Confeiller au Parlement, & intime Ami de l'Auteur.
Toi, que le Ciel jaloux ravit dans ton printems;
Toi, de qui je conferve un fouvenir fidéle; Vainqueur de la mort & du tems;
Toi, dont la perte, après dix ans, M'eft encore affreufe & nouvelle;
Si tout n'eft pas détruit, fi fur les fombres bords Ce fouffie fi caché, cette faible étincelle,
Cet efprit, le moteur & l'efclave du corps,
Ce je ne fçai quel fens, qu'on nomme ame immor
Refte inconnu de nous eft vivant chez les morts; S'il eft vrai que tu fois, & fi tu peux m'entendre, O! mon cher GENONVILLE, avec plaifir reçoi Ces vers & ces foupirs que je donne à ta cendre, Monument d'un amour immortel comme toi.
Cette Piéce eft de 1729. Il n'y avoit pas tout-àfait dix ans que M. de Génonville étoit mort.
Il te fouvient du tems où l'aimable Egérie, Dans les beaux jours de notre vie,
Ecoutoit nos chanfons, partageoit nos ardeurs. Nous nous aimions tous trois. La raifon, la folie, L'amour, l'enchantement des plus tendres erreurs ; Tout réuniffoit nos trois cœurs.
Que nous étions heureux ! même cette indigence, Trifte compagne des beaux jours,
Ne put de notre joie empoisonner le cours. Jeunes, gais, fatisfaits, fans fons, fans prévoyance, Aux douceurs du présent bornant tous nos défirs, Quel befoin avions-nous d'une vaine abondance? Nous poffédions bien mieux, nous avions les plaifirs: Ces plaisirs, ces beaux jours coulés dans la molleffe, Ces ris, enfans de l'allégreffe,
Sont paffés avec toi dans la nuit du trépas. Le Ciel, en récompenfe, accorde à ta Maîtresse Des grandeurs & de la richefle,
Appuis de l'âge mûr, éclatant embarras, Faible foulagement quand on perd sa jeuneffe. La fortune eft chez elle où fut jadis l'amour. Les plaifirs ont leur tems, la fageffe a fon tour. L'amour s'eft envolé fur l'aîle du bel âge; ..Mais jamais l'amitié ne fuit du cœur du fage. Nous chantons quelquefois & tes vers & les miens, De ton aimable efprit nous célébrons les charmes, Ton nom fe mêle encore à tous nos entretiens, Nous lifons tes Ecrits, nous les baignons de larmes, Loin de nous à jamais ces mortels endurcis, Indignes du beau nom, du facré nom d'amis,
Ou toujours remplis d'eux, ou toujours hors d'eux
Au monde, à l'inconstance ardens à fe livrer, Malheureux, dont le cœur ne fçait pas comme on
Et qui n'ont point connu la douceur de pleurer.
UE vois-je, quel objet ! Quoi ! ces lévres chat
Quoi ! ces yeux d'où partoient ces flâmes éloquentes Eprouvent du trépas les livides horreurs ?
Mufes, Graces, Amours, dont elle fut l'image, O mes Dieux & les fiens, fecoutez votre ouvrage. Que vois-je ? C'en eft fait, je t'embraffe, & tu meurs. Tumeurs; on fçait déja cette affreufe nouvelle: Tous les cœurs font émus de ma douleur mortelle. J'entens de tous côtés les beaux Arts éperdus, S'écrier, en pleuraut, Melpoméne n'est plus.
Que direz-vous, race future,
Lorfque vous apprendrez la flétrissante injure,
Qu'à ces Arts défolés font des hommes cruels? Ils privent de la fépulture
Celle qui dans la Gréce auroit eu des Autels. Quand elle étoit au monde, ils soupiroient pour elle; Je les ai vû foumis, autour d'elle empreffés: Sitôt qu'elle n'eft plus, elle eft donc criminelle ? Elle a charmé le monde, & vous l'en punissez. Non, ces bords déformais ne feront plus profane,* Ils contiennent ta cendre; & cé trifte tombeau Honoré par nos chants, confacré par tes mânes, Eft pour nous un temple nouveau.
Voilà mon S. Denis; oui, c'eft là que j'adore Tes talens, ton efprit, tes graces, tes appas Je les aimai vivans, je les encenfe encore,
Malgré les horreurs du trépas, Malgré l'erreur & les ingrats,
Que feuls de ce tombeau l'opprobre deshonore.. Ah! verrai-je toujours ma faible nation, Incertaine en fes vœux, Alétrir ce qu'elle admire, Nos mœurs avec nos Loix toujours fe contredire, Et le François volage endormi fous l'empire De la fuperftition ?-
Quoi ! n'eft-ce donc qu'en Angleterre Que les mortels ofent penfer?
rivale d'Athène ! ô Londre! heureufe terre
Ainfi que des tyrans vous avez fçu chaffer
Les préjugés honteux qui vous livroient la guerre.. C'est là qu'on fçait tout dire & tout récompenfer;
Elle eft enterrée fur le bord de la Seine. Tome III.
Ou toujours remplis d'eux, ou toujours hors d'eur
Au monde, à l'inconftance ardens à se livrer, Malheureux, dont le cœur ne fait pas comm:
Et qui n'ont point connu la douceur de pleurer.
Quoi ! ces yeux d'où partoient ces fl. Eprouvent du trépas les livides hor Mufes, Graces, Amours,
O mes Dieux & les fict
Que vois je
Tu mer
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