel flâteur Diftile de fa bouche impure? Voyez-vous comme l'impofture Lui prête un fecours féducteur ? Le courroux étourdi la guide, L'embarras, le foupçon timide, En chancelant fuivent fes pas. Des faux rapports, l'erreur avide Court au-devant de la perfide, Et la careffe dans fes bras. Que l'amour, fecouant fes aîles, De ces commerces infidéles Puiffe s'envoler à jamais : Qu'il ceffe de forger des traits Pour tant de beautés criminelles. Je hais bien tout mauvais railleur, De qui le bei esprit bâtise
Du nom d'ennui, la paix du cœur, Et la conftance de fottife.
Heureux qui voit couler fes jours Dans la molleffe & l'incurie, Sans intrigues, fans faux détours, Près de l'objet de fes amours Et loin de la coquetterie. Que chaque jour rapidement Pour de pareils amans s'écoule ; Ils ont tous les plaifirs en foule
Hors ceux du raccommodement. Rendez-nous donc votre préfence, Galant Prieur de Frigolet, Très-aimable, & très-frivolet, Venez voir votre humble Valet Dans le Palais de la Conftance; Les Graces, avec complaifance, Vous fuivront en petit-colet ; Et moi, leur ferviteur folet, T'ébaudirai Votre Excellence, Par des airs de mon flageolet, Dont l'amour marque la cadence, En faisant des pas de ballet.
U revenois couvert d'une gloire éternelle, Le Gévaudan * furpris t'avoit vû triompher Des traits contagieux d'une Peste cruelle, Et ta main venoit d'étouffer
De cent poifons cachés la femence mortelle. Dans Maifons cependant je voyois mes beaux jours Vers leurs derniers momens précipiter leurs cours.
M. de Gervafi, célébre Médecin de Paris, avoit été envoyé dans le Gévaudan pour la Pefte, & à fon retour il cft venu guérir l'Auteur de la Petite-Vérole, dans le Chateau de Maifons, à fix lieues de Paris, en 1723,
Déja près de mon lit la mort inexorable Avoit levé fur moi sa faulx épouvantable. Le vieux Nocher des Morts à fa voix accourut, C'en étoit fait, fa main tranchoit ma destinée : Mais tu lui dis, Arrête.... & la mort étonnée Reconnut fon vainqueur, frémit & difparut. Hélas! fi comme moi l'aimable Génonville, Avoit de ta préfence eu le fecours utile,
Il vivroit, & fa vie eût rempli nos souhaits; De fon cher entretien je goûterois les charmes, Mes jours, que je te dois, renaîtroient fans allarmes, Et mes yeux, qui fans toi fe fermoient pour jamais, Ne fe rouvriroient point pour répandre des larmes. C'eft toi, du moins, c'est toi par qui dans ma douleur Je peux jouir de la douceur
De plaire & d'être cher encore
Aux illuftres amis dont mon deftin m'honore. Je reverrai Maisons, dont les foins bienfaisans Viennent d'adoucir ma fouffrance;
Maifons en qui l'esprit tient lieu d'expérience, Et dont j'admire la prudence
Dans l'âge des égaremens
Je me flâte en fecret qu'à mon dernier Ouvrage Le vertueux Sully donnera fon fuffrage; Que fon cœur généreux, avec quelque plaifir, Au fortir du tombeau me reverra paraître, Et que Mariamne peut être
Pourra par fes malheurs enchanter fon loifir. Beaux Jardins de Villars, ombrages toujours frais, C'est sous vos feuillages épais
Que je retrouverai ce Héros plein de gloire, Qui nous a ramené la paix
Sur les aîles de la victoire.
C'est là que Richelieu, par fon air enchanteur, Par fes vivacités, fon efprit & fes graces,
Dès qu'il reparaîtra sçaura joindre mon cœur A tant de cœurs foumis qui volent fur fes traces. cher Bullingbrook, Héros qui d'Apollon As reçu plus d'une Couronne;
Qui réunis en ta perfonne
L'éloquence de Cicéron,
L'efprit de Mécénas, l'agrément de Pétrone: Enfin donc je refpire, & refpire pour toi ; Je pourrai déformais te parler & t'entendre. Mais Ciel quel fouvenir vient ici me surprendre? Celle qui m'a donné sa foi,
Qui fut fi fidéle & fi tendre,
Daignera-t-elle encor jetter les yeux fur moi? Hélas! en defcendant fur le fombre rivage, Dans mon cœur expirant je portois fon image; Son amour, fes vertus, fes graces, ses appas, Les plaifirs goûtés dans fes bras,
A ces derniers momens Alâtoient encor mon ame, Je brûlois en mourant d'une immortelle flâme. Grands Dieux! me faudroit il regretter le trépas? M'auroit-elle oublié ? Seroit-elle volage? Que dis-je, malheureux! où vaís-je m'engager ? Quand on porte fur le vifage,
D'un mal fi redouté le fatal témoignage,
Eft-ce à l'amour qu'il faut fonger?
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